Dans un thibillet précédent, j’ai énoncé une mini-loi en promettant des exemples. Pour rappel,
Docthib’s tiny law : « Si, pour un produit ou un service donné, vous cherchez une alternative plus durable ou respectueuse*, tout en exigeant le même niveau de qualité que précédemment, alors vous n’êtes pas un-e vrai-e activiste. »
* Au sens du développement durable, de la soutenabilité, ou du respect des données personnelles et de la vie privée.
Mon premier exemple est une évidence : Amazon. Aujourd’hui, le réflexe de la majorité des personnes est de faire leurs achats sur ce site. C’est rapide, pas cher, et le choix est immense. Quand j’étais jeune (dans la seconde moitié du XXème siècle), il existait encore des drogueries dans chaque quartier : en bas de chez soi, on pouvait y trouver du détachant, des gants de ménage et des bassines, de la peinture ou du bicarbonate, de la quincaillerie, des ampoules…
Amazon a remplacé tout cela, et n’importe quelle petite-moyenne-grande surface de bricolage pâlit d’envie (ou de jalousie) devant le choix offert par ce site en ligne. À tel point que des vendeuses de rayon me disent que désormais, les clients viennent pour demander des conseils, prendre le produit en photo avec leur téléphone, puis l’achètent sur Amazon.
Mais cette entreprise n’est ni durable, ni respectueuse de l’environnement, et elle traite mal ses salariés ou ses fournisseurs – sans parler de la collecte des données personnelles des consommateurs lors de leurs achats. Amazon ne paie pas d’impôts, licencie les salariés syndiqués, et envoie des dizaines de milliers de produits neufs dans les décharges chaque année.
Quelle sont les alternatives que j’utilise désormais depuis plusieurs années ?
Dans un premier temps, Fnac–Darty. C’est une société qui paie ses impôts, qui a des vrais magasins avec des vraies vendeuses, beaucoup de choix dans les rayons (tout en évitant des produits électroniques à bas prix venus du bout du monde), et les controverses sur cette enseigne sont infiniment moindres que celles sur son tout-puissant concurrent.
Alors oui, les produits vendus par la Fnac sont souvent un peu plus chers que chez concurrent sus-cité – mais pas toujours. Et pour les achats en ligne, les temps de livraison peuvent être plus longs de quelques jours.
On en vient à deux compléments à la loi ci-dessus :
- le prix n’est pas tout ;
- la notion de confort.
Le prix n’est pas tout, car pour une entreprise qui ne paie pas d’impôts, voire pas de charges sociales dans certains pays, c’est facile de vendre moins cher que ses concurrents. Mais essayons maintenant de remplacer le discours courant. Au lieu de dire « Amazon offre le meilleur prix », disons plutôt « Amazon refuse d’assurer la sécurité de ses salariés, et refuse de payer sa contribution à la société ». Avons-nous envie d’encourager ce système, alors qu’à titre personnel, nous payons des impôts et bénéficions d’une protection sociale ? En d’autres termes : quand je paie un peu moins cher un produit vendu par Amazon, j’encourage une entreprise fraudeuse et non-éthique.
Parlons du confort, avec une autre source d’alternatives pour les achats de livres (je lis beaucoup). Amazon est peut-être la plus grande librairie du monde, mais en comparaison :
- les rayons de chaque magasin Fnac sont très remplis, on peut donc comparer, lire tout un chapitre, fureter dans des zones aux thèmes improbables et donc découvrir, goûter, voir, sentir… et par ailleurs
- les librairies de quartier, quoi que plus petites, peuvent toutes commander n’importe quel livre*, avec une livraison qui arrive le plus souvent le lendemain. Avec, de surcroît, les avis personnalisés du vendeur.
* à l’exception des livres imprimés sur commande, comme relaté ici.
Il y a du plaisir à se détourner de son chemin pour quelques minutes, pour aller flâner dans les rayons d’une librairie, voire parler avec un être humain sur les mérites comparés de deux auteurs ou sur les meilleures ventes du mois.
Ma troisième source d’alternatives, hors livres ou produits trouvables à la Fnac, c’est un petit dossier dans mon navigateur que j’ai appelé « Achat-zone ». Achat-zone est mon anti-Amazon : c’est un dossier de ma barre personnelle (sous Firefox) que j’alimente régulièrement avec tous les sites français et leurs produits que je consomme régulièrement sans pouvoir les trouver facilement en magasin : vêtements d’une marque française, produits de la maison, petites fournitures bien utiles… Certes, on parle d’achats en ligne, avec livraison. Et en effet, cela prend un peu plus de temps qu’avec Amazon. Mais je préfère donner (indirectement) mon argent à La Poste qui expédie mes colis, plutôt que de contribuer aux cadences infernales et à la précarité des livreurs Amazon.
Revenons à cette notion de confort, ou d’abandon d’un certain confort. L’impulsion d’un achat sous Amazon est souvent encouragée par la promesse que le produit sera livré très rapidement – mais franchement : est-ce que ma vie va changer parce que tel produit a été livré le mardi plutôt que le vendredi ? Dans ces temps d’instantanéité, il est bon de revenir à la patience, de mesurer le temps qui passe, et de comprendre qu’une commande+livraison doit prendre un certain temps, car il y a des êtres humains à l’autre bout de la chaîne. Et au pire, quand on m’annonce certains temps de livraison « longs » (10 jours, oulala, on a l’impression que certaines personnes sont en train de trépigner à côté de leur boîte aux lettres), cela peut me permettre de remettre en cause l’achat : « finalement, ai-je vraiment besoin de ce produit ? »
Je modifie donc ma mini-loi, pour ajouter la dimension du confort, ou le choix volontaire d’accepter une réduction du confort :
Docthib’s tiny law : « Si, pour un produit ou un service donné, vous cherchez une alternative plus durable ou respectueuse*, tout en exigeant le même niveau de qualité ou de confort que précédemment, alors vous n’êtes pas un-e vrai-e activiste. »
* Au sens du développement durable, de la soutenabilité, ou du respect des données personnelles et de la vie privée.