Magnolia Express – 3ème Partie – # 25

Et ta peine sera lavée dans les eaux d’un fleuve boueux
 
La route du retour était toute longiligne, Eileen menait le vaisseau sereinement (comme elle avait mené les courses sereinement, me laissant le rôle du porteur) et le vent transformait ses cheveux en drapeau, en étoffe ondulante, illustrant sa liberté d’aventurière qui ne se laisse peigner par personne, sinon par le vent issu des montagnes rocheuses. Le soleil était haut dans le ciel, la route tremblotait sous la chaleur, Eileen me parlait sans que j’entende rien, le vent du large me sifflait aux oreilles, entrait dans l’habitacle, tourbillonnait, bourdonnait et Eileen chantonnait et je n’entendais rien, sinon le sifflement soutenu du vent dans mes oreilles.
Le vent qui me prouvait que nous étions en mouvement, petite tache jaune qui filait sur une route toute droite. Vivants quoi.
 
Nous arrivmes, Eileen gara le taxi, l’air retombait autour de nous, le silence probablement aussi, mais je n’entendais rien, simplement « Pschhhhhh » dans mes oreilles, j’avais encore du vent sous lecrâne et il cherchait la sortie, chuintait comme du satin qui glisse ou comme une assemblée d’abeilles en train de prier.
Aline venait vers nous, vers moi, elle parlait, je n’entendais rien, je voyais juste son visage, j’essayais de deviner si elle était soucieuse, rieuse, anxieuse, lucide, calme, chagrinée, légère. Elle leva les sourcils, comprit que je n’avais rien entendu, et recommença à parler, toujours avec cet air indéfinissable :

– (Pschhhhh)
– Je n’entends point, dis-je (pourtant, j’entendais bien ma voix. Mais de l’intérieur, par résonance intime). Et pour accompagner mon propos, je montrai mon oreille.
– (Pschhhhh) …ou… (Pschhhhh) …rouana… (Pschhhhh)
– Hein, comment, quoi ? disais-je distraitement, tout en sortant la machine à écrire du taxi (ne sachant où la mettre, je l’avais emportée pour faire les courses).
– Nous n’irons pas à Tijuana, dit Aline.

Fin de la troisième partie.

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Roman, publié progressivement, sous un contrat Creative Commons. Et aussi sous licence Touchatougiciel.

Le roman, dans l’ordre, est
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