Novela – la Stèle de l'Atlantide (4/4)

[Début de la nouvelle]

Des années passèrent. Le jeune homme se maria, et Dieu lui donna deux enfants, un garçon aux yeux d’obsidienne et une fille éclairée de lumière. La petite famille aimait voyager, et les parents firent découvrir à leurs enfants les richesses de différents pays des terres émergées.

Un jour, dans un musée lointain, le jeune homme cherchait ses enfants qui avaient disparu en courant dans des salles ensoleillées. Il prit un couloir et aboutit à une pièce sombre, sobrement illuminée, vide de toute présence. L’atmosphère était silencieuse et la température fraîche. Des agrandissements photographiques montraient des courants marins sur le globe terrestre, et quelques vitrines contenaient des galets. Le jeune homme pénétra dans la pièce, et découvrit une grande vitrine dans un coin retiré. Une grande pierre, plutôt un rocher, en occupait tout l’espace. Elle était couverte de ces signes atlantes que l’homme reconnaissait après tant d’années, comme une poignée de virgules frappées dans le roc non taillé. Au pied du rocher se trouvaient quelques petites pierres de silex aux arêtes vives, ainsi qu’une étiquette d’explications. L’homme lut le texte bref : « Une autre illustration de la force des courants marins dans les fosses abyssales. Ces courants, prisonniers de cheminées basaltiques souvent abruptes, tournoient avec force en entraînant de gros rochers. Ceux-ci, constamment percutés par des pierres de plus petite taille et de grande dureté, finissent par porter des marques caractéristiques ». L’homme passa derrière la vitrine. L’autre côté du rocher portait les mêmes marques irrégulièrement espacées, sculptées au hasard des reliefs de la pierre. Ému, il reconnut (ou crut reconnaître), au milieu de ce fatras de marques aléatoires, une des inscriptions que le vieil homme avait identifiée comme signifiant « la nuit ».
Il quitta la salle, retrouva ses enfants, puis il prit l’appareil-photo de sa femme et revint prendre plusieurs photographies du rocher sous tous les angles possibles. Le reste de ses vacances se passa comme en rêve, il n’était plus avec ses proches, des signes dansaient dans sa tête. Une nuit, il rêva du visage du vieil homme, et ses rides, quand il lui souriaient, prenaient la forme des caractères atlantes. Elle lui disaient « je vais bien, j’écris tous les jours ».

A son retour de vacances, il se mit au travail. Il rédigea un long document expliquant la découverte de la stèle, la croyance du vieil homme sur le fait que les deux côtés étaient sculptés de la main de l’homme, et l’impossible travail de traduction. Le but de cet article était de calculer la probabilité qu’un tel assemblage de signes frappés au hasard par des rochers puisse correspondre à la langue sculptée de l’autre côté de la stèle. Au cours de sa rédaction, l’homme se disait par moments que cette écriture des atlantes était en fait l’écriture de l’océan, celle de la nature, celle de Dieu. Malgré ses calculs rigoureux et les références aux travaux majeurs dans ce domaine, l’article fut refusé par toutes les revues académiques, tant les journaux mathématiques que les cahiers de recherche en océanologie ou les revues de probabilités. L’homme rédigea plusieurs versions de l’article, aucune d’entre elle ne trouva clémence auprès des comités scientifiques de revues. Il abandonna le sujet.

Je m’appelle Ishmaël Bustos. Je suis aujourd’hui chercheur au laboratoire de sémantique générale de San Domingo, et je suis cet homme. Si je publie cet article dans un journal de contes populaires, destiné au grand public et à la jeunesse, c’est parce qu’il a été refusé dans des journaux dits sérieux. J’en ai donc enlevé toutes les parties scientifiques, les calculs, les analyses sémiologiques et j’ai vulgarisé le texte. J’espère que le public y verra une fable, et qu’il en aura tiré quelque distraction.

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Novela – la Stèle de l'Atlantide (3/4)

[Début de la nouvelle]

Il manquait toutefois à la machine un sens des mots, et les deux humains validaient ou invalidaient manuellement les propositions faites. Ce n’était pas si facile, car la langue des Atlantes semblait être très poétique, par contraste avec la sécheresse descriptive de l’araméen. Par exemple, pour parler d’un roi qui avait gagné en sagesse, les araméens disaient prosaïquement « le roi Gatta a gagné en sagesse pendant 10 années », alors que la langue atlante parlait ainsi : « le rocher Gatta, brut, fut taillé (coupé) pendant 10 cycles (périodes), et la statue finale était belle et juste ». Cela veut dire qu’à l’automatisme combinatoire et informatique, il fallait souvent substituer la sensibilité de langage d’un poète. Dans cette circonstance, il devenait difficile d’invalider certaines phrases. Quand les araméens disaient de manière désespérément plate que « la récolte de blé de cette année a été excellente », l’ordinateur décryptait les signes atlantes de cette manière : « les naissances (croissances) de la nature en cette période donnèrent du blé qui réjouissait les esprits et les animaux ». Il y avait des phrases parfaitement valides, car correspondant précisément au discours araméen, d’autres phrases correctes mais teintées de poésie, d’autres encore très imagées, et puis il y avait des phrases qui ne semblaient pas avoir de sens.
Le retraité proposa une symétrie aux 7 cercles de l’enfer. Il suggéra que, suivant la précision des phrases, on les classe dans 7 cercles du paradis, plus ou moins parfaits. Les phrases clairement surréalistes, sans aucun sens (comme « Les chats agriculteurs creusaient le cerveau des tables ») appartenaient au 7ème cercle du paradis, tandis que les phrases les plus sensées étaient dans le premier cercle. Parfois, après de longues minutes de discussion, les deux acolytes décidaient de sanctifier une phrase, en la faisant progresser d’un cercle de paradis à un cercle meilleur. Ils damnaient rarement une phrase, en la faisant déchoir d’un cercle élevé à un cercle plus fruste. C’était toujours un déchirement, mais ils s’amusaient beaucoup de leurs discussions sur la religion du langage.

Et puis le vieil homme mourut subitement, un matin, tandis qu’il faisait son marché. Le vieillard n’avait plus de famille, et les autorités appelèrent le jeune chercheur, dont les coordonnées étaient clairement mentionnées dans le portefeuille du défunt. Le médecin légiste lui annonça que la mort avait été soudaine, le retraité étant déjà mort avant que son corps ne touche le sol. Les dispositions testamentaires étaient claires : le jeune homme héritait de toutes les possessions du vieillard. Il ne s’agissait pas d’une grande fortune, mais elle permit au jeune chercheur de terminer sa thèse dans de bonnes conditions. Les recherches cryptographiques sur la stèle lui avaient donné matière à plusieurs articles de combinatoire appliquée, et sa thèse fut reçue avec tous les honneurs académiques. Le jeune homme conserva les photographies de la stèle, et tous les écrits. Il ne réussit pas à progresser beaucoup plus en terme de traduction : les deux tiers des caractères étaient décryptés, mais peu de phrases appartenaient aux trois premiers cercles du paradis. Rien de tout cela ne permettait d’envisager une publication sérieuse. De plus, peut-être par incurie des conservateurs, ou tout simplement parce que le temps résout tout en poussière, la stèle originale restait introuvable.

[à suivre…]

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Novela – la Stèle de l'Atlantide (2/4)

[Début de la nouvelle]

Le texte araméen racontait une dynastie sur une île perdue au milieu des mers. Les noms des souverains étaient inconnus pour le retraité, de même que plusieurs mots qui étaient visiblement des transcriptions phonétiques du langage atlante. La stèle racontait des guerres, des périodes d’abondance, et la litanie des souverains qui avaient gouverné cet îlot.
Quand le vieil homme fut satisfait de sa traduction araméenne, il s’attaqua au verso de la stèle, à l’écriture inconnue. Sa fraîcheur intellectuelle (toute relative, car il avait 77 ans) lui permit d’envisager tous les possibles : un signe pouvait représenter un mot, une syllabe, une lettre, ou encore un son ou une idée. Il envisagea même que cette écriture put se lire de droite à gauche, de haut en bas ou même, de bas en haut. Il est vrai que l’absence de ponctuation autant en araméen qu’en atlante ne permettait pas facilement de délimiter les phrases. L’homme savait que l’on commence généralement par retrouver les noms des souverains, rochers inamovibles dans le texte, puis que l’on navigue de manière concentrique autour de ces points de repère, à la recherche de courants favorables. Mais dès le début, cette stratégie de décryptage montra ses limites : les noms des rois n’étaient jamais écrits deux fois identiquement dans le texte en araméen. Certains souverains portaient alternativement plusieurs appellations (le fils de la lumière, l’élu des dieux, l’astre humain…) qui prêtaient à confusion. Refusant à recourir aux lumières d’un expert, le retraité s’échina pendant des mois sans réel progrès. Il était arrivé à isoler des bouts de phrases, pour lesquelles il avait une correspondance correcte avec le texte écrit au verso de la stèle, mais la plus grande partie du texte restait cryptée. Finalement, quand il constata que deux mois supplémentaires s’étaient écoulés sans qu’il aie découvert le sens d’un seul nouveau mot, il décida de requérir de l’aide. Mais l’homme était fier de sa découverte. Il écrivit donc à plusieurs journaux académiques dont il avait découvert l’existence à la bibliothèque de l’Institut des sciences, en indiquant quelques résultats, tout en masquant l’essentiel de son travail. Ses lettres restèrent sans réponse. Il s’adressa alors au conservateur du musée, qui le renvoya dans des dédales administratifs, des labyrinthes d’adresses de chaires de sémiologie, des hypothétiques chercheurs, des instituts fantômes.
Entre temps, la stèle avait quitté sa vitrine au cours d’une réorganisation des collections, et personne ne savait ou ne voulait dire où elle se trouvait désormais.
 
Le vieillard se proposa une dernière démarche qui, contre toute probabilité, se révéla décisive. Il fit publier une annonce d’énigme, avec récompense « à celui qui réussirait à traduire cette écriture secrète ». Cette offre, faite dans un journal populaire à fort tirage, n’aurait dû attirer que les aventuriers, les chômeurs et les excentriques. Mais au milieu des répondants statistiquement conformes à ce genre de demande se trouvait un doctorant en cryptographie. Celui-ci voyait là une occasion de tester ses algorithmes de décryptage, et de gagner facilement un peu d’argent. On peut imaginer la rencontre entre le vieil homme autodidacte, encore poussiéreux des rouleaux de papyrus vieux de plusieurs dizaines de siècles, et le jeune doctorant qui n’éteignait jamais son ordinateur ultraportable.
Ce bizarre assemblage permit à nouveau une grande ouverture d’esprit. Pour le jeune, ce n’était qu’un jeu, assorti d’un gain financier qui lui permettrait de financer 6 mois de sa thèse. Pour le vieil homme, revenu de toute illusion, c’était une occasion de poursuivre en solitaire, ou presque, sa quête. Il plaisantait en disant qu’il faisait ainsi une transfusion de cerveau neuf.  

L’informatique apporta une mise à distance, et en même temps un souci des détails. Par exemple, les deux investigateurs décidèrent de scanner l’ensemble des photographies. Cette mise à distance numérique, qui leur fit quitter le support physique de la stèle, posa le problème de la précision du scanner : fallait-il récupérer tous les signes gravés sur la pierre, même les plus infimes, ou se contenter de ceux qui étaient suffisamment larges et profonds pour indiquer une intervention humaine ? En d’autres termes, à quel niveau devait-on mettre le filtre, entre les éclats superficiels dûs aux chocs, et la gravure de véritables signes ? L’entreprise s’avéra plus ardue que prévu : de nombreux signes semblaient superficiels, et auraient pu autant avoir été causés par des chocs sous-marins ou terrestres, que sculptés par la main d’un scribe un peu négligent. Le jeune doctorant raisonna donc sur plusieurs ensembles de caractères, qu’il appela les 7 cercles de l’enfer : le premier cercle contenait les caractères indubitablement sculptés, et uniquement ceux-là ; le deuxième cercle contenait un peu plus de signes, parmi les plus marqués ; et ainsi de suite jusqu’au 7ème cercle, qui contenait toutes les marques visibles sur la pierre, sans exception.

Tout cela semblait rigoureux, méthodologique, et portait la garantie de résultats futurs. La complexité même des 7 ensembles de caractères ne posait pas de problème à un ordinateur qui peut réaliser plusieurs millions d’opérations à chaque seconde. Mais le ver était dans le fruit, et ce ver était l’être humain. La traduction depuis l’araméen avait été prise depuis le début comme référence absolue. C’était ignorer les possibles erreurs du retraité qui n’était après tout qu’un autodidacte en cette matière mais pire encore, c’était faire une impasse sur toutes les subtilités de traduction d’un discours. L’aube peut signifier en même temps l’arrivée du soleil, ou un vêtement blanc ; certains mots peuvent être pris au propre ou au figuré. Le jeune informaticien devait donc développer des algorithmes sémantiques qui tiennent compte du flou possible autour d’un mot ou d’une phrase. En résumé, ce n’était plus seulement une histoire de comptage de caractères et de probabilités, il fallait que l’ordinateur puisse s’accommoder de variations de sens.
C’est là où le retraité, qui n’avait aucune connaissance de l’informatique, introduisit une avancée majeure: il proposa d’introduire une part aléatoire dans les programmes informatiques. Il s’agissait de changer quelques caractères, au hasard dans le texte, avant de lancer la traduction automatique. Par exemple, si la séquence de caractères à traduire était A B C D E, le programme pouvait proposer en fait A B C X E, ou bien G B CD E. C’était, selon le vieillard, une manière de compenser aléatoirement les hasards de sa propre traduction, ou les double-sens. Cela peut paraître paradoxal de rajouter du flou à un système déjà peu fiable, mais les résultats furent très encourageants. Alors que le retraité avait traduit, péniblement, un tiers du texte total, le programme arriva à une bonne moitié de caractères traduits.

[à suivre…]

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Novela – la Stèle de l'Atlantide (1/4)

La Stèle de l’Atlantide

Je m’appelle Ishmaël Bustos. Je veux vous raconter une histoire fantastique, un conte moderne.
Tout le monde connaît Champollion, parce qu’il a découvert la Pierre de Rosette qui lui a permis de traduire les hiéroglyphes égyptiens. Mais la renommée, maîtresse inconstante, n’a pas traité de la même manière tous les découvreurs de langues anciennes. Dans le grand public, si l’on connaît le nom de Champollion, quasiment personne ne se souvient de Henry Rawlinson, qui a traduit l’écriture cunéiforme, ou de Wladimir Sovniechine, qui a percé à jour les runes hyperboréennes. Peut-être tout simplement qu’il a manqué une pierre à ces découvreurs.
Je veux justement parler d’une pierre qui portait une écriture.

Il était une fois un bateau qui pêchait dans les eaux profondes de l’océan atlantique. C’était un énorme vaisseau, une usine de ramassage qui happait des poissons à des grandes profondeurs et les charriait sur un pont huileux, où des hommes caparaçonnés de sel maniaient la pelle pour enfourner les tonnes déversées dans des cales où avaient lieu le vidage, le dépeçage, l’emballage.

Ce monstre des flots s’attaquait parfois à d’autres monstres. Le harpon de l’avant allait parfois frapper de plein fouet un cétacé, puis le ramenait aux côtés du navire pour l’absorber et le digérer dans ses entrailles. C’est ainsi qu’un jour, un cachalot de belle taille fut capturé. Lors du dépeçage, une grosseur anormale fut détectée dans l’estomac. L’animal accoucha d’une grande pierre rectangulaire, comme une stèle. Une des faces était recouverte de lignes en araméen ; l’autre face présentait des caractères inconnus.
Les marins avaient un travail qui ne souffrait d’aucun délai. La pierre fut mise de côté, en attendant. A l’heure du changement de quart, le capitaine venait souvent fumer une pipe en l’observant, il s’accroupissait pour toucher les caractères inconnus, tout en courbes et virgules, comme une écriture arabe syncopée.
L’infirmier du bord (en fait, un médecin déchu de son titre) récupéra la pierre lorsque le bateau revint au port, plusieurs mois plus tard. La pierre commença alors son voyage. Elle resta chez le médecin pendant ses expéditions, et à chaque fois qu’il revenait à terre, il la montrait comme une curiosité. Un antiquaire de ses amis voulut l’acheter. Il refusa, et la donna au musée océanographique de Las Palmas, qui n’en demandait pas tant. La pierre fut exposée dans la galerie sur l’alimentation des mammifères marins, puis passa dans une vitrine sur la chasse à la baleine, avant de se retrouver près des objets inuits sculptés dans l’ivoire.

Ce fut là qu’un retraité la découvrit : ces signes lui rappelaient, non pas une écriture qu’il aurait déjà vue, mais un écrit qui décrivait une écriture. Pour occuper son temps de retraité, l’homme s’était mis à apprendre le grec ancien, et il lisait couramment les auteurs dans le texte, au rang desquels se trouvait évidemment Platon. Et cet auteur, dans son Timée, décrivait l’écriture des mythiques Atlantes comme « brassée de signes écrits sur un sable fuyant, limaces entrelacées dans la pierre ». Le retraité avait du temps, et il n’aimait pas la concurrence. ll recopia quelques lignes de chaque face (la vitrine était à double exposition) et entreprit d’apprendre l’araméen. Au fil des semaines, il revint au musée et prit discrètement plusieurs photographies des deux faces de la stèle.

L’apprentissage de l’araméen lui demanda peu d’efforts : dans les langues indo-européennes, le grec ancien n’est qu’un emprunt à d’autres langues plus anciennes, elles mêmes étant des bâtardes de leurs langues ancêtres, jusqu’à l’écriture originelle, adamique, celle de la Pangée. Le retraité retrouva des assonances, des racines étymologiques, et commença à traduire les lignes qu’il avait en sa possession.

[à suivre…]

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Diététique de la psyché

J’ai l’impression que le travail sur soi (psychanalyse, psychothérapie, …), c’est comme les régimes :

  • D’abord, il n’y a pas de recette universelle, chaque personne réagira plus ou moins bien à un régime donné (= une thérapie / école de pensée donnée)
  • Certains ne font pas de régime, alors qu’ils devraient en faire (= travailler sur leur personnalité) ;
  • d’autres en font, mais pas les bons (= psychanalyse alors qu’il leur faudrait une thérapie du cri primal par ex.) ;
  • d’autres en font, découvrent peu à peu le bon, mais c’est quand même un travail d’une vie, ou pas loin ;
  • d’autres enfin, les happy few, n’ont pas besoin de faire de régime. Et là encore, il y a encore plusieurs catégories :
    • ceux qui s’alimentent naturellement et ne grossissent pas (= ils savent naturellement comment faire, sans suivre une méthode)
    • ceux qui peuvent manger de tout sans prendre de poids, parce que leur physiologie « brûle » les calories (= résilience devant les événements, « ils savent gérer »)
    • ceux qui se foutent d’être gros (= peu/pas de dépendance à l’opinion des autres)

Le parallèle est vraiment intéressant, parce que très riche.
Et pédagogique 🙂

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On refait le match…

A propos du dernier match des Bleus, et de toute la presse avant et après ce match, quelques impressions personnelles :

  • Amour-Haine. Les supporters devant le match (majoritairement des étudiants français) étaient venus, donc étaient intéressés, mais très vite, l’ambiance a tourné à la revanche : le premier but de l’Afrique du Sud a été applaudi, et encore plus pour le 2ème, il y avait un côté punition collective, brûle ce que tu as adoré, etc.
  • Le stéréotype sur le Français. Le Français est réputé pour être arrogant et donneur de leçons. On pourrait croire que ce genre de match, et tout ce qui l’a précédé, permettrait de donner une bonne humilité à tous. En fait, on a rarement entendu autant de donneurs de leçons qu’actuellement. Ce déchaînement sur cette équipe et ses responsables a déclenché beaucoup de critiques, mais peu d’autocritique. Le mot « humilité » n’est jamais sorti, je crois. Or, pour paraphraser le héros dans V pour Vendetta « les dirigeants sont lamentables, mais qui les a élus ? » C’est peut-être un trait français, finalement : beaucoup de critiques, peu d’autocritique.
  • Comme d’habitude, on en appelle à une réflexion et des nouvelles réglementations. Mais c’est comme pour les marchés financiers : croire qu’une loi va changer les choses, sans intégrer l’esprit humain et ses motivations, c’est nier la nature même d’un peuple à forte composante méditerranéenne comme le Français. Et c’est jeter de la poudre aux yeux tout en manifestant la volonté de ne rien changer.
  • Par ailleurs, il y a (parmi tant d’autres) une question de fond : le football est-il un divertissement, un business ou une vitrine nationale ? J’ai l’impression qu’il y a confusion entre intérêts personnels et représentation nationale. Demande-t-on à chaque chanteur, chaque acteur, de représenter la France ? Y a-t-il un devoir de réserve à partir du moment où l’on est la cible des caméras ? Les exemples de discrétion ne manquent pourtant pas : qui saurait citer le nom du président du tribunal de l’affaire Kerviel ? Pourtant, ce magistrat fait son métier ces jours-ci devant un parterre bien fourni de journalistes…
  • Cette affaire de football, c’est comme Gala. Du consommable en terme d’indignation, de rêve, de discussions chez le coiffeur, et on passera vite à autre chose, comme le mariage d’une princesse ou les mésaventures alcooliques d’un pipol. Ce qui me gêne, comme dans Gala, c’est cette capacité de jalousie à se déclencher devant les vies des autres. On a l’impression qu’il y a dans beaucoup de Français des personnalités ambivalentes : protecteur égoïste de ses propres intérêts, et critique collectif des intérêts des autres. Je ne crois pas qu’on peut se construire par la négation, en ayant des comportements réactifs par rapport aux actes des autres.
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Un message d'espoir pour les Bleus

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Ubuntu – Columbage

Columbage : n.m. Reconnaître un acteur / une acteuse d’une série TV, des années après, dans une autre série TV ou dans un film. « Tiens, c’est Ross de Friends ».
Par extension : Plaisir que l’on a quand on reconnaît la voix qui double un acteur. « Tu vois, le gars, là, il a la voix de l’ne de Shrek ». « Tiens, ça c’est la voix de John Wayne (quand il est doublé) »

J’ai eu un columbage ce soir. J’ai vu la fille de « Lois et Clark », et je me suis dit, « mais bon sang, c’est Alyssa Milano ! » (Madame est servie, avec Tony qui faisait la bonne). Et j’ai été super content qu’Alyssa Milano / Samantha (mais Tony l’appelait Sam) soit devenue Lois Lane, c’est un beau parcours.
Bon, en fait, Lois Lane est jouée par Teri Hatcher, au temps pour moi, il faut que je consulte. Je ne sais donc pas ce qu’il est advenu récemment d’Alyssa Milano, et ça me travaille…

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Film vu – Gainsbourg (vie héroïque) de Joann Sfar

J’ai vu « Gainsbourg (vie héroïque) » trois fois, d’abord au cinéma puis en DVD, enfin en DVD avec le commentaire du réalisateur. Je trouve que ce film échappe à toutes les erreurs un peu classiques du film biographique. En effet, comme c’est dur  la fois de (a) résumer toute une vie en 2h et (b) raconter à nouveau une histoire que le public connaît en grande partie, les biographies filmées sont souvent :

  • Soit la reconstitution millimétrée d’une époque, avec costumes, intonations d’époque et sirop de nostalgie, et la reconstitution millimétrée d’une vie (avec approbation soulagée de la famille et du biographe officiel)
  • Soit une tranche de la vie (je veux filmer Gainsbourg pendant la guerre, ou bien la fin de la vie de Gainsbourg, ou bien je vais faire un film qui s’appellera Serge et Brigitte) ;
  • Soit un parti pris d’auteur à se focaliser sur un trait de caractère qui se veut original (je vais montrer que De Gaulle était un grand communicateur) qui risque de tourner assez vite au bovinage (De Gaulle et ses conquêtes, De Gaulle à la plage, De Gaulle part en vacances…)
  • Soit un film « à la manière de », académique pour Mozart, déjanté pour Warhol, pop pour les Beatles. Par exemple, un film tout en outrance et en provocation, comme si c’était Gainsbourg-fin-de-vie qui l’avait réalisé.

Et puis il y a le film de Sfar, qui s’affiche comme « un conte », ce qui est très bien. Cela veut dire qu’on emprunte à la réalité, et que, plus que de réaliser une biographie précise, on se concentre – enfin – sur la vraie question : le portrait d’une personne. Parce que parfois, s’éloigner des faits permet de mieux se rapprocher d’une personnalité. A l’inverse, coller aux faits conduit souvent à faire s’effacer la psyché du personnage, qui ne devient plus qu’un élément d’une chronologie).

J’ai entendu ou lu des critiques sur le côté « film à sketches ». Je parlerais plutôt de tranches de vie (au pluriel) : la construction, plus ou moins précise, de ce que deviendra un homme, une image publique. C’est presque un parcours initiatique.

Et enfin, j’adore l’idée de La Gueule. Sur ce point, comme sur beaucoup d’idées évoquées ici, l’écoute du commentaire audio du réalisateur apporte quantité d’idées nouvelles. Je ne vais pas en dévoiler la teneur, il faut acheter le DVD, mais je vois très bien comment l’irruption de cette Gueule dans le film aurait pu faire un flop : une marionnette grinçante, un artifice de BD, un passe-partout pour justifier tous les excès, tout aurait pu justifier un plantage. En réalité, ce compagnon, muse ou démon ou fantasme, donne la part d’ombre, mais aussi de radicalité, chez Gainsbourg. Pour ceux qui ont vu le film, regardez donc attentivement quelles sont les périodes où la Gueule n’apparaît pas :  je pense que c’est un signe. (Maintenant, que veut dire ce signe, j’ai mon interprétation, trouvez la vôtre…)

Finissons par la musique. Voilà un thème sur lequel on peut se planter, quand on réalise un film biographique, entre le respect de l’œuvre et la volonté de laisser sa trace. La mode est actuellement aux reprises, les acteurs ne chantent pas en play-back sur les versions originales, ils ré-interprètent les chansons / morceaux. Sur ce point, je n’ai pas d’opinion, sinon celle, bien arrêtée, que je ne vais pas acheter « la BO du film », étant donné que j’ai l’intégrale du vrai Gainsbourg. Ce n’est pas que je remette en cause la qualité vocale d’Eric Elmosnino ou Laetitia Casta, c’est juste que ce n’est pas le sujet du film.
En revanche, je suis admiratif des illustrations musicales. Il y a en permanence des variations sur des thèmes de Gainsbourg, mais suffisamment trafiquées, détournées, pour que l’on continue à regarder les images tout en se disant, en arrière-plan « tiens, c’est quoi cette musique, ça me rappelle un thème, mais lequel… » Je trouve que le résultat, ici, est très subtil, très bien équilibré, ni avant-plan trop brutal, ni fond sonore trop discret.

La prochaine fois, mon compte-rendu de lecture de « Gainsbourg (hors champ) », le livre d’illustrations de Joann Sfar.

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Pensée naturaliste

Je suis à la campagne pour quelques jours, pour m’éloigner de l’encombrant mode de vie urbano-professionnel.
Et là, assis au bureau face à la fenêtre, j’en viens à me poser des questions sur la vie des plantes et des bêtes.
Une hirondelle qui virevolte dans un ballet aérien grcieux au ras du sol, c’est un enchantement des yeux. Mais la bêbête, elle ne fait pas cela pour réjouir le citadin, elle bosse à attraper des moucherons. Première question : est-ce qu’elle voit les moucherons ? Parce que je sais que les oiseaux ont des bons yeux, mais de là à repérer un mini-moucheron voletant dans les airs, alors qu’on est soi-même en train de faire des pirouettes, c’est un peu comme si on me demandait de cracher un noyau de cerise dans le nombril de Brigitte Bardot pendant que je suis sur des montagnes russes.
Donc on va supposer que l’hirondelle ne voit pas les moucherons. (Mais j’accepte toute intervention d’un(e) contradicteur/euse pour lever cette ambigüité).
Cela veut dire alors que l’hirondelle pirouette la bouche ouverte en permanence, en espérant que des moucherons seront assez aimables pour y rentrer. Un peu comme la baleine qui avance tel un bulldozer des mers, et qui ingère tout ce qui se trouve sur sa trajectoire. Sauf que la baleine ne joue pas une partie de saute-moucheron (merci à Guy Béart et aux Frères Jacques pour cette belle image). Je trouve que cela enlève de la poésie à l’hirondelle. On a toujours l’air ridicule quand on garde la bouche ouverte. Donc je préfèrerais que l’hirondelle voie les moucherons. Mais j’en doute.

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