Spam

Après un temps de silence (qui pourrait se renouveler), devperso.fr a accouché d’un billet. Comme quoi, ça valait la peine, d’acheter un (trois) nom(s) de domaine. Je suis un financier, je m’engage dans des trucs à coup sûr !

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Les 10 axes d’un travail salarié

[edit du 30-10-2013 : cet article était publié sur mon blog de développement personnel (Devperso.fr), je l’ai rapatrié désormais dans la rubrique « productivité » de blogthib.com – un edit de ce type signalera de tels articles]

Beaucoup de méthodes d’organisation personnelle sont fondées sur les priorités. C’est très bien, mais il faut alors définir quelles sont nos propres priorités, ce qui demande de revenir sur ses choix, analyser son existence, et voir dans quelle mesure on fait ce que l’on voulait faire. Cela peut évidemment nous amener très loin, chacun s’analysant et se découvrant au fur et à mesure.

Dans ce billet, je souhaite parler du travail (au sens de poste) que l’on a choisi. Au fil des années, j’ai mis au point un petit outil d’analyse qui peut aider à :

  • mieux choisir son travail
  • mieux comprendre ce qu’on aime / n’aime pas dans son travail
  • aider à changer de travail
  • définir ses priorités

Je le partage avec vous ici, pour réflexion.

Selon moi, tous les emplois peuvent être classés / notés sur 10 axes. Ces axes sont :

  1. Le salaire et les avantages (notes de frais, voiture, téléphone portable…)
  2. L’intérêt intellectuel du travail.
  3. La disponibilité que ce travail nous laisse par ailleurs (= horaires, mais aussi travail à la maison le soir, le week-end…)
  4. Le pouvoir que l’on subit : est-on sous les ordres d’un chef ou non, et quelle est notre liberté de décision.
  5. Le pouvoir que l’on impose : a-t-on du pouvoir sur les gens (subalternes) et sur les événements ?
  6. Reconnaissance sociale. Quand dans un dîner, on répond à la question « que fais-tu dans la vie ? », comment est-on perçu socialement ? (médecin, avocat, vendeur, journaliste…) Cela peut aller jusqu’à la « fierté d’appartenance » à une entreprise (merci Laeren pour cette idée !).
  7. Sécurité de l’emploi.
  8. Ambiance dans le travail : relations avec les collègues, ambiance sympa ou tendue, a-t-on des collègues que l’on voit en dehors du travail…
  9. Alignement avec « une bonne vie », sentiment que l’on sert à quelque chose, que l’on contribue à un développement global.
  10. Possibilité d’évolution dans le travail.

Ces axes peuvent recouvrir des choses communes, et la notation sur chacun des axes peut être très subjective. Mais cela permet de commencer à classer les choses. Je crois en tout cas n’avoir rien oublié…

Prenons un exemple. Auditeur junior dans un cabinet d’audit.

  1. Salaire : élevé.
  2. Intérêt intellectuel : faible.
  3. Disponibilité laissée par ailleurs : très faible.
  4. Pouvoir subi : très important.
  5. Pouvoir qu’on impose : très faible.
  6. Reconnaissance sociale : assez forte. Fierté d’appartenance : idem, probablement.
  7. Sécurité de l’emploi : faible.
  8. Ambiance dans le travail : dépend.
  9. Alignement avec une bonne vie : pas facile à justifier.
  10. Possibilité d’évolution : forte.

On peut remarquer plusieurs choses :

  • La notation est subjective, et qualitative.
  • Il y a des axes « internes », correspondant à une satisfaction personnelle, par exemple la « bonne vie », le pouvoir qu’on a, l’intérêt intellectuel, et des axes « externes », correspondant plus à ce que le monde extérieur nous renvoie (reconnaissance sociale, pouvoir qu’on subit…). J’imagine qu’on peut classer les axes selon d’autres critères, les réordonner, mais ces raffinements ne sont pas mon propos actuel.
  • On peut représenter ces axes sous la forme d’un « graphique en radar », qu’on peut appeler ici le Radar de Thibierge (l’image de début d’article correspond au Radar de Thibierge pour le poste d’auditeur junior).

Voici maintenant mes intuitions sur le sujet : normalement, chaque emploi devrait remplir la même surface c’est-à-dire que ce que l’on gagne par exemple en liberté, on le perd par exemple en salaire. On suppose que toute évolution positive sur un axe sera compensée par une régression sur un autre axe. Par exemple : les emplois qui laissent beaucoup de disponibilité et font subir peu de pouvoir… sont généralement moins bien payés. Donc tous les emplois se valent, car la surface intérieure du graphe reste de même dimension.

Mais si tous les emplois se valent, comment choisir ? Réponse : en cherchant lesquels des 10 axes sont importants pour vous (et lesquels sont accessoires). C’est là où arrive l’analyse personnelle, et la gestion des priorités. Quels aspects de votre travail sont cruciaux pour vous ? La salaire avant tout ? Le temps libre que votre travail vous laisse ? Aimez-vous avoir du pouvoir ? Le regard des autres (réussite sociale) compte-t-il beaucoup pour vous ?

En répondant à ces questions, vous pourrez non seulement (re)définir le type d’emploi qui est fait pour vous, mais aussi, vous aurez une idée de vos priorités dans le monde du travail.

Ceci est une réflexion en cours, tous les commentaires sont les bienvenus.

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Magnolia Express – 3ème Partie – # 18

Anecdotes
 
Le soir venu, Vieux Bill nous proposa d’aller voir Bob Brozman, un gars du cru qui jouait de la guitare acoustique dans une vieille grange, à quelques miles. Il nous y emmena en camionnette, un vestige de l’histoire automobile qui démarrait à condition qu’au moins deux personnes s’occupent du moteur, mais une fois que l’engin avait démarré, on pouvait s’installer sur la plate-forme arrière et regarder la campagne défiler.
Quand nous entrmes, la salle était bondée, chaleureuse, les bières brunes circulaient, les hommes se tapaient sur l’épaule ou bien s’accoudaient dos au comptoir pour juger de l’ambiance, quand on entrait là-dedans ça faisait comme une vague tiède qui vous enveloppait. Vieux Bill se frayait un chemin en distribuant des tapes dans le dos et des coups de coude, il nous installa d’office au bar et commanda des bières. Repoussant son chapeau en arrière, il nous raconta quelques anecdotes, la grande épidémie de ’32, et le temps où il était journalier dans les fermes céréalières, là où il n’y avait qu’à accrocher son chapeau à la porte pour s’installer, de toute façon y avait toujours besoin de main d’oeuvre. Il nous parla aussi de sa tentative pour être cultivateur « mais tu vois, j’avais pas choisi le bon cheval… La charrue, le lopin de terre, ça, y avait pas de problème, mais le cheval ! Ah Seigneur, il lui fallait boire un seau de vin avant de pouvoir commencer à travailler, et je partageais toutes mes bières avec lui. Je l’avais appelé l’Eponge, tellement il sirotait. Certains soirs, il s’arrêtait tout net au milieu d’un sillon et se mettait à ronfler, debout, tout en lâchant un pet de temps en temps, et si par malheur je le réveillais, il me regardait avec ses yeux fatigués, désabusés, laisse-moi dormir nom de dieu et puis il soupirait un coup et repartait dans ses rêves.
Finalement, le jour où je me suis rendu compte qu’il me coûtait plus cher qu’un tracteur, je l’ai donné au pasteur. Depuis, il ne boit plus que de l’eau, et il tire dignement la charrette de la paroisse ».

Vieux Bill s’adossa au bar, le regard dans le vague, moitié rêveur moitié regret. « Il n’y a plus que moi qui l’appelle l’Eponge maintenant, puisque le pasteur l’a rebaptisé. Ishmaël le Racheté, voilà comment il s’appelle maintenant… »

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Le roman, dans l’ordre, est
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Magnolia Express – 3ème partie – # 17

ça marche
 
– Aline, dis-je.
– Mmm…, dit-elle, le nez plongé dans un journal de 1896 qu’elle a trouvé dans une malle.
– J’ai fini de réparer la première Corona.
– Mmm ?..
– Cela ne t’embête-t-il point de la tester de tes doigts agiles ? D’inaugurer sa nouvelle vie mécanique ?
– … ? … Qu’est-ce que j’écris ?
– Ben, je ne sais point. Essaie d’utiliser les 26 lettres de l’alphabet, comme avec la phrase « Portez ce vieux whisky au juge blond qui fume ».

Aline repose son journal de 1896, se lève de sa chaise à bascule et vient avec moi dans la cabane. Elle s’installe devant la machine, insère une feuille blanche, et tape :

Bring – very quickly – this old whisky to the fair judge, yep, the one who’z smoxing.
 
Sur le papier, il y a marqué :

Bring – very quickly – this old whisky to the fair judge, yep, the one who’z smoxing.
 
ça marche.

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Le roman, dans l’ordre, est
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Epistémologie ontologique du sabre laser


Quand mon grand-père avait vu « la guerre des étoiles » (on ne disait pas encore Staroirz), dès le début (attaque du vaisseau diplomatique de la Princesse Leïa par les forces de l’Empire), il avait tiqué.
On voyait des braves soldats se faire dézinguer à coups de pistolasers, et ça faisait Piou Piou tandis que des éclairs lumineux et brefs jaillissaient de la bouche fumante des pistolasers.
Mon grand-père, qui n’était pas Polytechnicien pour rien : « Ce ne sont pas des pistolasers ! Un laser, c’est comme une lampe-torche, tu l’allumes et la lumière en sort, et si on n’éteint pas, le faisceau lumineux s’allonge sans rupture. Là, ce sont des balles traçantes. »
Mon grand-père avait laissé son me d’enfant quelque part, il raisonnait en froid polytechnicien. Personne n’est parfait.
D’où mon interrogation du jour, dont la profondeur égale la question sur le demi-tour d’Actarus dans Goldorak :

comment fonctionne un sabre laser ?

Prolégomène :
un sabre laser produit un laser qui

  • est limité en hauteur
  • est analogue à une épée, qui peut couper de taille (avec son tranchant) ou d’estoc (avec sa pointe). Par exemple, quand Krung Grop Tep, le mentor d’Obi Wan, se fait trouer par Dark Maul, c’est un coup d’estoc.

Interrogation suite au prolégomène :
un vrai laser, version 2008, et pas version « il y a très très longtemps, dans une galaxie très très lointaine », est un rayon lumineux qui troue et coupe, mais qui n’est pas limité en longueur. Donc ma question, c’est « qu’est-ce qui stoppe le laser du sabre laser à 1m20 du fourreau pour lui donner cette ergonomie d’épée archéo-futuriste ? »

La première idée est : un miroir. J’y ai beaucoup réfléchi dans le métro, et j’aboutis au dessin ci-joint. Alors tu vois, le manche bleu pâle, c’est le manche, celui qu’on tient à la main et que R2D2 envoie à Luke dans « Le retour du Jedi » pour abattre l’infme Jabba. On pousse sur un bouton, et hop, le générateur de laser (carré rouge) envoie le laser (trait rouge). Ce laser passe à travers un miroir sans tain (noir pointillé) et va taper dans un miroir (noir plein), hop, le laser bondit vers le haut, et à 1m20 de hauteur, un autre miroir biface décomplexé (triangle noir en haut) renvoie le laser vers le bas, ad vitam aeternam. Ainsi, on a un laser limité en longueur, mais qui coupe bien, avec en plus un raffinement : plus le sabre laser est allumé longtemps, plus le rayon est concentré (multiplication des allers-retours), plus il est puissant. On pourrait appeler ça « La concentration de préchauffe de Thibierge », en toute modestie.

Mais argh, je ne serai jamais prix Nobel :

  1. Il n’y a pas de miroir en haut (ou alors, on ne voit pas comment il tiendrait tout seul dans l’air)
  2. Si on se débrouillait pour en installer un (« on dirait que quand on allume le sabre, un miroir se matérialise en haut »), il n’y aurait plus d’effet d’estoc, et Krup Gong Couic n’aurait pas pu être troué par Dark Maul.

Nous voilà – presque – revenus au point de départ. Et là, j’ai une idée, mais j’ai besoin de physiciens, éventuellement ‘Pataphysiciens, ce serait plus fun. On va dire qu’il y a un champ de force qui est créé quand on allume le sabre, et que c’est ce champ de force qui repousse le laser à partir de 1m20, jouant le rôle du miroir distant.
Cf. la figure suivante, où le champ de force – appelons-le « Field Castro » – est figuré sous forme d’un mignon nuage moutarde. Mais reste le problème de l’estoc : un champ de force capable de repousser un laser, il ne va pas permettre de toucher son ennemi, le dit ennemi sera lui-même expulsé de la zone de combat par le champ de force (effet blocus de Field Castro).
Je ne m’en sors plus. Des idées, quelqu’un(e) ?

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Caillou – Phénix

Un rayon de soleil effleure ma coquille
Cela fait si longtemps.
Timide rayon, timide réponse
Juste une petite fêlure
Pour une lumière ténue
Comme dans une chapelle romane.

Trop tôt pour décider d’éclore,
Pour choisir qui je veux être.
Je sais que le temps apporte des nuages
J’ai appris à me méfier des premiers rayons.

Mais je sens la force dans mes ailes
Et je fixe cette petite source de lumière
Prêt à faire craquer ma vie.

En attente.

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Caillou – Overdose


Mes dossiers urgents
Les souris vont pouvoir les grignoter
En paix pendant une semaine.

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Magnolia Express – 3ème partie – # 16

Cahutes (2)
 
Une fois que j’ai expliqué aux renards qu’ils ne doivent pas faire leurs cérémonies de mariage si près des clairières, parce que sinon les humains voudront s’inviter à la noce, je me réveille avec la certitude d’avoir accompli une bonne action. Bon, comme d’habitude, tu t’es levé à cinq heures du matin pour aller jouer dans le parc aux antiquités, et j’émerge donc au milieu des draps comme une abeille au milieu d’un lys blanc.
Bzzzzz.
 
Entrouvrant la fenêtre comme une squaw sioux, j’essaie de repérer ta trace dans le sable léger du sentier. Nulle trace, mais une sorte de bruit (tic tic tic) dans la petite cabane là-bas, à côté de la statue en bidons métalliques. Bien, c’est là-bas que le coyote se cache. Armons-nous et allons-y.

– Que fais-tu, demandé-je, en constatant in petto que tu es en train de te pencher sur une vieille machine à écrire vénérable.
– Je me penche sur une vieille machine à écrire, réponds-tu. Puis tu ajoutes, par souci de précision : vénérable.

Je me penche à côté de toi, et nous hochons la tête ensemble face à ce respectable vestige du passé. Corona, 1918.

– Dans la caisse à côté, il y a quelques autres Corona, deux Remington, une Underwood, plus quelques autres en dessous, dis-tu, ô toi mon coyote à poil ras.

J’attends.
Tu me regardes, souris, me dis :

– Je crois que je peux les réparer. Je crois que je vais les réparer.

Je hoche la tête, vu que ça ne me dérange point. Alors tu claques tes mains sur tes cuisses et tu te redresses :

– Allons préparer un petit déjeuner énorme, pour changer.

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Le roman, dans l’ordre, est
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Airport en commun

Ce matin dans le métro, au lieu du signal sonore, j’ai cru entendre :

« PNC navigant aux portes. Déverrouillage des toboggans. Vérification de la porte opposée. »

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Magnolia Express – 3ème partie – # 15

Cahutes
 
Je m’éveillai à l’invitation d’un parfum de soleil timide, sur les carreaux de la petite cabane. Nulle odeur de café brûlé.
Je me levai sans déranger Aline, qui était visiblement occupée à se bricoler un rêve à trois étages, et sortis face au parc d’antiquités mécaniques. Il y avait des piles d’objets mastodontes et des allées larges, ceux qui passaient dans la région en montgolfière devaient voir un quadrillage d’allées bien nettes, avec de temps en temps une petite cahute en bois. Nous avions dormi dans la cahute n°5, une petite pièce avec un grand lit à ressorts, quatre murs en bois autour et un toit pour couronner le tout. Je savais qu’Eileen et Conrad étaient dans la cahute 18, de l’autre côté du parc, et je me demandais si les autres petites cabanes que je voyais abritaient aussi des voyageurs express. Je m’avançais vers la première cabanette, à la réflexion, elle avait plutôt l’air de contenir des objets fragiles, vu qu’il n’y avait même pas de porte, juste un rideau qui bougeait un peu. Quel contenu, quelles découvertes ? Abats-jour ? Rasoirs de barbier ? Roulettes de casino ?
J’hésitai sur le seuil : l’intérieur était sombre et frais, alors que j’avais le dos chauffé au soleil. La bicoque faisait dix pieds sur douze et contenait des meubles en bois verni, chacun recouvert d’une bâche, ou un drap, une cape, une voilette, une descente de lit. Au choix.
 
Sur une table roulante à côté de l’entrée, une vieille machine à coudre, du type de celle qui avait piqué la Belle au Bois Dormant, rêvait à sa splendeur passée. Je passai la porte et m’accroupis devant l’objet. La roue d’alimentation ne tournait plus, mais c’était probablement un problème de graissage. Je trouvai une burette d’huile qui flânait sur une des étagères, et entrepris de rendre les derniers honneurs à cette ravaudeuse mécanique.
 
Après un démontage sommaire et un tendre graissage, la vaillante machine fonctionnait à nouveau et réclamait de l’ouvrage. Je lui promis d’en parler à Vieux Bill, et elle me remercia, me disant que j’étais fort serviable. En me relevant pour libérer mes jambes ankylo-accroupies, je jetai un oeil à une grosse caisse en bois sans couvercle, coincée entre la table de la machine à écrire coudre et un vieux classeur verni. Son contenu était recouvert d’un vieux drapeau américain délavé, ce qui faisait que l’on ne voyait point les objets ainsi entassés. ça devait probablement être des entonnoirs en cuivre, ou une collection de fers à friser, ou encore des récipients en étain allant de l’once au gallon.
Je soulevai le drapeau : la caisse était remplie de vieilles machines à écrire en vrac.
Je crus voir un cimetière d’instruments de musique.

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Le roman, dans l’ordre, est
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Aphorisme

« Quand ça change vite, ça change toujours dans le mauvais sens ».
Il faut du temps pour établir la confiance, et pour faire de bonnes choses, il faut accepter de prendre (et non pas perdre, comme le croient certains) du temps.
Par opposition, les stratégies de « j’arrive, je change tout, je ne prends pas le temps de consulter », on sait où ça mène.
Tristan Nitot a publié hier un excellent billet sur le sujet. J’y reviendrai (ou pas), car enseigner, ou publier des manuels, c’est vraiment une stratégie de très long terme. Et on se souviendra de mes réflexions sur la tyrannie du court terme.

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14 610 jours

Il y a des gens qui dépriment au moment du passage d’une dizaine, ils pleurent avant, dépriment pendant, et remâchent après. Pour ma part, même si je n’ai pas atteint tous les objectifs que je m’étais fixés il y a 1 an et demi (le projet Phénix est dans les choux, et Prométhée a du mal à atteindre la vitesse de croisière), j’ai quelques point d’étape satisfaisants (projets Mercure et Magnolia).
Mon frère me donne ce matin LA citation :

« Maintenant, j’ai passé l’âge de me faire repasser par des petits cons »
La tante Léontine dans « Faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages », de et par Michel Audiard.

Bref, ça baigne.

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Explosion d’agenda

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Je travaille beaucoup actuellement, ce qui explique mon silence. En même temps, je prends régulièrement des notes, parce que c’est justement dans le travail intense que l’on détecte des zones de productivité.

Mais là, c’est l’inverse que je constate, avec un mystère.

Depuis quelques semaines, j’ai eu plusieurs plantages dans mon agenda. J’ai pourtant un agenda électronique, synchronisé avec mes différents ordinateurs, et je le mets à jour très régulièrement. Et pourtant, dans les deux derniers mois, j’ai constaté :

– un rendez-vous oublié, et qui m’a obligé à annuler un déjeuner alors que j’étais déjà au restaurant (j’y reviendrai)

– 4 ou 5 rendez-vous que j’ai pris en croyant être libre, alors que j’avais des engagements antérieurs que je n’avais pas noté dans mon agenda.

– deux dates que j’avais oubliées de noter.

Si je mentionne ces différents plantages, c’est qu’ils ne laissent pas de m’étonner : je suis habituellement extrêmement scrupuleux, ponctuel, et je n’oublie rien. Mais là, c’est un feu d’artifice.

Je recherche les raisons : fatigue, trop d’informations, distraction.

J’ai quelques idées, sur lesquelles je reviendrai, mais cette séquence de plantages m’étonne vraiment, et m’amuse : que se passe-t-il donc dans ma tête ?

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Magnolia Express – 3ème partie – #14

Un rêve d’Aline
 
La banquise était saupoudrée de sucre glace et ça envoyait des étincelles dans tous les sens, c’était une piste aux étoiles en plein pôle nord. Il y avait un cercle d’ours blancs qui dansaient en faisant Pom Pom Pom, au milieu de toute cette étendue blanche. Ils avançaient tous ensemble, puis se prenaient par le bras, faisaient des entrechats tout en disant Pom Pom Pom Pom, puis ils se remettaient à danser débonnairement. Un des ours a fait un entrechat, et puis il est retombé sur un pied, a fait Oups et s’est retrouvé les fesses dans la neige. ça avait fait Pom Pom Pom Oups, et les autres dansaient autour de lui, il battait la mesure avec ses pieds tout blancs tout neigeux en restant étendu mollement, les yeux fixés sur les nuages, un sourire ineffable sur ses babines.

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Roman, publié progressivement, sous un contrat Creative Commons. Et aussi sous licence Touchatougiciel.

Le roman, dans l’ordre, est
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On refait la course : le negative split négatif, et le RDS positif

Au sujet du Marathon de Turin, vous avez été nombreux (au moins deux) à me demander : « Mais enfin donc, peste boufre, qu’est-ce qui explique cette contre-performance manifeste avec une telle préparation d’athlète surdimensionné ?! »
Je me suis posé la même question, car de temps en temps, je pense.
Et j’ai consulté les oracles : quelques coureurs aguerris, et Google, qui ne court pas beaucoup, mais qui bouffe de l’info sans discernement (donc méfiance).
Voici les résultats de mes investigations :

  • Le negative split, que j’ai pourtant essayé d’atteindre plusieurs fois, n’est pas recommandé en marathon. Les avis sont assez unanimes : « si tu essaies de courir à 6’20 » au kilomètre pendant 20 bornes, puis que tu passes brutalement à 5’40 » au kilomètre, ton corps il va pas aimer ». Car le corps aime la régularité, surtout sur 42 km (et 195 mètres, ne les oublions pas).
  • Le conseil est de courir à la même allure pendant toute la durée de l’épreuve, tout en écoutant son corps. Qui ça ? Mon corps ? Ah oui, cette machine électrique à laquelle j’envoie des signaux codés ? Non, coco, le siège de ton âme, la porte ouverte sur l’extérieur, le rideau qui se gonfle sous la respiration du Tao.
  • L’erreur, fatale à plus d’un coureur de ce marathon très particulier, a été de maintenir la vitesse de course dans la côte. Nous avons été plusieurs à avaler la côte sans difficulté, avec un grand sentiment de puissance. Nous sommes tous arrivés en haut en étant extrêmement contents… alors même que, sans le savoir, nous avions brûlé notre précieuse énergie (le glycogène) dans cette montée. Le conseil est donc : en côte, ralentir son allure. De combien, mon général ? Deux réponses :
    • En ajoutant 15-20 secondes au kilomètre. Donc pour moi, il aurait fallu monter la côte à 5’40 » + 20″ =  6’00 » au km, au lieu de faire le cacou devant Joce, Arnaud et Mathieu.
    • En maintenant la fréquence cardiaque au même rythme que sur du plat, c’est-à-dire raccourcir la foulée, respirer, et tant pis pour la vitesse.
  • Le but est finalement de repousser « le mur », ce moment où on n’a plus rien dans les jambes. Pour quantité de coureurs, ce mur apparaît au km 30, ce qui fait dire à Pierre, gourou aux 40 marathons : « la course commence au km 30 ». Or, ce qui fait que le mur apparaît, plus ou moins tôt (pour votre serviteur, km 26 à Paris, km 23 à Madrid, km 29 à Turin), c’est l’épuisement du glycogène. Donc, petit cours, et merci à Housni pour ces bons conseils :
    • Le glycogène, c’est le carburant des muscles. Il est constitué de sucres stockés dans les muscles et le foie. Pour un être humain normal, il y a 400 grammes de glycogène stockés.
    • Mais avec une préparation particulière (le RDS, Régime Dissocié Scandinave) uniquement réservée aux marathoniens, et pas plus de deux fois par an, on peut faire passer ce stock de 400 grammes à 1 kg. Et donc, on peut repousser « le mur ».
    • Le principe est d’affamer le corps en glycogène, de telle sorte que le foie cherche à stocker de manière surcompensée après coup. Les étapes sont les suivantes (pour un marathon à courir le dimanche matin) :
      • Le dimanche précédent, dernier repas normal.
      • A partir du lundi, 3 jours de régime sans sucres : pas de sucres lents, mais uniquement des aliments sans sucres : protéines, fromages (génial : zéro glucides). Donc on proscrit : pain, riz, pâtes, pommes de terre.
      • Jeudi matin, il faut vider les dernière réserves de glycogène, donc 40 mn de footing pour vider le réservoir. Et après, petit déjeuner normal : pain, confiture, sans se gaver.
      • Le foie est total sevré, et il cherche sa dope comme un malade. Pendant 8 heures, il va chercher à surcompenser. Donc le jeudi midi : grosse bouffe de pâtes, pain complet, un truc à se faire péter la sous-ventrière. Le foie est gavé, et on se sent comme une oie dans le Périgord. Normalement, on a 1kg de glycogène qui a été stocké par ce trouillard de foie.
      • Les autres repas doivent être normaux (pas de gavage), mais uniquement orientés en sucres lents. Pas de viandes grasses, juste 100-150g de protéines par repas, pour maintenir la qualité des muscles : jambon blanc, poitrine de dinde, carton bouilli, polystyrène.
      • Plus de footing, de l’eau toujours, et des pensées positives.

Voilà, il ne reste plus qu’à appliquer ces conseils.
C’est un état d’esprit étonnant. Ce marathon a réellement été très dur, et pourtant, j’en sors très détendu parce que j’ai compris mes erreurs. Laurent me dit qu’il aimerait courir un marathon à l’automne, avant Londres dans un an, et je suis prêt à le suivre.
Ce projet, c’est un peu plus que des courses. C’est un groupe, une vraie équipe, ce sont des fonds qui sont levés pour une bonne cause, ce sont des heures de bénévolat. Ce sont des grands moments.

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Tout ce qui ne tue pas rend plus fort

Voici donc le compte-rendu de mon Marathon de Turin.

Avant la course 

Dimanche matin, réveil 6h15, Laurent (mon coturne à l’hôtel) fait son yoga pendant que je lis quelques poèmes de Bashô et que je respire. Petit déjeuner vers 6h45, du jambon, des céréales, un thé, puis on remonte se préparer. Crème pour les pieds et les jambes, pansements sur les tétons, piles de rechange (pour walkman et podomètre), gels de glucose.

Nous arrivons au rendez-vous sur la Piazza San Carlo avec 10 minutes d’avance. Nos camarades arrivent un peu plus tard, nous en avons profité pour nous mettre au soleil, il fait super beau, ciel bleu, mais encore frais : +8°C. On nous promet que ça va taper plus tard dans la matinée. Nous prenons une photo tous ensemble puis direction la ligne de départ. C’est un tout petit marathon, en nombre de coureurs : 2 200 dans le peloton de départ, ce n’est rien à côté des 40 000 du Marathon de Paris. Du coup, c’est une ambiance plus détendue, il fait beau, une jeune fille qui chante faux nous assène l’hymne italien, et c’est parti, il est 9h20.

Km 0 à 10 – confiance et beauté

C’est d’abord une avenue, puis une longue place pavée avec de longues pierres plates, nous courons au milieu des rails de tramway, la ville est à nous. Virage à droite, et nous continuons le long du Pô, là où je m’entraînais il y a un an pour préparer le Marathon de Madrid. La route devient une 4 voies dans une banlieue urbaine, des immeubles glacés, très peu de public, nous sommes seuls. Et c’est là un des premiers plaisirs de ce marathon : à 2 200 répartis sur plusieurs kilomètres, nous ne sommes pas dans le coude-à-coude d’un peloton, chacun a beaucoup d’espace devant lui et sur les côtés, chacun court pour soi. Du soleil, une route presque vide, quelques passants. Je maintiens parfaitement mon rythme de 6’10 » au kilomètre, rythme que je dois tenir sur les 21 premiers kilomètres avant d’accélérer dans la seconde moitié du marathon. Jocelyne, avec qui je cours, me distance progressivement, je reste en arrière, à mon rythme. Et puis, vers le km 10, nous passons en pleine campagne. Des champs de blé en herbe, des parcelles labourées, la tache jaune d’un champ de colza au loin. Nous sommes sur la route vers Orbassano, et rien n’indique que nous venons de quitter une ville.

Au-dessus d’une parcelle de blé en herbe, une hirondelle fait des volutes en rase-mottes, en rase-brins, et c’est superbe de voir tant de grâce dans le soleil.

Les kilomètres se déroulent, j’ai un peu mal au jambes, une fatigue qui me plombe un peu, je ne m’en inquiète pas plus que ça, c’est après que c’est censé devenir dur. Et puis ce grand moment de beauté : après une petite montée sur une bretelle d’accès, un superbe panorama sur les Alpes enneigées. Ciel bleu, montagnes blanches et grises qui nous bouchent l’horizon, donnant un sentiment de leur puissance, mon Kilimandjaro à moi.

Je continue au milieu des champs. Nous passons au milieu de petits villages, avec leurs rues pavées et leur rigole centrale, il y a des fanfares, des passants, des enfants dont je tape la main en passant.

J’avais pris la peine de m’arrêter pour desserrer mes chaussures, mais je passe le km 20 à 2h04, c’est-à-dire pile-poil 6’10 » au km. A ce rythme, je peux faire 4h15 ou moins. Je prends mon premier gel de glucose, j’avale deux verres d’eau.

Km 21 à 27 – la côte vaincue

J’arrive au semi (21,1 km), le moment où je dois accélerer. Je mets le walkman en marche, et je tombe sur « Why Aye Man » de Mark Knopfler : le tempo idéal pour monter à ma seconde vitesse, 5’40 » au km (negative plit, cf. mes mésaventures et réflexions passées). J’accélère donc, et c’est parti à ce nouveau rythme, la route est un long ruban de bitume entre maisons de banlieue avec des champs derrière.

Le faux-plat imperceptible depuis le km 17 se transforme en côte, c’était prévu sur le relief, et je l’attaque sans réduire ma vitesse, comme c’était prévu : après tout, après le km 27, ça descendra, et tout sera plus facile. Je repère Joce avec les ballons du meneur d’allure pour 4h15, je grignote insensiblement la distance, et je la passe, je lui souhaite bon courage, puis je continue à mon rythme. Il fait chaud, le soleil tape, je n’ai plus froid et je sens que je vais avoir des coups de soleil. La pente est longue, je m’accroche, je perds souvent le rythme mais je remonte toujours pour me maintenir à une vitesse de 5’40 ».

Vers le haut de la côte, avant d’entrer dans le village de Rivoli, je rattrape Matthieu et Arnaud. On s’échange une poignée de main, je les passe, tandis que résone dans mon casque la musique de « Legend of Zenda ». Grand moment d’exaltation et de puissance, j’aime ma foulée, j’aime ma vitesse, et je sais que le haut de la côte n’est plus loin. Au km 27, je vois en effet la fin de la côte, un virage à gauche, désormais c’est censé descendre jusqu’à l’arrivée, je pense que rien ne peut m’arriver.

Km 29 – les ennuis commencent…

Au km 29, je sens des douleurs dans le ventre, j’ai le torse et le ventre glacés, j’ai peur d’avoir une colique. Je décide de ne rien forcer, j’ai mal, donc je m’arrête à un café et demande la permission d’utiliser les toilettes. Ils acceptent, mais Argh ! Ce sont des chiottes à la turque ! De fait, je me contente de pisser, fausse alerte, et j’ai dû perdre à peine quelques minutes. Retour sur la route, cela va mieux… pour 200 mètres. Je sens que je suis fatigué, je ralentis insensiblement, j’essaie de maintenir le rythme, mais cela devient de plus en plus dur : je passe à 5’50 », puis 6’00″… J’arrive au ravitaillement du km 30, je prends mon deuxième gel de glucose, deux verres d’eau, et je repars. Nous sommes revenus dans la ville, ce sont des longues avenues très larges, avec personne sur les côtés, il y a quelques badauds aux carrefours, mais on a l’impression de courir sans en voir la fin. J’essaie de balancer les bras pour pistonner ma course, je me focalise sur la musique (« Violet » de Seal m’apaise et me relance), mais je sens le coup de pompe qui m’attaque de plus en plus. A tel point que je ne vois pas passer le km 32, celui où j’étais censé passer de 5’40 » à 5’20 » pour une nouvelle accélération dans les 10 derniers km. Là, il ne s’agit plus d’accélérer, mais uniquement d’essayer de me maintenir en-dessous des 6’10 » de ma première moitié de parcours. Très vite, je ne regarde plus ma montre : ça ne sert à rien de voir ma performance se dégrader, autant m’accrocher, essayer de faire avec, et on verra bien au final.

Ravitaillement du km 35, je bois, je repars péniblement. Dès le km 36, j’ai soif, et je sais que j’ai encore 4 bornes sans ravitaillement. Joce me dépasse, je la félicite et lui souhaite bonne chance, je suis content pour elle, c’est moi qui ai merdé dans mon parcours. Je compte péniblement les km, le temps entre chaque panneau kilométrique est de plus en plus long, je me traîne, je trottine à peine, des chaussures de plomb à chaque pied. A un moment, je pose mal mon pied, je me rattrape, et me retrouve à marcher : j’avançais tellement lentement que la marche s’est enclenchée automatiquement. Je repars immédiatement en trot, c’est douloureux, j’ai mal partout, aux pieds, aux mollets, aux genoux, aux cuisses, aux fesses et surtout dans le dos. La chaleur est élevée, je zappe toutes les chansons trop dynamiques, je ne dépasse plus que des gens qui marchent, et encore, je les dépasse très lentement. Certains se remettent à courir, me dépassent, puis se remettent à marcher, je les redépasse lentement en trottinant, et ainsi de suite.

Les policiers continuent à arrêter les voitures aux carrefours pour nous laisser passer, parfois très lentement, j’entends des klaxons rageurs.

Km 39 – La longue marche

Un peu après le km 39, dans une petite rue vide, à côté de rails de tramway déserts, je me mets à marcher, contrairement à toutes mes promesses. Je n’en peux plus, je prends mon dernier gel au glucose. Au bout de cette rue, je suis dépassé par un petit groupe qui trotte. Un des leurs donne une petite claque d’encouragement sur l’épaule d’un marcheur devant moi, je prends cet encouragement pour moi et me remet à trotter en douleur. J’arrive sur une grande avenue, au loin je vois le ravitaillement du km 40. Je bois deux verres de boissons énergétiques, je mange un morceau de banane, j’arrive à courir encore quelques centaines de mètres, mais je commence à boiter.

Je continue en marchant, même comme ça j’ai mal. Arnaud me dépasse, il m’encourage, me dit quelque chose sur Matthieu que je ne comprends pas. J’alterne la marche et le trot, à ma montre cela fait 4h14 que je suis parti. A un moment, Matthieu me rejoint, il a une tache de sang au niveau du téton droit, mais il a l’air à peu près bien. Il me propose de recommencer à courir avec lui, je lui dis que je n’ai plus de jus, je le laisse partir. Quand il est à 100 mètres devant, je le rappelle, et je le rejoins en trottinant, et nous partons tous deux. Au bout de quelques centaines de mètres, je suis obligé de m’arrêter à nouveau, j’ai trop mal aux muscles intérieurs des cuisses, je lui dis de continuer, il me promet qu’il m’attendra à l’arrivée. 

Km 41 – espoir suprême, suprême pensée

Je passe le km 41, et je me dis que je dois quand même arriver en courant. Je repars pour une ultime fois. Les avenues sont vides, à part nous, pantins ivres de fatigue et de soleil. Quelques encouragements me font craquer émotionnellement plusieurs fois, je suis hypersensible, un sourire m’amène des larmes aux yeux, je me cache le visage plusieurs fois.

Soudain, un panneau bénéfique : « Dernier kilomètre ». Je le passe, puis je vois un tournant à droite. Je débouche dans une avenue à l’ombre, il y a des passants qui traversent, qui font leurs courses, qui se promènent en ayant à peine un regard de curiosité pour ces coureurs échevelés.

Au loin, très loin, une arche gonflable, une deuxième plus loin, et à l’autre bout du monde, l’arche de la ligne d’arrivée. Au-delà, des collines de forêt. J’ai cet effet que tous les marathoniens connaissent : quelle que soit la fatigue ou la douleur, on fait la dernière ligne droite avec nos restes d’élégance désespérée.

Quelques rangées de spectateurs m’applaudissent, m’acclament, je leur souris et leur adresse des signes de la main. Et je vois Jocelyne qui m’attend, derrière la ligne, et Matthieu, Arnaud, Christian…

Je tombe dans les bras de Jocelyne, ça y est j’ai fini, en 4h 44 minutes.

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