Lie to me, but be present

Je suis frustré par les personnages secondaires de la série Lie to me (je suis sûr que ce phénomène existe dans d’autres séries, mais je ne parle que de ce que je connais). Ce qui va me permettre de me livrer à une taxonomie foutraque, ça faisait longtemps.

La série américaine typique de nos jours contient des ingrédients savamment mixés, que je vous livre :

  1. Une problématique existentielle, un mac guffin, un truc quoi. Ce qu’un gars qui ne connaît pas le chef déco de Jean-Jacques Annaud appellerait « une idée originale de départ ». Genre : on raconterait l’histoire d’un serial killer qui tue des serial killers pour le Bien. Ou bien : y aurait un gars qui voudrait refaire un remake de « Un jour sans fin » mais sans Bill Murray ni Andie MacDowell, plutôt avec des attaques terroristes, de la torture et un héros qui ne se douche jamais en 24h.
  2. De la tension, du suspense, des renversements de situation. Genre « Bon sang, mais va-t-il se sortir de son 7ème test sous pression ? » ou encore « Greg, tu as prescrit des amphétamines et le patient est en train de voir des éléphants roses, tu t’es ENCORE (encore, encore, encore, encore…) planté dans ton diagnostic ».
  3. Des héros qui ont des fêlures, des gentils qui sont pas totalement gentils parce qu’on apprend par hasard qu’ils ont fait des actes méchants autrefois (mais c’était parce qu’ils étaient piégés, et depuis, alala, ils regrettent amèrement, hein) et des méchants qui sont serial killers mais finalement, ils aiment beaucoup leur soeur et l’artère fémorale de leur victime.
  4. Et, j’y viens enfin, des personnages secondaires qui rajoutent du corps à la sauce du risotto, des personnages secondaires certes, mais dont la vie affective, les tourments métaphysiques et les incertitudes ontologiques (ouais, carrément) nous permettent de respirer entre deux fusillades / perfusions / découpages à la scie sauteuse / mise en formol. Moi j’adore quand le personnage secondaire fait un bisou (qu’on attendait quand même depuis 2 saisons et demie) à un personnage principal ou à un personnage tertiaire, voire quaternaire. Mais pas quinquagénaire, car voici là où le bt va blesser :

Il y a ceux qui se croient au dessus des lois du genre, et qui ne vont pas respecter ces 4 articles de foi. Et pourtant, sans ces 4 cavaliers, pas de bonne série accro qui t’oblige à regarder les pubs pour savoir si Kiffeur Seuzeurland il gagne à la fin (et s’il prend une douche).
Et dans ces païens qui ne respectent pas les Saintes écritures, il y a ceux qui ne respectent pas le point 4. Ils ont donc des personnages secondaires ectoplasmiques, ou plutôt des Gnafrons.
Définissons le Gnafron, puisque personne n’a pris la peine de le faire de manière détaillée. Le Gnafron est un personnage qu’on fait apparaître et disparaître au gré des inspirations et des besoins du scénario. On a un temps mort, ou on a besoin de passer d’un intermède « stress-adrénaline » à un retour au calme ? Hop, on fait sortir le Gnafron comme un diable de sa boîte. (Je pense à Gnafron, parce que dans les pièces de Guignol, il y a souvent des pantomimes avec le bton, ,celui qui tient le bton apparaît, les enfants crient, le sinistre sire disparaît avant que Guignol ne se retourne, puis il réapparaît, les nenfants crient, et ainsi de suite, ad libenter, Commedia dell’Arte…)
Avantage du Gnafron : il bouche les trous, il comble, et il donne l’illusion du point 4.
Mais en fait, comme le Gnafron n’apparaît pas assez, il n’a pas d’épaisseur psychologique, ou, pour quelqu’un qui ne lit pas Télérama, « on ne sait pas grand chose de lui ». Donc on ne peut pas rêver, s’identifier, ou tout simplement se dire « Et comment réagirait Eli Locker dans cette situation ? » quand on est face à un rouleau de papier-toilette qui en est réduit au tube de carton.
Je me souviens de NYPD Blue. Les seconds rôles étaient présents, ils avaient de l’épaisseur, je me souviens encore du jeune flic chicano, on avait l’impression de l’avoir cotoyé depuis des années alors même qu’il était un rôle très tertiaire. Et l’imbuvable jeune con de procureur était très attachant quand on le découvrait en french lover d’une inspectrice de police mère célibataire. Par opposition, dans la saison 2 épidsode 9 de Lie to me, on a un aparté Eli Locker-Ria Torres qui fait dans le glamour, mais il ne suffit pas d’un aparté pour faire exister un personnage.
Soyons clair : pour moi, ces personnages n’existent pas encore. Il serait temps de s’y mettre, on est dans la saison 3, là.

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4 réponses à Lie to me, but be present

  1. ulysse dit :

    Hum c’est malheureusement une épidémie en ce moment je trouve.
    Dans NCIS Los Angeles, il y a le héros et la chef_a_tête_de_tortue, tous les autres ont autant d’intérêt que les répliques de Légolas dans le seigneur de anneaux (le film pas le livre).

    Même dans Mentalist, il a fallu attendre un bon moment avant que les scénaristes s’aperçoivent qu’avoir un blondinet blagueur était peut être un peu juste pour tenir plus de 3 ou 4 épisodes…

  2. Docthib dit :

    Aaaaah, super, merci Ulysse ! Il y a donc un peu d’universalité dans l’observation – un peu trop particulière – que je faisais. C’est en même temps rassurant et désolant. A la réflexion, dans Lie To Me, il n’y a que Cal Lightman qui existe, même sa Docteur en psycholinguistique d’associée joue désormais les potiches, ça m’énerve… On m’a dit que Lost, c’était autre chose, pourtant…

  3. ulysse dit :

    En fait je me disait que c’était le manque de vacances, le syndrome du vieux_con_c’était_mieux_avant et la surconsommation de séries qui me rendait plus exigeant.
    Et puis je me suis souvenu que je lisais depuis beaucoup plus longtemps et beaucoup plus que je ne regardais des séries.
    Et je suis toujours émerveillé par (certains) des livres que je lis donc le probléme ne doit pas venir de moi mais bien des séries.

    Dans le genre série à personnages secondaires avec une vrai personnalité, Scrubs est un très bon exemple.
    il y a le "héros" et 5 personnages secondaires avec une énorme personnalité. Il y a également au moins 4 personnages que l’on voit un peu moins mais qui sont également bien travaillés… C’est sur que lie to me à coté ça fait fadasse!

  4. Docthib dit :

    Merci pour le tuyau, Ulysse, maintenant que Noël approche, je saurai quoi commander au Papa Fnac !
    Cela dit, c’est frustrant, parce que je ne regarde pas des séries pour regarder des séries : le pitch de Lie to Me me plaisait énormément, et je ne suis pas sûr que d’autres séries m’accrocheront ainsi. Mais s’ils ne savent pas entretenir l’intérêt initial, ma foi, je testerai Lost et Scrubs…

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