Sur les conseils d’une collègue, j’ai lu un Harlan Coben, celui qui s’intitule Une chance de trop (Pocket, n° 12 484). L’histoire est relativement prenante, elle contient son lot de personnages et de désaxés, mais ce n’est pas ça. Oui, je suis rentré dans l’histoire, oui, je voulais savoir comment cela finirait, non, je n’ai rien deviné, ce n’est rien de tout cela qui me fait rendre un jugement mitigé, c’est juste qu’un polar ne doit pas être qu’un polar, il doit être habité. Derrière ce terme pompeux, que je récuse, mais bon, je ne vais pas revenir en arrière, je ne connais pas la touche tippex, il y a simplement le fait que, selon moi, le polar n’est jamais qu’un prétexte à exprimer un style, un contenant (canon de la forme du polar) qui héberge un contenu (le style), d’où le terme habité, vous voyez, ça servait à rien de tippexer, je retombe sur mes pattes.
Tous les auteurs que j’apprécient font plus que raconter une histoire, ils mettent en scène des personnages, des dialogues souvent déconnants, avec un humour féroce ou amusé. En bref, ils ont des choses à dire. C’est pour cela que, sans l’avoir lu, je ne pense pas que je lirais Da Vinci Code : je pressens trop la belle mécanique narrative sans style, le roman préformaté pour être en tête des ventes, un truc qui ne suinte pas, ne pue pas, et n’a même pas de parfum agréable, sinon celui, très discret, que sais-je, du vetiver. Allons-y dans la liste des noms qui me plaisent, car ils écrivent plus que des polars :
- pour les américains, et en désordre, James Crumley (que j’ai connu par La danse de l’ours), Dennis Lehane (auteur de Mystic river, qui a donné le film de Clint Eatswood, et dont le roman Ténèbres, prenez-moi la main m’a vraiment foutu les jetons),
- pour les français, plus distanciés, plus humoristes, j’aime beaucoup Fred Vargas (j’avais commencé par L’homme aux cercles bleus, j’aime beaucoup aussi Debout les morts, en fait je les aime tous), Tonino Benacquista (encore une fois, pour tous ses romans, et, depuis qu’il est rentré dans la collection Gallimard – et donc sorti du polar – pour son Saga, un vrai bonheur de cinéphile-téléphile écrivain), Jean-Bernard Pouy, qui touche un peu à tout (je vous raconterai un jour l’histoire de son 1280 mes, en attendant, vous pouvez toujours lire La belle de Fontenay ou Spinoza encule Hegel et la suite (à sec !).
- Enfin chez les méditerranéens, j’aime bien la trilogie Manuel Vazquez Montalban (le créateur de Pepe Carvalho, à Barcelone), Andrea Camilleri (dont le commissaire sicilien, hommage, s’appelle Salvo Montalbano, et aime autant la bonne bouffe que Pepe Carvalho) et le regretté Jean-Claude Izzo, avec sa trilogie (Total Kheops, Chourmo, Solea) dont le héros s’appelait Fabio Montale. Franchement, un héros qui carbure au Lagavullin ne peut pas être entièrement mauvais…
Pepe Carvalho, Salvio Montalbano: des hommes qui savent vivre!
Petit faible gastronomique pour Salvio Montalbano et son auteur, les meilleures descriptions de la nourriture italienne et plus particulièrement sicilienne. Scampi, pasta à l’encre de sèche… Plus agréable à lire que la plupart des menus des restaurants parisiens.
Oui, Yann, j’ai le même petit faible. Même si la petite supériorité de Pepe Carvalho est que les recettes sont décrites par le menu, ce qui n’est pas le cas pour Montalbano, je préfère la cuisine, et la saveur de la langue, siciliennes. Je me souviens d’un passage où Montalbano allait se manger une caponata, et le téléphone sonne, un avocat véreux lui tient la jambe pendant vingt minutes, et lui en a marre, il raccroche enfin, et là, alors qu’on pense qu’il va se mettre à table, il re-décroche son téléphone, appelle Livia, lui fait une déclaration, raccroche enfin, avec cette pensée : maintenant, il ne risquait plus d’être dérangé par le téléphone, il pouvait se bfrer sa caponata en paix. J’adore ce machiavélisme qui consiste à appeler Livia pour être sûr qu’elle n’appellera pas pendant son repas 🙂