Love is all you need is love

Ce matin, sur FIP, ils passaient Love is all, et je me suis dit « ça sonne vraiment comme un tube des Beatles, période Sergent Pepper’s« . Sur FIP, les programmateurs adorent jouer aux correspondances baudelairiennes, et donc, comme s’ils avaient capté mes connexions neuronales de l’instant, ils ont passé All you need is love à la suite. Je me demandais si cette filiation était avouée par Roger Glover, compositeur de Love is all. Eh bien non, pas à première vue.
L’article de Wikipedia sur Love is all (en fait, sur l’album) fait 760 mots, contre 5 353 mots pour celui sur la seule chanson All you need is love. Justice est donc rendue aux Beatles. Mais les assonances sont tellement criantes (dit celui qui ne remarque la similitude que 40 ans après) que la filiation, ou en tout cas l’influence, est patente. All you need is love est sorti en 1967 et Love is all en 1974, alors pourquoi un tel décalage ?
Mes trois pensées du jour à ce sujet.
La première pensée, c’est que tout le monde à dû pomper allègrement le style des Beatles à l’époque, c’était un cataclysme planétaire pour la planète musicale. Pour survivre, il fallait les ignorer (mais comment faire ?), les combattre (mais cela imposait de trouver un contre-style, ce que les Rolling Stones ont bellement fait) ou bien les copier, ce qui était probablement la plus mauvaise idée à avoir. Et quand bien même un groupe ne souhaitait pas les copier, le sillon tracé était tellement profond et marquant que tous, sans s’en rendre compte, se sont beatlesés au passage. (J’ai conscience qu’on peut dire cela de plusieurs artistes. Mais les Beatles, c’est tout de même le premier Mondovision, 400 à 700 millions de téléspectateurs en même temps. Et c’était en 1967…)
Deuxième pensée : c’est toujours dur de rendre hommage, de faire « à la manière de ». Une manière de s’en sortir est de faire une reprises, des années après, en adaptant juste ce qu’il faut pour mettre sa touche personnelle. Et c’est là où l’on voit l’ego du repreneur (s’il met trop de sa touche personnelle, il ne respecte pas assez l’oeuvre initiale, alors tant qu’à faire, pourquoi ne pas composer directement un morceau original ?) et son savoir-faire (parce que la reprise ne peut pas être une copie conforme de la version studio originale, sinon, à quoi ça sert de faire une reprise, hein ?). Finalement, c’est probablement la démarche la plus dure : faire transparaître sa propre maîtrise dans la reprise du morceau d’un autre.
Quelques exemples que j’aime bien.
Hey Joe, de Jimi Hendrix, repris version mariachi par Willy Deville. Et il fallait oser s’attaquer, sans complexe, à ce morceau !
Du côté français, il fallait oser reprendre Otis Redding, Sitting on the dock of the bay, et j’ai toujours beaucoup aimé le travail de Bill Deraime (Assis sur le bord de la route) et son guitariste Mauro Serri (la version du 33 tours était encore plus proche de l’original, tout en revendiquant sa propre identité).
Et puis, pour boucler la boucle, encore plus fort que la reprise : composer un morceau à la manière de.
On l’a vu, Roger Glover a composé une chanson originale qui sonnait comme faite par les Beatles. Dans la même eau, Laurent Voulzy a composé deux chansons qui auraient pu être attribuées aux Beach Boys : le méconnu Cadillac Cruise et l’inoxydable Surfing Jack
Ce qui m’amène à ma troisième pensée.
C’est bête, mais je suis en train de me dire qu’en pédagogie, il y aurait de la place pour « apprendre à faire des copies (reprises) intelligentes ». En littérature, cela se pratique très souvent : David Lodge en parle – et l’expérimente – dans ses livres, notamment Pensées secrètes mais aussi La chute du British Museum. En peinture, en photographie, c’est un prérequis.
Alors pourquoi pas dans des matières de management ?

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7 réponses à Love is all you need is love

  1. mamzelle dit :

    las …on a beau modéliser , n’est pas carlos Ghosn qui veut …c’est
    avant tout une affaire de charisme et d’intelligence relationnelle
    "faire à la manière de " conduit le plus souvent à l’effet canada dry.
    de mùême que ce n’est pas parce qu’on est amateur de nespresso qu’on peut devenir ambassaduer de l’unesco.
    So, what else? 🙂

  2. mamz"elle dit :

    A lyon se tient en ce moment un salon des jeux vidéos
    "serious game "où l’on t’apprend , toi jeune postulant aux hautes fonctions de management à manager en jouant
    http://www.sgexpo.fr/
    c’est la société proximan qui en est à l’origine

    iseapsy.com/wp/
    mais comme diarit philippe nous vivons une époque formidable où le progrès fait rage…

  3. Docthib dit :

    Mmmm, je ne sais pas, j’ai rédigé ce thibillet au fil de la plume, et les idées sur la copie ou à la manière de méritent d’être développées. Pour moi, ce n’est pas copier-pour-se-cloner (parce que dans ce cas, rien ne vaut l’original), mais plutôt, copier-comme-première-étape-d’existence. Les peintres copient Michel-Ange, les photographes regardent les mises en scène des tableaux au Louvre pour s’en inspirer dans leur cadrage. Et les asiatiques apprennent par la copie : un bon artiste, selon eux, c’est quelqu’un qui sait bien copier.
    Je me demandais juste, sans en avoir la réponse, comment on pourrait transposer ces idées aux domaines de l’enseignement de la gestion. Mais ce dont je suis sûr, c’est que les serious games n’obéissent pas à ce schéma.

  4. Atchoum dit :

    C’est vrai, la filiation est patente. Je serais allé chercher sur Sgt Peppers "For the Benefit of Mr Kite" aussi, en plus d’All You need is Love. "Love is all" n’en reste pas moins un morceau fabuleux, et donc tout leur sera pardonné, ou plutôt il n’y a rien à pardonner du tout. Au fond, ce qui distingue une oeuvre "inspirée de" d’un vulgaire plagiat, c’est le talent !

    Surfing Jack, c’est un peu différent, il s’agit presque d’un hommage, non ? Les Beach Boys sont là dans Rockcollection et on retrouve le thème dans le lancinant "Ta Plage Beach Boy" (morceau très différent des chansons enjouées des Beach Boys, cela dit). On a l’impression qu’ils ont voulu se faire plaisir en créant une chanson "à la manière de". Pas comme Picasso quand il peignait "à la manière de", juste pour montrer qu’il savait faire ; non, juste pour s’amuser.

    Ce billet me fait penser à la reprise de JJ Cale par Cabrel dans son dernier album… le hasard veut (honte à moi) que j’aie écouté le morceau de Cabrel avant l’original. Un Francis qui n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il y a quelques années il avait repris "I’ve been loving you too long". Bref. Je découvre le JJ Cale, et là, révélation : le Francis a fait une reprise ! Eh bien, cela fait exactement le même effet qu’un columbage. Très agréable.

    Prévoir une extension à "Columbage" dans le dictionnaire des ubuntus.

    "Par ext. reconnaître un morceau de musique qu’on a déjà entendu, dans une autre version, et l’identifier comme étant l’original."

    Pour revenir à la question posée, à savoir copier intelligemment, j’ai l’impression que le secteur de la mode (en haute couture) fait cela très très bien, et depuis longtemps, tout en restant créatif… peut-être une piste ?

  5. Docthib dit :

    Encore une fois, beaucoup de choses dans ton commentaire, c’est un plaisir de te lire ! 🙂

    En fait, je parlais de « All you need is love » parce qu’il est passé juste après sur FIP, mais c’était en fait « Love is All a une couleur beatlesque ». Merci pour la référence à Mister Kite, je vais écouter cela attentivement…
    Pour les Beach Boys, oui, il y a Rockollection, et je constate que nous sommes d’accord : je n’avais pas cité « Ta plage beach boy » parce que j’adore la rythmique de cette chanson, mais elle n’est pas du tout conçue comme un titre des BB, c’est plus une référence intellectuelle.
    JJ Cale et Cabrel, haha, bravo pour cette reprise, que je connaissais pourtant, mais que j’avais oubliée. Bon, là, on ne peut pas forcément se parler, car tu découvres JJ Cale après Cabrel, alors que pour ma part, j’écoute JJ depuis, houla, 25 ans ?! Donc mon idée est : OK, joli travail de Cabrel, mais pour moi, il n’y a pas reconstruction inspirée, plutôt « adaptation » à la langue française. A réécouter, mais je ne suis pas convaincu.
    Tiens, je pense à plusieurs morceaux du « unplugged » de Clapton. « Nobody knows you when you’re down and out » me paraît être une bonne reprise, différente du standard, mais respectueuse. Et puis, dans le genre inversé de « à la manière de », il y a le genre « je me reprends moi-même en changeant les choses ». Et là, je dois avouer que la reprise unplugged du « Layla » est une superbe reprise… par son auteur initial, on n’est jamais si bien servi que par soi-même.
    Columbage, bien sûr, tu as raison ! Il faut que je reprenne le catalogue des Batanas et Ubuntus, j’ai même une idée… parmi 10 000 autres.
    Enfin, la copie : j’y réfléchis, je suis sûr qu’il y a des enseignements à tirer d’une démarche volontaire de copie…

  6. Christian dit :

    Roger Glover c’est un singleton non ?

  7. Docthib dit :

    Bien vu Christian ! C’est effectivement un singleton.

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