Livre lu : Thierry Jonquet – Mygale – … et une tartine de plus sur le polar

Comme déjà dit, en parallèle de Nabokov, je lisais Mygale (Série Noire n° 1949, Gallimard, 1984), de Thierry Jonquet.

Je n’ai pas grand chose à dire, car

  1. En le commençant, je me suis vaguement souvenu de l’avoir déjà lu. Je ne peux pas dire que cela m’a gché le suspense, car l’intrigue – qui démarre bien – était assez téléphonée.
  2. Je n’ai pas été saisi par le style, que j’ai trouvé… de roman de gare. Là, on va me dire (mais osera-t-on, hein ?) que ce sont justement des romans de gare, et je dirai (car moi, j’ose) que cela ne doit pas être que cela. Ce qui me conduit à ma taxonomie historique du roman noir français, après ma vague ébauche panoptique.

Tentative de taxonomie, en trois tableaux et des miyards de bouquins

  1. Au commencement était le roman noir français, justement immortalisé par le lancement de la Série Noire, avec cette couverture jaune et noire (pour rappeler les rayures des uniformes de forçats, façon frères Dalton ?). Les auteurs étaient des hommes, des vrais, ils jactaient l’argomuche comme je l’entrave, recta et sans char. Albert Simonin (Touche pas au grisbi, Razzia sur la schnouf…) en est probablement le symbole le plus marquant. En bref, des romans serrés, écrits à la façon Hemingway (je ne décris que les actes, ne mentionne que les dialogues, et laisse le lecteur imaginer les pensées), dont le style était évident : cette gouaille virile et poétique (voui, voui, quand on sait qu’en argot, un piéton, c’est de la viande à pneus) tenait lieu de style.
  2. Puis vint l’époque de Georges Simenon. J’admire chez lui, non seulement la profondeur de l’analyse humaine (j’ai même pas peur d’écrire ça, hein, ça sonne vrai), mais aussi un style étonnant. Je serais infoutu de décrire ou analyser ce style, sinon, peut-être, en disant qu’il est composé de mots très simples, qui créent des ambiances. On a l’impression d’entendre le temps s’écouler tandis que l’intrigue se noue. Et de la poésie, oui, oui, une belle écriture, fine en psychologie, juste sur les descriptions des êtres humains, ou des choses. Pour moi, un écrivain d’ambiances. Je croyais jusqu’à récemment que Simenon était à part, et puis j’ai lu Compartiment tueurs de Sébastien Japrisot, et j’ai retrouvé ces mêmes qualités. Quand y en a qu’un, c’est une exception. Quand y en a deux, c’est un mouvement littéraire.
  3. Enfin, il y a les jeunes. J’en ai parlé dans mon panoptique fissa (Vargas, Benacquista, Pouy, et d’autres), ceux qui prennent le prétexte du rom’pol pour peaufiner un style de réflexions, grognements, humour grinçant, jeux de vocabulaire, tout un texte pas con où l’on se dit « eh, ça réfléchit dans ce roman, ça compare, ça digresse, ça construit des pensées filantes… » Du vrai style, quoi.

Bon, alors, dans ce triptyque à l’emporte-pièce, où se situe Mygale, hein ? Eh bien, selon moi, dans les jointures, précisément entre la deuxième et la troisième époque. Dans la période où la plupart des romans noirs étaient devenus des romans de gare, avec comme seule originalité par rapport à la génération précédente d’avoir rajouté du sexe et de la violence. OK, peut-être que cela a fait florès à l’époque, mais ce ne sont pas sur des outrances qu’on btit un nouveau mouvement. (? j’en sais rien, finalement, je ne suis pas critique d’art).
L’outrance, c’est comme l’intrigue du rom’pol : ce n’est qu’un prétexte. Si elles ne sont pas soutenues par un style, un souffle, une vision (ça y est, je suis chaud), ça s’effondre parce que ce n’est pas justifié.

Maintenant, la dérive de ces temps modernes, c’est que l’on va outrancer (oui, oui, ça existe) dans la justification, on va passer plus de temps à expliquer l’intérêt d’une oeuvre, qu’à la créer en tant que telle. Pour conclure, j’avais trouvé des discussions intéressantes sur l’art moderne dans le livre de Siri Hustvedt, avec le personnage très controversé de Teddy Giles, qui profite à fond d’un système médiatico-artistique dans lequel ses happenings malsains sont, au premier degré, des provocations vulgaires ou dangereuses, mais que lui transforme, par son discours, en des « transgressions de l’ordre établi » ou que sais-je.

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