Livre (re) lu – Erri De Luca : Montedidio

J’en ai déjà donné une citation, et en plus c’est un livre que je relis, alors que j’ai 4 livres lus à commenter, mais Montedidio, d’Erri De Luca (Gallimard, 2002, 208 p.) est une merveille.
L’auteur est étonnant : c’est un manuel, un ouvrier, qui a tour à tour été jardinier (son premier roman connu, Trois chevaux, contient probablement une part autobiographique), chauffeur routier, menuisier. Par ailleurs, c’est un homme profond, très sensible, qui rabote doucement ses phrases pour leur donner un poli intemporel. On n’est pas loin de la Bible. On n’en est tellement pas loin qu’il passe son temps (dans d’autres livres) à commenter des textes en hébreu ancien, langue qu’il apprend doucement, avec humilité et ténacité. C’est donc un homme étonnant, exceptionnel.
Montedidio, c’est un faubourg de Naples vu par les yeux d’un enfant qui devient un homme en 200 pages. Par les yeux, et l’écriture de l’enfant, on voit tout un monde, une famille, un immeuble, un quartier, une langue (l’italien) et un dialecte (le napolitain).

A midi, je m’aperçois qu’une plume est tombée sous la caisse de Rafaniello, je la ramasse, elle est légère, dans ma paume je ne la sens pas. Don Rafaniè, celle-là, je la « tiens » en souvenir de vous. « Tu as raison de dire tenir au lieu de garder. Garder est présomptueux, en revanche tenir sait bien qu’aujourd’hui il tient et demain qui sait s’il tiendra encore. Tiens la plume en souvenir ».
Erri De Luca, Montedidio, Gallimard, 2002, p. 125.

Cette citation m’a fait penser à une citation de Rainer Maria Rilke. Si j’en ai le courage, je vous posterai une nouvelle autobiographique sur ce sujet.

Correspondances : j’avais déjà établi une correspondance avec Gustav Meyrink, il y a aussi du Jean Giono dans cet écrivain, ce côté poète ouvrier qui rend sa noblesse à l’ouvrier (encore mieux, l’artisan), le Giono glaiseux, pre, face au vent, qui réserve ses mots pour mieux les cristalliser.

Et peut-être le plus beau compliment que je puisse faire à un écrivain : quand j’ai envie de me laver de ma journée, je lis du Erri De Luca.

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0 réponse à Livre (re) lu – Erri De Luca : Montedidio

  1. Lili l'a lu... dit :

    La première fois que j’ai lu ce livre , je crois que j’ai pleuré à chaque page…mais bon j’suis une fille…hein

    et puisque c’est l’heure…

    "Je me réveille, elle, elle est déjà à la cuisine, elle a fait bouillir l’eau et la verse sur le filtre à café. Chez elle, on se sert de la cafetière moka qui fait sortir le café par en haut. Moi je l’ai toujours vu descendre, le café, dis-je, s’il monte, il arrive fatigué. Maria rit, tu as de l’esprit, dit-elle."

    Et pour vous,noir et sans sucre?:-)

  2. joséphine dit :

    j’ai adoré ce bouquin, il est dans ma liste de meilleurs – je viens de le prêter d’ailleurs
    j’ai du mal en revanche avec Le contraire de un.. pas vraiment accroché aux premières pages et du coup il est en souffrance dans un ptit coin..

  3. Docthib dit :

    @ Lili l’a lu loula leeloo : noir et sans sucre. Ce qui m’empêche régulièrement de ressortir le proverbe polonais cité dans la BD culte <em>Watchmen – Les Gardiens</em> : "Noir comme le diable, et doux comme un baiser volé".

    @ Joséphine : je l’avais beaucoup aimé aussi. ça commence par la randonnée d’alpinisme, non ? Bref, de goûts et de couleurs…

  4. joséphine dit :

    Je vais donc le reprendre, tiens

  5. sergio dit :

    j’ai rencontre une fois erri de luca chez actes sud a arles.On a parle maçonnerie,c’est une occupation comme une autre qui me permet de subvenir a mes petits besoins.Il a voulu me faire un petit cadeau.Il m’a achete un de ses livres devant le li braire etonne"vous n’allez pas acheter un de vos livres"…."un cadeau ça s’achete" qu’il lui a repondu…un grand monsieur,j’ai encore la rugosite de sa main dans la mienne et la profondeur de son regard plonge dans le mien.

  6. Docthib dit :

    Superbe histoire, Sergio. C’est vraiment une bonne chose quand un auteur correspond vraiment à l’idée qu’on s’en faisait. Je crois que c’est rare…

  7. Claudio dit :

    Je range ce bouquin parmi ceux qui font du bien à lire mais qui ne laissent pas de traces durables. Il ne m’a pas "bousculé" ou "changé", donc il jouera toujours en deuxième division.
    Par ailleurs, il y a pas mal d’années que cette mode de la valorisation du travail manuel, de l’artisanat ou du terroir (comme si cela avait été oublié) m’agace un peu.
    Mais ce n’est que mon avis.

  8. Docthib dit :

    C’est intéressant, Claudio, je ne peux pas dire que j’adhère à 100%, mais je ne suis pas contre non plus. Je sais qu’Erri De Luca ferait partie de la liste des (rares) écrivains dont j’emporterais les livres sur une île déserte – et dieu sait si je lis. Je ne sais pas si tu as lu d’autres livres d’Erri De Luca, mais ce côté « travail manuel » n’apparaît pas systématiquement, ce ne serait pas comme cela que je résumerais ce qu’il m’apporte. Et pour revenir à un autre de mes thèmes actuels, un ENFP a une Si en Inférieure, je croyais que l’Inférieur était une fonction « inactivable », mais en fait, c’est une fonction qui se travaille. Et Erri De Luca me donne (à moi ENFP) probablement une appréhension « sensorielle » qui me parle, m’aide et me rééquilibre.

  9. Claudio dit :

    Belle réponse.
    Non je n’ai pas lu d’autres livres de cet auteur. Mais son univers me parle assez vu mes origines sud-italiennes.
    Rien à voir : ce matin pendant mon heure de jogging j’ai pensé que la France était ESFP 😉

  10. mamzelle dit :

    euh Doc…je voulais vous signaler une belle interview du même erri
    de luca dans le magazine (très improbable pour un auteur
    de sa profondeur ) Vogue international d’octobre consacré
    aux hommes et leurs rides…ou encore le bel entretien à écouter
    http://www.franceculture.com/pla...
    A vous lire je me sens débarquée d’un autre temps "un ENFP a une Si en Inférieure, je croyais que l’Inférieur était une fonction "inactivable",
    euh vous pouvez traduire?

  11. Docthib dit :

    Génial, ça me permettra d’entendre enfin sa voix ! (j’espère que je ne serai pas déçu, qu’il n’a pas la voix de Claude Piéplu ou Robert Dalban…) Pour la Si en inférieure, je vous le fais résumé : j’ai publié un Thibillet sur le test MBTI. Ce test parle des types de personnalités, et comment ces personnalités évoluent dans le temps. Suivant votre Type (ou le mien), ce ne sont pas les mêmes fonctions qui sont activées, et pas aux mêmes moments dans la vie. Par exemple, une personne donnée « fonctionnera » bien dans ses relations avec les autres (fonction Fe), et en utilisant son intuition pour se créer sa compréhension du monde (fonction Ni) : ce sont deux fonctions (parmi tant d’autres) qu’elle aura développées respectivement avant l’adolescence (la dominante) et avant l’âge adulte (l’auxiliaire). Puis, au milieu de sa vie (grosso modo), elle activera sa fonction tertiaire, qui la conduira à des choix d’existence plus sensoriels, orientés vers le monde qui l’entoure et les plaisirs qu’il recèle (fonction Se, ici). Enfin, il reste l’Inférieure, fonction qui – je croyais – n’était jamais activée. En fait, si, on peut la travailler. En résumé du résumé : un mauvais équilibre dans notre manière de fonctionner (emprise de la dominante, irruption de l’inférieure) conduit à des conflits et, pire que ça, une perte d’identité ; un bon équilibre permet de profiter de ses forces (chacun a des dons particuliers) et de limiter ses faiblesses. Je ne sais pas si un praticien certifié MBTI serait d’accord avec cette présentation, mais c’est le plus simple que je pouvais faire, en improvisation. Pour la suite, ma foi, si ça vous intéresse, il y a wikipedia 😉

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