Les mots oubliés

Certaines images littéraires abondent dans les romans, même si nous n’en vivons plus la réalité.
Exemple, sinon on va s’endormir.
L’autre jour, en courant le long de la Seine en début de soirée, je constatais que le fleuve « ressemblait à du plomb fondu », gris et brillant sous le soleil déclinant. J’appliquai automatiquement cette image littéraire, sachant que par ailleurs, je n’ai jamais vu de ma vie à quoi ressemble du plomb fondu.
Il y a comme cela des mots correspondant à des sensations oubliées, voire jamais vécues, que certains écrivains reprennent. Pour ma part, je ne sais pas ce que c’est que « du vif-argent », mais je sais que si je dois décrire des poissons nageant dans un torrent, ou se débattant dans un filet, j’utiliserai le terme vif-argent. (Evidemment, je suis tout de suite allé vérifier : vif argent est le nom qu’utilisent les alchimistes pour parler du mercure. C’est bien la peine.) Et l’étain ? Bon, je suis plus tout jeune, j’en ai vu, de l’étain, mais qui se souvient encore de la mousse caca qui se déposait sur le bord des plages, paraît-il à cause des hydrocarbures ?
« Des nuages couleur de suie », « un teint de porcelaine », « des yeux comme des billes », « jouer à saute-mouton ». Et comment explique-t-on aujourd’hui la vitesse angulaire au collège, maintenant qu’on n’a plus de 33 tours ? Je me demande juste par quoi vont être remplacés ces mots/sensations oubliés.

« Le ciel avait pris la teinte d’un billet électronique »
« Son regard évoquait un bouton transparent sous Aqua (Mac Os X) »
« Elle portait une jupe couleur petit-pois-décongelés-au-micro-ondes »

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0 réponse à Les mots oubliés

  1. Christian dit :

    Tu fais une fixette sur le mercure ou quoi ?
    Pour ce qui est de la vitesse angulaire, va falloir expliquer plus lentement, mais on peut encore avec les CD. Là où ça va devenir cotton c’est quand ils auront disparu au profit des mémoires flash…

    Pour ce qui est de la profondeur de ton raisonnement, je suis d’accord avec toi et avec la poésie des mots.
    Cependant est-ce que le temps ne vient pas à bout de tout ? cf. Mythologies de Barthes non ?

  2. Docthib dit :

    Hello Christian, c’est vrai que j’ai pensé à toi en me disant "bon sang, il y a aussi du vif argent dans les thermomètres" 😉
    Pour la vitesse angulaire, j’attendais l’argument "les roues de voitures, mon bon monsieur" pour répondre "disparues au profit des véhicules à coussins d’air (cf. Minority Report)." Mon auditorat est fatigué (ce qui nous met sur le même pied d’égalité).
    Le temps vient à bout de tout, et le langage évolue. Qui se souvient encore que "glauque" signifiait "verdtre" ?
    "Ma chérie, votre oeil est d’un beau glauque", ça claque, non ?

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