Projets, dont BDs

LaCollègue l’a bien souligné, j’ai des projets.

Il y en a 3 qui me tiennent à coeur :

  • Prométhée
  • Phoenix
  • Magnolia

(pourquoi ces noms de code ? parce que j’en ai eu marre, un jour, de parler trop tôt de projets sur lesquels je n’avais pas avancé. Et une semaine, ou 1 mois après, un ami me disait « alors, tu en es où ? » et je n’en étais nulle part.)
Je m’améliore : j’ai fait avancer Magnolia il y a deux jours, désormais, la balle est dans le camp adverse. Si ce projet capote, vous en bénéficierez tous, alors vous avez intérêt à ce qu’il capote.

J’ai d’autres projets, moins importants, mais pas forcément futiles. Tout cela touche à ma vie, à ce que je suis.

Donc, l’inconnu du 3ème étage me transmet une liste de BDs à lire absolument. Liste incomplète, tient-il à préciser. Comme si toute liste n’était pas, par essence, qu’une tentative dérisoire d’enfermer le monde. Nous sommes d’accord, L’inconnu du 3ème étage : nous essayons tous de faire de notre mieux.

Passons donc à la liste avec mes commentaires :

Les classiques

La ballade de la mer salée (Corto Maltese), Hugo Pratt
entièrement d’accord. Beaucoup de choses dites, et dessin à l’encre de chine superbe. J’ai une faiblesse pour les Ethiopiques, mais c’est dans une version que je n’ai jamais réussi à retrouver, à l’aquarelle…

Peter Pan (6 tomes), Loisel
Hum, euh, je ne sais pas. J’ai préféré la quête de l’oiseau du temps, et puis je n’accroche pas plus que ça. J’avais adoré le Rige

La marque jaune (Blake & Mortimer), Edgar P. Jacobs
Top total d’accord. Mais vous êtes un peu classique, ô inconnu. Le mystère de la grande pyramide est autrement plus angoissant.

120 rue de la Gare, Tardi
Vous êtes parfait. J’adore l’écriture de Léo Malet, et Tardi a su s’adapter parfaitement à cet univers. Rien à dire.

Partie de chasse, Bilal
Mouais. Vous ne devez pas être jeune, ou alors, vous allez vers les classiques. Pour moi, ça ne vaudra jamais La foire aux immortels, qui était (et est toujours) effroyablement beau.

Maus, Spiegelman
Pas lu. Entendu parler, énormément. Qui n’en a pas entendu parler ?

V pour Vendetta, Moore & Lloyd
Ah oui ! Je n’accroche pas trop au dessin, mais superbement réalisé, une de ces séries où l’on retrouve du profond et du futile. Terrible, beau, angoissant.

La nouvelle vague

Vivons heureux sans en avoir l’air (Monsieur Jean, Tome 4), Dupuy & Berberian
à tester, définitivement. Je ne sais pas du tout de quoi ça parle, mais j’ai l’intuition, confortée par mes contacts sur la toile, qu’il y a des choses merveilleuses à y découvrir

Journal d’un album, Dupuy & Berberian
Je suppose que c’est le pendant du précédent. OK, noté.

Les pilules bleues, Frédérik Peeters
Je confond. Je suis déçu que vous n’ayiez cité aucune BD de Schuiten et Peeters, comme la Tour ou la fièvre d’Urbicande : chef-d’oeuvres (oui, oui, j’assume). je ne connais pas ce Frederik Peeters, je le note dans mes listes de shopping.

Slalom, Lewis Trondheim
De lui, je connais, comme tout le monde, son blog. Donc j’ai un a priori très positif.

Isaac le pirate, Christophe Blain
C’est marrant, on en a fait tout un pataquès, c’est paru dans Telerama, et je ne comprends toujours pas cet engouement. Question de goûts, clairement.

Approximativement, Lewis Trondheim
Idem que précemment.

Persepolis (4 tomes), Marjane Satrapi
Oui, ça c’est très bien. Un dessin très stylisé, encre de chine et à-plats, et un humour très affûté.

La guerre d’Alan (2 tomes), Emmanuel Guibert
Le photographe (3 tomes), Lefèvre & Guibert
Ibicus (4 tomes), Pascal Rabaté
Le bibendum céleste (3 tomes), Étienne De Crécy
Pyongyang, Guy Delisle
Béton armé, Jean-Christophe Chauzy
L’autoroute du soleil, Baru
Qui a tué l’idiot, Nicolas Dumontheuil

Moi pas connaître rien du tout, moi noter scrupuleusement, et essayer de m’améliorer culture perso.

Manga
Euh, moi un peu vieux, avoir testé, pas être totalement en phase… (et pourtant, moi aimer Goldorak quand être jeune, il y a 50 ans)

Quartier Lointain (2 tomes), Taniguchi
Prix du meilleur scénario à Angoulême, quand même ! Ok, à retenir.
Akira, Katsuhiro Otomo

Comics

Palestine, une nation occupée / Palestine, dans la bande de Gaza, Joe Sacco
David Boring, Daniel Clowes
Jimmy Corrigan, Chris Ware
Hicksville, Dylan Horrocks
Moi pas connaître rien du tout, moi noter scrupuleusement, et essayer de m’améliorer culture perso. (bis)

The Watchmen, Moore & Gibbons
Ah ! Un grand choc, un événement ! Une série de BDs qui trouent les neurones. Grand bonheur.

Torso, Michael Bendis
No conosco.

La ligue des gentlemen extraordinaires, Moore & O’Neill
A tester, clairement, parce que je trouve Moore est un scénariste qui a du poil aux pattes !

« Grand public »

Le Tueur (5 tomes), Jacamon & Matz
Déjà évoqué, je suis fan.

Blacksad (3 tomes), Guarnido
Déjà évoqué, je suis hyper total fan.

Le retour à la terre (3 tomes), Manu Larcenet
Sur ma liste d’achats. Avec le 4ème tome, hinhin.

Il y a aussi Cosey. S’il faut n’en citer qu’un, je dirais Le voyage en Italie. Mais tous sont délicieux.
Il y a aussi Fmurrrrr avec Le génie des alpages et autres pantalonnades foutraques (Tartine de clous, par exemple, ou Porfirio et Gabriel)
Et pourquoi vous n’avez pas cité Sokal ? Par exemple La mort douce, La marque de Raspoutine, ou L’amerzone ?

De la vraie bonne tristesse.
C’est normal, la nuit est devenue froide tout à coup…

Cela dit, merci à L’inconnu du 3ème étage : faire des listes, c’est un moyen de survivre.

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Caillou – Automne

Cris de mouette par delà les immeubles
Odeur de feu de bois dans la rue
La ville joue à cache-cache
Avec mes sens.

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BD lue – Manu Larcenet : Le combat ordinaire

Je découvre, avec retard, cette série qui compte pour l’instant 3 tomes :

(Manu Larcenet, Dargaud, 2003 à 2006)

Je reste vraiment sous le charme. Un dessin attachant, presque enfantin par moments, en tout cas très tendre, qui contraste avec des mises en images par moments plus cinématographiques, ou photographiques. A cette jonglerie de forme correspond de façon symétrique une jonglerie de fond : on passe de saynettes attachantes, humoristiques, à des questionnements profonds parce qu’ils touchent à l’inconnu de nos vies et de celle des autres.

Je suis très admiratif de ce travail. Je ne connaissais de Larcenet que Bill Baroud (excellent, certes, mais dans un registre uniquement potache) et je découvre un auteur multi-cartes, aussi à l’aise dans les petits textes – voire les poèmes – que dans les réflexions « existentielles » (le mot est lâché, j’en suis content dans une critique de BD), dans les crayonnés à l’encre autant que dans les scènes nocturnes, par exemple.
Sans rien connaître de son histoire personnelle, je me dis qu’il a mis beaucoup de sa propre vie dans ses personnages. Et comme toujours, quand c’est bien fait, cela aboutit au fait qu’on reconnaît beaucoup de notre propre vie dans cette oeuvre.
Bref, une vraie bonne découverte d’un vrai bon auteur.

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Le lièvre antique et la tortue amnésique

Préambule ô combien approprié

Conversation ce soir avec mon fils, au sujet de son épreuve sportive de l’année (courir 7 minutes d’affilée) :
– Dis donc, c’est super que tu aies couru 7 minutes !
(il ne réagit pas)
– Et moi, est-ce que tu sais combien de temps j’ai couru, hier ?
– Non, combien ?
– J’ai couru 1 heure et 58 minutes !
– … et combien de secondes ?
– ?! Euh, 20 secondes…
– Ha ! C’est rien du tout ! Moi je peux compter jusqu’à 20 !

Je vais donc vous parler de mes 20 secondes d’hier.

(la ligne rouge représente la vitesse que j’aurais dû maintenir sur toute la distance pour faire péter un chrono à 1h 50′)

La course s’est passée dans la vitesse (au début) puis l’essoufflement (très vite) puis l’allure de croisière, confiante et concentrée, avant la chute de performance à partir du KM 13.
L’impression de voir un compte-tours dont l’aiguille tombe, et on a beau se dire « il faut que j’accélère, que je remette la gomme », les jambes ne répondent plus, et il ne s’agit plus que de mouliner des mollets avec ce qui reste d’énergie et de motivation.

Malgré la liste des avanies que nous avons subies (en rigolant pas mal), c’est-à-dire :
– un trajet en voiture avec multiples plantages, qu’un poivrot en zigzaguant il aurait fait moins de distance
– la présence d’un membre satanique, tentateur et sulfureux, aux assauts empressés duquel j’ai dû résister de toute ma candeur et ma probité, moi qui ne connais pas le mal (le mâle non plus)
– une virée nocturne dans Amsterdam où on a marché pendant des vingtaines d’heures (au moins) en observant des mannequins dans des vitrines, bien mieux qu’au musée Grévin, ce sont des figurines animées (et dénudées), pour un peu, on jurerait qu’elles sont vraies
– un départ des courses depuis le stade situé en périphérie, mais aucun tramway ne marche le dimanche, c’est pratique…
– une pelade que rarement on a pelé comme ça, d’abord en attendant de voir passer les marathoniens, puis de les voir repasser, dans un vent coulis glacial, puis le deshabillage sur le trottoir, brrrr, mon épiderme de délicat bébé se garnissant de givre
– un accéléromètre dont j’avais oublié de vérifier la pile, et qui m’a lâché 1mn avant le départ. L’accéléromètre, c’est ce qui me permet de vérifier que je cours à la bonne vitesse, régulière, ni trop élevée, ni trop lente. Je me suis dit « ça fait rien, on va le faire comme un trappeur du Saskatchewan, tous les kilomètres je vérifierai mon temps, et j’ajusterai à chaque borne kilométrique ». Las,
– les bornes kilométriques étaient au ras du sol, donc je n’ai vu que le KM 5, puis le KM 10. Un peu difficile de s’ajuster, quand on n’a que 2 points de référence sur la première moitié du parcours

Le pire arrive.
J’ai passé la première moitié de la course à une vitesse qui aurait dû me permettre de finir en 1h45, mais les présomptueux oublient toujours qu’après la première moitié, il y a une deuxième moitié. Au KM 17, j’étais plutôt calé sur 1h50. Au final, j’ai fait 1h 58′ 20″.
Et tout le monde de me féliciter, moi le premier me disant « allez, j’ai un peu cramé des muscles au début, mais bon, nouveau record personnel, je passe sous les 2h ».
Jusqu’à ce que, ce soir, je revienne à mon compte-rendu du semi-marathon de Paris, il y a 6 mois. Et que je me rende compte qu’il y a 6 mois, j’ai fait 1h 56′ 53″, presque 2mn de mieux que ma performance d’hier.
Je me sens vieux.
Je hais mon blog.
Je hais ma mémoire à trous et mon optimisme inoxydable.
Je vais me coucher comme une serpillière moisie.

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Short note, long run

Oui, je sais, vous n’êtes pas tous intéressés, mais pour ceux qui suivent de loin, du coin de l’oeil : 1h 58′ 20″ au semi-marathon d’Amsterdam. Mon meilleur temps à ce jour sur cette distance (Repentir : eh non, ce n’est pas mon meilleur temps, finalement…). Debriefing détaillé plus tard… ici.

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Courir comme un hamster dame

(La radio marche pus, m’énerve, je voulais mettre Training montage, dans la B.O. de Rocky)

  • Demain samedi, départ avec une bande de joyeux lurons pour Amsterdam.
  • Après-demain dimanche, certains joyeux lurons courront le Marathon, d’autres (dont moi) se contenteront du semi-marathon. Reste à réviser la check-list.
  • Et dimanche soir, je pourrai enfin
    1. manger autre chose que des pâtes (1 semaine de régime)
    2. boire de la bière ou du vin (1 semaine de privation)
    3. boire du café (4 jours sans)
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Frère Océan

« The seashore always works. Believe me, in my book, a walk on a beach is worth five hours on a psychiatrist couch… though I’m probably the only doctor in this city who would tell you that. »

« Le bord de mer marche toujours. Croyez-moi, d’après mon expérience, une promenade en bord de mer vaut cinq heures passées sur un divan de psychiatre… même si je suis probablement le seul docteur de cette ville qui vous dira cela. »

Douglas Kennedy, The pursuit of happiness, Arrow books, 2002, p. 163.

(merci à Lulu pour la photo)

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Thought at two balls

Quand il s’agit de traduire un terme anglo-saxon en français, on a souvent du mal. Certes, il y a des beautés de traduction et d’inventivité :

  • spam traduit par pourriel
  • bed & breakfast par couette et café
  • brainstorming francisé en remue-méninges

Dans la plupart des cas, ce sont nos amis québecois qui font preuve d’une réelle intelligence linguistique. Mais il y a des ratés :

  • CD-rom traduit par cédérom, ça sonne phonétique, voire nonnant (oui, je suis allé vérifier combien le verbe comptait de N)

Cela dit, ça nous ouvre des pistes de recherche que Raymond Queneau n’aurait pas désapprouvées, et plus prosaïquement, ça résout tous les problèmes de francisation d’un terme anglo-saxon :

  • gentleman’s agreement deviendra francisé en Jantes-le-Mannz E gris menthe (le gris menthe, ça fait anglais, thé et petits fours, et avec les jantes, la Jaguar n’est pas loin…)
  • Marketing, qui a tant fait couler d’encre devient Marqué « Ting ! » (on sent le glamour, la caisse enregistreuse, bref, le rêve transformé en acte d’achat)
  • parking ? facile : parc queen couine (car le parking, c’est l’endroit où les alarmes des voitures couinent)
  • Benchmark se francisera en Benne-chez-Marc (Marc c’est un pote dont la taille des poubelles sert d’étalon aux poubelles du quartier)
  • OK devient Hoquet (assentiment compulsif, non-réfléchi, qui se traduit par une expiration rapide et sonore. Pour obtenir le hoquet d’un client éventuel, faites le boire).
  • Cool, c’est coule, comme dans « tout coule de source ». Ou encore, le genre de chose qu’on dit à sa belle-mère quand elle est tombée dans la piscine un soir de réveillon bien arrosé.

Pourquoi personne n’y a pensé auparavant ?

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Des dièses et des bémols

Gros edit, et gros repentir (23/11/06) : tout le texte qui suit, ci-dessous, n’est plus valide. Je le mets en format « citation » pour éviter de tout barrer. Plus de détails dans un thibillet à venir. Ah, et aussi, désormais, l’image de gauche n’est plus qu’une image, et non plus un juke-box avec chansons téléchargeables. Vous pouvez toujours télécharger l’image, hein, ça ne me fera plus péter mes compteurs, ni mon compte bancaire, et vous aurez une jolie image de ce qu’il y avait avant ici.

Les dièses :

  • j’ai réussi à mettre Radio.blog Zanorg Radio dans une page
    1. Pour que toi voir la liste des morceaux, toi cliquer sur haut grisé
    2. Si toi recliquer haut grisé, toi ravoir logo. Toi pouvoir continuer à cliquer, marrant
  • j’ai ajouté des morceaux par rapport à la liste initiale

Les bémols :

  • il en manque
  • c’est peut-être un peu lourd à télécharger Zanorg Radio est ultra-light

Merci à Yann pour son conseil sur Zanorg Radio.

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Caillou – Chamade

Nuit noire
Mes soucis sont des dragons
Qui dansent dans ma poitrine.

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Rock ‘n Pop Hall of Fame

La photo est clairement vintage, mais elle obéit à la 4ème loi de la thermodynamique du Web .

A l’époque, j’avais fait une liste des intros de rock pop « qui me donnaient l’impression qu’on me grattait le haut de l’épine dorsale ». La voilà, de mémoire, et forcément incomplète (sans ordre, sinon celui, aléatoire, de ma mémoire). Je tiens à remercier radioblogclub, qui m’a permis de faire un premier tour. L’inconvénient est que, par capillarité, j’en viens à rajouter des morceaux, et au bout d’un certain temps, je ne sais plus si cela mérite vraiment de rentrer dans cette liste. Seule contrainte : ne pas citer deux fois le même auteur ou interprète. Allez, basta, c’est bon.

Les intros :

  • Andy Warhol, David Bowie
  • Stool pidgeon, Kid Creole and the Coconuts (version concert à Essen, pas la version disque)
  • Hold the line, Toto
  • Abacab, Genesis
  • Layla, Eric Clapton (version acoustique, mais la version historique est bien aussi)
  • Message in the bottle, Sting (version acoustique du Secret concert). J’aime bien aussi Can’t stand losing you (Police).
  • We will rock you, Queen (et aussi The show must go on)
  • Sunday Bloody Sunday, U2
  • It’s only love, Bryan Adams (avec Tina Turner)
  • The River, Bruce Springsteen
  • Cold as ice, Foreigner
  • Harden my heart, Quarterflash
  • Rien de nouveau, Bill Deraime (première version)
  • Cocaine, JJ Cale
  • Take the long way home, Supertramp
  • Idéal simplifié, Laurent Voulzy

Les intros qui montent en puissance :

  • Gimme shelter, Rolling Stones
  • The Healer, John Lee Hooker / Carlos Santana (intro à 3 étages)
  • Night boat to Cairo, Madness
  • Black Magic Woman, version de Carlos Santana
  • La Grange, ZZ Top
  • Stray Cat Strut, Stray Cats
  • Cortez the Killer, Neil Young

Les intros parce que je suis une midinette disco :

  • Stayin Alive, Bee Gees
  • Saturday night fever, Bee Gees
  • Grease, Frankie Valli / Barry Gibb
  • In the navy, Village People

Les intros soft (mais là on peut y passer la nuit, on en fera donc un autre thibillet – ou pas, comm d’hab) :

  • Shape of my heart, Sting
  • Dark Star, Crosby Stills & Nash
  • Ol’ 55, Tom Waits
  • On the beach, Chris Rea
  • Jaguar, Laurent Voulzy

Et dans les morceaux de fous furieux :

  • Careful with that axe, Eugene, Pink Floyd (dans Ummagumma).

Les listes qui resteraient à faire :

  • Les intros soft (concept à définir)
  • Les morceaux à capella, ou quasi
  • Les morceaux planants (concept à définir)
  • Les instrumentaux

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Dreams, de Fleetwood Mac

Ce n’est pas un jour pour pondre un thibillet. J’ai fait une suite de rêves de fou furieux. J’ai d’abord rêvé que je devais rentrer dans la villa de mes grands-parents (il n’y a plus de villa, et je n’ai plus de grands-parents, paix à leur me) mais des loups-garous (ou des forces venues de Vega, je ne voyais pas bien) étaient en embuscade.

J’ai donc bondi dans la forêt environnant la maison (elle a dû pousser depuis que la maison a été vendue) et je me suis fondu dans le paysage, prenant les mains des arbres et sautant de l’un à l’autre en rythme avec le vent, de telle sorte qu’on ne voyait qu’une branche qui flottait, c’est-à-dire moi. Au passage, j’ai glâné quelques disquettes dans le jardin (probablement sur mes ennemis du monde de Lyoko) et je suis arrivé par la porte du garage avec une boite de disquettes à la main.
Il y avait une grosse fête, et l’on m’a prestemment délesté de mes disquettes, mais je connais la fin du rêve : à la fin, les autres disaient « tiens, et c’est quoi finalement ces disquettes que tu avais amené ? » et je disais « je ne sais pas, je les ai trouvées dans le jardin » et ils allumaient un IBM PC XT et les regardaient, et il y avait les plans de l’Etoile Noire et ils disaient « mais c’est formidable, la Rébellion peut enfin se venger de l’Empire ».

Et puis je me suis retrouvé muté à Bordeaux School of Management, et mon seul souci, c’était de faire migrer mon site web. Bordeaux était une ville nocturne, avec de grands immeubles bourgeois donnant sur des avenues désertes. C’était plus kafkaïen qu’oenologique. Je me disais « ben merde, c’est pas terrible comme mutation ». Et puis j’ai zoum-zoumé.

Mais comme j’ai promis une liste des intros de pop-rock, je vais m’y atteler. D’où le titre.

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L’évangile selon Saint Marcellin

Ce sera finalement un bon gros vieux goûtu restau. Oh, allez, si je mastique vigoureusement, je vais aussi brûler des calories, hein. Et dans une semaine : semi-marathon d’Amsterdam.

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L’évangile selon Synthol

Et le dernier jour de la semaine, il fit 3h30 de voiture, 7h de cours, et rentra en se disant « je vais ronquer comme un ne », mais voilà, il y avait encore l’aïkido pour débutants neuneus. Allez, deux heures de souffrance, et ce sera enfin le week-end.

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Novela – La stratégie du champignon

Il y a quelques années, je commençai à travailler au siège d’une grande banque française. Fraîchement diplômé de mon école de commerce, j’appliquais un métier dont j’étais censé avoir vu les bases théoriques, je compulsais des dossiers, rédigeais des rapports, bref, je m’adaptais à une existence qui était, somme toute, prévue depuis ma naissance. Cet emploi commençait par un tour des différents services de la banque, dans lesquels je devais travailler quelques semaines, avant de rejoindre mon poste définitif. C’est ainsi que je passai un mois au département Petites et moyennes entreprises.

J’étais arrivé en phase de transition : mon chef de service quittait son poste, il en était désormais à classer ses dossiers, et, même s’il était encore présent de temps en temps, il nous avait déjà tous classés dans son passé, nous étions des (mauvais ?) souvenirs dont il avait pris son parti, voire fait son deuil. Comme cela arrive souvent dans les entreprises, la transition ne se fit pas par ajustement parfait. L’ancien chef de service quitta son siège, son bureau, et ses dossiers, mais il s’écoula un laps de temps administratif avant que le nouveau apparût. Il arriva enfin, au moment où nous nous étions tous habitués à vivre sans tutelle. Il s’appelait Pierre Pilani. Les premiers jours, les premières semaines d’une prise de fonction sont souvent l’occasion de remettre les compteurs à zéro : on s’observe, on se jauge, et comme l’on fait avec un cheval pour la première fois, on sait que c’est dans les premiers instants qu’on impose sa marque. Dès ces premiers instants, je n’ai pas aimé Pierre Pilani. L’ancien chef était respecté, car il puisait sa compétence dans un puits semblait-il sans fond d’anecdotes, de souvenirs, de pratiques. Il connaissait les ombres derrière les ombres, savait ce qu’il fallait lire entre les lignes, savait même lire quand il n’y avait pas de lignes, bref, il appartenait depuis si longtemps à La Maison que la maison lui appartenait.

Pierre Pilani, lui, ne tirait sa légitimité que de son titre, à peine peint sur la porte, et qu’il portait déjà comme d’autres arborent une tache rouge au revers de leur veste. Nous savions qu’il avait des choses à apprendre, il feignait de l’ignorer. Je le classai très rapidement dans la catégorie des « petits messieurs » : sans brillant, sans intelligence, mais d’autant plus exigeant, avec parfois cette méchanceté mesquine de ceux qui se sentent d’un niveau hiérarchique supérieur. Nous nous sentions sous ses ordres, mais il n’était pas notre chef. Mon opinion acheva de se former le jour où je l’entendis insister lourdement sur « le choix qu’il avait dans la date ». Qu’il utilist cette contrepèterie éculée était peut-être pardonnable, mais son attitude à cette occasion, celle d’un cancre qui ricane au dernier rang, achevait de le rendre petit à mes yeux.

A peine arrivé depuis deux semaines dans notre service, il partit en vacances. Il s’agissait de solder un reliquat pointilleusement calculé par la direction des ressources humaines, faute de quoi ces vacances seraient perdues. J’eus l’impression que, si Pilani avait refusé de solder ce compte un peu particulier, tous les plannings, ordonnancements, budgets des ressources humaines en auraient été bouleversés, voire que tout le système en aurait été bloqué. Mais Pilani n’était pas un aventurier, il tenait à son gain, il solda (la période des soldes n’offre-t-elle pas des biens au rabais ?) et partit pour une semaine. Nous reprimes donc pour quelque temps notre liberté de ton et d’attitudes, en attendant que « Pilonné » revînt.

Le jeune embauché fait toujours du zèle au début. Là où mes collègues, blanchis sous le harnais, partaient quand il fallait partir, je restais travailler encore un peu : ils ne me faisaient pas de remarque, c’était normal, ils le savaient, le jeune embauché fait toujours du zèle au début. Cela explique que j’aie été seul quand le téléphone a sonné : il était midi vingt, mes collègues étaient déjà descendus déjeuner dans le quartier, et je devais les rejoindre « dès que j’aurai terminé ce dossier ». Au bout de quelques minutes, j’entendis le téléphone de Pilani sonner. Je laissai sonner. La sonnerie s’arrêta, puis le téléphone de mon collègue Cirrus prit le relais. Visiblement, quelqu’un essayait de joindre notre service. N’ayant pas pour Cirrus les mêmes préventions que pour Pilani, je décrochai. Une dame de la direction informatique s’inquiétait d’un certain questionnaire qu’elle avait fait passer à notre chef, et que celui-ci n’avait pas renvoyé à temps, la date d’échéance étant dépassée de deux jours. Je lui appris que Pilani soldait ses vacances et qu’il serait de retour la semaine suivante. Mais il y avait urgence : cette dame me pria de voir si, par chance, ce questionnaire ne se trouverait pas dans la corbeille « départ » sur son bureau. La fouille du bureau d’un collègue diffère suivant que ce collègue est notre égal ou notre supérieur hiérarchique. Quel que soit son poste, on est certes toujours déçu : on trouve un fouillis, quelques fragments de vie souvent dérisoires, quelques mesquineries parfois. Mais autant, pour un égal, on fait preuve d’indulgence, autant juge-t-on sévèrement les faiblesses d’un supérieur, surtout si l’on ne l’apprécie pas. Le bureau de Pilani était peu ordonné, des piles de documents étaient posées sans ordre apparent, et ne seraient bougées, je le sentais, que d’ici quelques années, quand Pilani serait appelé à d’autres fonctions. Les tiroirs contenaient le lot habituel d’enveloppes, d’agrafeuses volées, et de paquets de post-it tous entamés (alors que les boites à disquettes étaient encore toutes sous cellophane).

La recherche fut rapide, exhaustive, dépassionnée : je cherchais un questionnaire et ne le trouvai pas. J’en avisai mon interlocutrice d’une voix plate. Elle me demanda (l’espoir fait vivre) de continuer à chercher et de la rappeler en cas de succès. Je m’exécutai, tout en me disant que je n’allais pas passer mon heure de déjeuner à courir après les insuffisances de Pilani, et que cinq minutes de recherche supplémentaire constitueraient un maximum syndical. Je m’avisai que cet homme, malgré le peu d’estime que je lui portais, avait peut-être eu un comportement rationnel : celui de placer le questionnaire dans son agenda, au jour de la date limite, pour ne pas l’oublier. Il ne s’y trouvait pas, constatai-je avec un ricanement. En revanche, tout à la fin de l’agenda, contre la couverture, je trouvai un petit cahier d’écolier. Je ne bondis pas sur cet objet : je cherchais un questionnaire, pas les dessins des enfants de Pilani (car je savais que l’homme s’était reproduit par deux fois). Aussi, c’est machinalement que j’ouvris ce cahier à la première page.

Je suis persuadé, encore aujourd’hui, que ce n’était pas par curiosité malsaine : la page eût-elle été blanche, ou constellée de dessins enfantins, que j’aurais abandonné là mes investigations. Mais la première page n’était pas blanche, et nul dessin ne l’ornementait. Une seule phrase était écrite, et cette phrase était un titre : « La stratégie du champignon ». J’étais malgré tout extrêmement méfiant, distant : je ne suis pas de ceux qui fouillent à tout prix, et la personnalité de Pilani ne m’intéressait aucunement. Mais ce titre détonnait par rapport à l’image monolithique que je m’étais faite de l’homme. La seconde page contenait juste une citation entre guillemets, et la mention de son auteur. Je lus ces mots avec surprise : « Je ne te tiens pas. Mes mains depuis très très longtemps se sont promis de ne jamais tenir », Rainer Maria Rilke. Malgré moi, je souris intérieurement : c’était l’époque où je venais de découvrir les Lettres à un jeune poète, et cela m’amusa de penser que Pilani, cet homme dont j’avais cru cerner la personnalité, lisait en fait du Rilke, et avait visiblement écrit un recueil de poèmes intitulé « La stratégie du champignon » : j’imaginais plus assis devant un match de football à la télévision que penché sur une feuille blanche. L’anecdote était amusante, et je me gourmandai de mes jugements à l’emporte-pièce, même si mon estime pour l’homme ne changeait pas : Pilani était simplement un peu moins monolithique que je n’avais voulu le croire. Encore une fois, malgré ma méfiance, je tournai la page, probablement pour pouvoir constater qu’il n’écrivait que des vers de mirliton, et ne l’en mépriser que plus (ceux qui croient qu’ils peuvent facilement passer du rôle de spectateur passif à celui d’artiste, ceux qui, sans éprouver les scrupules de l’humilité, veulent s’essayer à l’art, ceux-là sont des veaux). Sur la page suivante commençait un texte en prose, de l’écriture serrée de Pilani : « Je voudrais parler d’un homme, Pierre P., qui m’est très familier, mais qui me devient étranger. Il était rêveur, il avait des enthousiasmes de gamin, et il est en train de devenir un bureaucrate gristre, avec son petit chapeau, avec sa petite auto (ce n’est que quelques années plus tard que je découvris la chanson de Jacques Brel qui était citée ici). Je voudrais comprendre, car savoir qui est vraiment ce Pierre P., c’est essayer de répondre à mes doutes. La question reste, inquiétante : est-ce que sa vie, aujourd’hui, est la Vraie Vie, et ses rêves passés ne sont que des fumées ? S’est-il menti, à lui-même et aux autres ? Est-ce cela, la maturité ? Mais alors, ces rêves, ces enthousiasmes ? »

Le style de Pilani me plut. Avec distanciation, il semblait analyser ses illusions perdues avec la passion froide qu’aurait un entomologiste à disséquer un criquet. Et pourtant, on sentait un regret, une insatisfaction : il se rendait compte, et avait essayé, par ce cahier, de rassembler les morceaux de son être. L’ensemble me fit une forte impression, dans sa terrible lucidité.

Je refermai le cahier, après avoir rapidement compulsé les pages suivantes : la même écriture serrée remplissait des pages et des pages. J’étais dans une position gênante. A tout moment quelqu’un pouvait surgir et me surprendre dans la lecture de ce journal intime qui n’était pas le mien. En attendant de discipliner mes pensées, je replaçai donc le cahier à sa place, rangeai le tout, puis retournai à mon bureau où, d’un bref appel téléphonique, j’annonçai l’insuccès de ma recherche. Rejoignant mes collègues, je déjeunai rapidement. Comme d’habitude, on brocarda « Pilonné », mais je ne me joignis pas au concert : même si l’esprit potache de mes collègues m’amusait, je n’aimais habituellement pas trop y participer. Et désormais, j’aurais eu du scrupule à poignarder un homme qui citait du Rilke.

L’après-midi se passa de façon classique. Penché sur mes dossiers, je me rendais compte pour la première fois que, derrière la prose impersonnelle des analyses, se trouvaient des hommes qui avaient écrit ces rapports et qui, peut-être, serraient un cahier d’écolier dans le tiroir supérieur droit de leur bureau. Le soir vint, et un à un, mes collègues nous quittèrent en nous disant bonsoir. J’attendis que le dernier fut parti, et que les ascenseurs aient absorbé les salariés des autres services. Puis, dans cette ville fantôme, je rejoignis le bureau de Pilani. Je pris le cahier, le dissimulai au milieu d’un dossier que j’avais emporté, et allai à la photocopieuse. En dix minutes, je disposais d’une copie intégrale du cahier. Je mis l’ensemble des copies dans une chemise cartonnée, allai remettre le cahier dans l’agenda de Pilani, et quittai enfin la banque avec la copie sous le bras. Sur le chemin vers la sortie, je croisai les équipes du ménage qui nettoyaient les lieux.

Je mis un point d’honneur à ne pas ouvrir la chemise à la va-vite, que ce soit dans le métro vespéral ou en arrivant chez moi. Je voulais que la nuit se soit déjà bien installée pour me retrouver en tête-à-tête avec Pilani. Je voulais accorder de l’attention à chaque mot. C’était la première fois et pour l’instant, la seule fois de ma vie que j’avais accès à un journal intime, et je n’entendais pas gâcher cette expérience. (A aucun moment je n’ai éprouvé du remords, ou n’ai eu des scrupules, à lire, puis copier ces pages qui ne m’étaient pas destinées. Peut-être est-ce mon absence de respect pour Pilani qui m’avait dédouané. Je crois plutôt que j’ai su dès le départ que cette occasion de lire la pensée d’un autre ne se renouvellerait pas de sitôt, et j’avais agi en conséquence.)

Je commençai ma lecture tard dans la soirée, à l’heure où la ville ne laisse plus filtrer qu’une rumeur lointaine. Je me rendis compte que, dans ma fébrilité de photocopie, j’avais sauté une double page au début du cahier, visiblement la fin de l’introduction que j’avais lue. Mais le sens général était néanmoins très clair, car tout de suite après cette double page manquante commençait l’essai qui avait pour titre « La stratégie du champignon ». Sous ce titre, le cahier se livrait en fait à une analyse, fine et désabusée, de la fausseté des valeurs sociales « traditionnelles » (il contestait le mariage, en citant « la non demande en mariage » de Brassens, revenait sur l’illusion d’ « avoir une situation », et plus globalement, se montrait extrêmement peu matérialiste et détaché des conventions et contraintes de notre société). J’allais de surprise en surprise. J’avais cru tomber sur un recueil de poèmes, puis un journal intime, c’était plutôt un essai, où se révélait une personnalité extrêmement sensible, éprise d’idéal, en lutte perpétuelle avec sa vie. Et même si les allusions à sa vie de famille étaient discrètes (ma famille, mes proches), on sentait un désaccord d’autant plus complet qu’il avait toujours été dissimulé.

L’essai démarrait vraiment avec une locution mentionnée dans le Littré (« On dit d’un enfant qui grandit vite, il vient comme un champignon »), dont l’auteur avait adapté la vision à nos vies entières. Il estimait que nos convenances, nos valeurs, nos schémas de pensée, sont imprimés en nous depuis la tendre enfance, et comparait le développement d’une personnalité à celui d’un champignon : « Le jeune enfant est égocentré, il reçoit sans rien donner en échange, comme un champignon parasite, qui se nourrit de l’organisme qui le porte sans offrir de contrepartie. Il ne voit pas la patience de sa mère, la tolérance de ses proches, et par dessus tout l’amour dont il est entouré, dans lequel il baigne. Il n’a comme seul point de référence que sa propre personnalité, résolument tenace, obstinée, orientée vers la satisfaction de ses besoins. L’enfant n’écoute pas les autres, car les autres n’existent pas, il pousse égoïstement vers la lumière, si tant est qu’il sache ce qu’est la lumière qu’il cherche. » Un parallèle, non mentionné, à peine évoqué, soulignait qu’il en était de même pour un amour encore jeune, qui vient de naître, ou un amour entre jeunes, qui n’ont pas encore l’expérience, ou les désillusions de l’amour. Un amour jeune, ou un amour de jeunes, peut facilement tomber dans le même travers parasite, où chacun n’est à l’écoute que de son propre cœur. Puis, « L’organisme continue à se développer selon ce schéma de pensée, mais le corps dont il se nourrissait (ses parents, sa cellule familiale) s’estompe. Il aspire à autre chose, prend ce qu’il croit être une indépendance alors qu’il ne fait qu’embrasser une solitude, il se greffe finalement sur la société entière, c’est-à-dire sur rien. En cela, il devient semblable au champignon saprophyte, qui se nourrit d’un corps mort. Et la plupart des adultes deviennent des saprophytes, englués dans leurs amours, leurs obligations, leurs renoncements. La meilleure prison est celle que nous nous sommes bâtie patiemment». S’ensuivait une nouvelle digression sur le mariage, perçu comme un accomplissement, un achèvement, plutôt que comme un point de départ. On peut s’interroger sur ce qu’il restait après cette étape, si définitive. Les enfants ? Mais c’était le même cercle qui recommençait, une antienne bouddhiste affirmant qu’il faut expier des vies antérieures en pratiquant le renoncement volontaire et l’aide aux autres. Et les enfants seraient à leur tour condamnés à vivre la même évolution champignonnesque.

La conclusion de l’essai offrait une note qui se voulait un peu plus optimiste : « Enfin, à l’âge de la sagesse (mais n’est-ce pas aussi l’âge des renoncements ?), on peut apprendre à vivre et à partager, comme le champignon symbiotique, qui se nourrit d’un autre organisme tout en lui offrant des minéraux, ou une protection, en contrepartie. La réelle symbiose, ce n’est pas l’équilibre parfait, où chacun reçoit autant qu’il donne : cette situation-là, ce n’est que de la comptabilité. La symbiose, c’est l’état où chacun est en équilibre, où chacun vit par l’autre et pour l’autre. Je peux vivre en symbiose avec toi, même si tu ne me consacres qu’un dixième de ton temps. Le temps restant, tu le consacres à ta famille, et moi, à ma liberté. » Encore une fois, était souligné le parallèle avec l’évolution de l’amour dans un couple, même si cette évolution était associée à l’âge des renoncements, voire la vieillesse.

Le cahier se finissait ainsi, et je compris enfin. Je feuilletai à nouveau les premières pages, m’attardai notamment sur le vide laissé par la double page manquante, qui contenait probablement la conclusion de ma mystification. Je dormis peu cette nuit-là, et me trouvai le lendemain matin tôt au bureau. Mais un collègue était déjà présent au travail, puis je dus partir en rendez-vous à l’extérieur. Je revins au bureau après le déjeuner, et la journée s’écoula sans m’en laisser un souvenir marquant. Je restai tard, mes collègues quittèrent un à un notre bureau, mais un autre service était en période de bouclage d’une affaire importante, et ce n’était qu’allées et venues dans le couloir. Quand je vis arriver l’équipe du nettoyage, je saisis ma veste et rentrai lentement à pied chez moi.

Ce ne fut que le lendemain soir que je pus accéder au cahier. Je photocopiai la double page manquante sans la regarder. A la nuit tombée, chez moi, je rassemblai sans difficulté le puzzle. « Je voudrais parler d’un homme, Pierre P., qui m’est très familier, mais qui me devient étranger. Il était rêveur, il avait des enthousiasmes de gamin, et il est en train de devenir un bureaucrate gristre, avec son petit chapeau, avec sa petite auto. Je voudrais comprendre, car savoir qui est vraiment ce Pierre P., c’est essayer de répondre à mes doutes. La question reste, inquiétante : est-ce que sa vie, aujourd’hui, est la Vraie Vie, et ses rêves passés ne sont que des fumées ? S’est-il menti, à lui-même et aux autres ? Est-ce cela, la maturité ? Mais alors, ces rêves, ces enthousiasmes ?

J’ai rencontré Pierre lors d’un cocktail à la mairie. Il m’avait plu par son humour, son côté charmeur, et nous avions échangé nos numéros de téléphone, lui ne me donnant que celui de son bureau. Nous nous sommes revus pendant des mois, il était insouciant, même s’il me confiait que sa vie de famille sa femme, ses deux enfants lui pesait et qu’il cherchait une autre qualité de vie. Nous fumes amants, je fus amoureuse. Puis vint le temps des doutes, il annulait nos rendez-vous et éludait mes questions sur sa vie et ses projets de tout changer. Jusqu’à ce rendez-vous Place du Chtelet, il y a un mois. Il avait déjà annulé deux rendez-vous précédents, prétextant une surcharge de travail. J’attendis une heure dans la nuit tombante, puis m’en allai, en souriant tristement à une autre femme qui, elle aussi, attendait quelqu’un depuis longtemps. Elle resta dans l’obscurité, sur cette place, tandis que je partais. « Quel manque d’élégance », soupirais-je, « quel manque d’élégance ».

Depuis, ta secrétaire me dit que tu es en rendez-vous, ou injoignable, et je ne laisse pas de message. Je te comprends, Pierre, et je t’envoie ce cahier pour que tu essaies de me comprendre aussi. Et je ne t’appellerai plus, ne t’inquiète pas.

Dès le début, je m’en rends compte, j’avais jugé ta personnalité, tes choix d’existence, mais tu trouvais toujours une explication, une manière de me rassurer. Aujourd’hui, je reste seule, et te laisse à ta vie. J’ai rencontré d’autres hommes depuis, un qui m’emmène dans un hôtel et remonte ma jupe, un autre dans un café à qui je ne laisse que ma main. Et toi, tu es libre, tu l’as toujours été, je n’ai jamais souhaité te tenir. »

Puis commençait l’essai que j’avais lu. L’écriture, que j’avais prise pour celle de Pilani, était plus ample, et j’en vins à me demander comment j’avais pu les confondre.

Quelques jours plus tard, Pilani revenait de vacances, mais je ne le revis jamais : j’avais été affecté à mon nouveau poste. Je quittai la banque deux ans plus tard, en laissant tous mes dossiers rangés sur mon bureau pour mon successeur.


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