Dark Knight last night

Je suis donc allé voir le dernier Batman. J’aime de plus en plus ce que fait Christopher Nolan, dont j’avais découvert Memento et son scénario extrêmement prenant.

Je vous livre quelques réflexions sur ce Batman :

  • Avant tout, ce film est une belle démonstration de ce que je pense, et que certains ont oublié : un bon film, c’est avant tout un très bon scénario. Les acteurs sont adulés, les réalisateurs sont invités pour parler de « leur » film, mais on ne voit jamais monter sur scène les scénaristes, toujours relégués au rang d’obscurs écrivaillons. On voit même des affiches avec le slogan « par les producteurs de … ». Misère, les producteurs, c’est ceux qui apportent le pognon, mon ami… Mais qui donne de l’épaisseur aux personnages ? Qui notamment rédige les dialogues ? Qui réalise le premier montage ? (qu’est-ce qu’un récit, sinon un montage ?) Qui établit les valeurs fondamentales qui seront celles du film ? (Noirceur, dualité, manipulation, ou comédie, légèreté, dérision…). Ceux qui font tout cela, ce sont les scénaristes. Ici, les deux frères Nolan.

Rentrons maintenant dans quelques idées sur le film, dont j’attribue le mérite aux scénaristes sus-cités.

  • C’est noir, c’est bien. La question de « qui est un héros », qui revient régulièrement, indique un doute salutaire : on est loin du super-héros genre Captain America, qui n’avait pas de doutes dans son slip à rayures. Il est vrai que Batman offrait un terreau fertile pour cette idée, mais il n’est pas le seul : dans Spiderman 3, le gentillet Peter Parker commence à se comporter comme un punk, brrr, Daredevil clamait « Je ne suis pas un méchant », il n’y a que Wolverine qui, lui, assume bien son rôle d’ours mal léché. Hier soir, Johann datait la vogue des films de super-héros à partir du 11 septembre 2001. Comme si l’Amérique voulait se remotiver par un fantasme, tout en l’affichant comme un fantasme (parce que les super-héros, ils existent pas, totor). Après discussion, on s’est rendus compte que les premiers films de super-héros étaient sortis avant : le premier Spiderman était en cours de montage le 11 septembre, et X-Men est sorti en 2000. Mais là où Johann touchait du doigt une vérité, c’est dans le fait que depuis le 11 septembre 2001, les super-héros ont des doutes, voire ils ne sont pas si super que ça (quand Peter Parker a collé une beigne à Mary Jane, j’en ai eu mon Pacemaker qui s’est affolé…)
  • Un héros / un personnage principal ne vaut que par les ennemis qu’il affronte. En cela, le Joker, dans ce film-là, est un superbe faire-valoir / repoussoir / miroir de Batman. Les effets de symétrie entre les deux monstres (freaks) sont très bien amenés, on est beaucoup plus proche de la subtilité d’un effet de miroirs à la Borgès plutôt que du manichéisme Blanc-Noir Pile-Face Yin-Yang habituel dans ce genre de production. Le Joker remercie Batman d’exister, mais le héros devrait aussi remercier ce génie chaotique et foutraque qui permet de donner du relief à l’armure en Kevlar de Bruce Wayne.
  • Nous étions trois, et nous avons tous les trois repéré très vite le Dilemme du Prisonnier qui apparaît à un moment. C’est déjà bien d’avoir mis ce genre de subtilité machiavélique – et sociologique – dans ce genre de scénario. Mais à la réflexion, il y a plusieurs moments du film qui reposent sur des choix de ce type. Des moments où un méchant fouteur de merde donne du pouvoir à la foule, en lui disant « soit tu immoles telle personne, soit je vais faire pire, sur plus grande ampleur ». Et ça, ce sont les bases de la manipulation et de la terreur. Forcer des gens « normaux » à faire des choix de meurtriers, pour éviter des catastrophes plus grandes encore. Qui ne serait pas ébranlé (au minimum) voire anéanti par ce genre de choix à faire ? Et je trouve que ce film montre bien l’horreur de ce que peut être une foule de gens « normaux » s’il n’y a pas quelques Justes dans cette foule qui lui rappellent certaines valeurs humaines fondamentales. Heureusement, il y a plusieurs Justes, mais le frisson passe tout de même, on se dit « Et si cet inconnu providentiel n’avait pas agi / parlé ? ». La pire manipulation du Diable, c’est de nous faire croire qu’il existe.
  • Une réflexion que nous avons aussi bien appréciée (ce thibillet est grandement issu de nos discussions d’après film, merci Julien et Johann), c’est la réflexion sur le chaos. Quand il y a des règles, nous pleurons, car ces règles vont à l’encontre de notre liberté, certains essaient même de les contourner, mais le pire, c’est quand il n’y a plus aucune règle, plus aucune valeur morale, parce qu’on ne peut plus se raccrocher à rien. Notamment, on ne peut jamais prévoir comment va réagir une personne qui ne suit aucun schéma mental, et ça la rend mille fois plus dangereuse, puisque l’on ne peut pas prévoir, donc anticiper, se préparer. C’est pour ça que j’ai peur des agressions de drogués ou des attaques de pitbulls : quand tu es face à quelque chose que tu ne peux pas raisonner, il ne reste plus que de la sauvagerie.
  • Enfin, c’est plus anecdotique, mais j’ai bien apprécié le fait que les effets spéciaux n’en faisaient pas trop. On était loin des débauches pyrotechniques, qui conduisent toujours à une indigestion visuelle. Là, quand un effet arrivait, il était apprécié à sa juste valeur. Notamment, la capture du Chinois est un beau moment.

Il reste quelques points d’information que je livre à Johann et Julien :

  • En sus des films cités ici, Christopher Nolan a aussi fait Insomnia, avec Al Pacino, Robin Williams et la fille de Million Dollar Baby, là, vous voyez… Personnellement, j’ai trouvé que c’était un film moins marquant.
  • Il y a en effet eu 4 Batman avant Batman begins : les deux premiers par Tim Burton, puis les deux suivants qui ont été moins bien reçus. Un peu d’info ici.
  • Batman 3 est prévu pour 2010.
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