Zephirum

La première fois que j’entendis parler du zephirum (le zéro), c’était dans La nuit des enfants-rois, de Bernard Lenteric, où un très jeune garçon prodige étonnait un adulte en remarquant que (je cite de mémoire) « de tous les chiffres, seul le zéro gardait la même signification quelle que soit sa place dans le nombre. » J’y avais souvent repensé sans, je l’avoue, arriver vraiment à comprendre.
Puis, dans un roman de Jean d’Ormesson que je lisais (Histoire du juif errant, je crois), un personnage arabe dessine dans le sable un petit cercle, en disant que ce zephir est la plus grande invention de tous les temps.
Puis, dans Le théorème du perroquet, déjà mentionné en fin de ce billet, nouvelle mention des chiffres arabes, sans insistance particulière sur le rôle – et la spécificité – du zéro. Donc, entre La nuit des enfants-rois, que j’ai dû lire vers 1985, et Le théorème du perroquet (lu pour la première fois en 2003), 18 années d’incompréhension, sauvées depuis hier par la lecture d’un ouvrage de 1202. Léonard de Pise nous le dit, et c’est pour moi la deuxième révolution des chiffres arabes :

« Ainsi, si c’est le nombre cinq cents que vous souhaitez écrire, en première et en deuxième place, vous inscrirez le zephir, en en troisième place, le chiffre cinq, de cette manière : 500 ; et ainsi vous pourrez écrire une ou plusieurs centaines avec deux zephirs. »
(traduction par mes soins depuis le livre en anglais, p. 18).

Ainsi, de même que le blanc n’est pas une couleur, de même que notre écriture se compose de 26 lettres et de l’espace, de la même manière, notre « alphabet mathématique » se compose de 9 chiffres et d’un espace, communément appelé Zéro. Un 1 à la place des unités signifie « un ». A la place des dizaines, il signifie « dix », « cent » a la place des centaines, et ainsi de suite. Il en va de même pour les 9 chiffres, en revanche, quelle que soit sa place, un 0 signifie toujours « il n’y a rien ici ».

Le zéro, c’est le vide à côté de l’arc-en-ciel, celui qui, par sa non-existence, donne sa stature à l’existant.

Cela me fait immanquablement penser à La disparition, de Georges Perec, que je vais essayer de décrire dans le style, et selon la contrainte, de l’auteur :

un roman où, sur vingt-six signifiants, tous sont là sauf un, l’absolu. Absolu, non, mais important, car l’individu (composant pourtant moult mots) fut banni du discours. Imaginons l’abstraction du Z, ou l’abolition du K dans un roman : coton, mais pas surhumain, car la proportion du discours français où Z apparaît (ou K) vaut un minimum. Mais l’individu abstrait ici fut plus courant qu’un K, plus primordial, surtout pour un continuum bti sans lui. L’amputation du discours signifiait l’aboli par omission, lui dont la disparition occupait un quatuor d’individus durant tout l’opus.

A plus.

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