Chronologie

Ce matin, pluie lourde et grasse
Et puis matinée dans la touffeur.
Midi arrosé, sans une goutte de pluie.
Dans l’après-midi, entre l’obscurité chaude de deux stations de métro,
Une flaque de soleil en surface,
Avant un nouvel engloutissement dans le boyau.
Ce soir, soleil voilé et barbecue sur le bitume.
Population de tous ges. Ambiance de partage.

Bagarre de jeunes, un est à terre, tous tapent sur lui,
A coups de pieds dans la tête.
Il saigne, son arcade sourcilière a doublé, il titube.
Nous sommes là, j’entends la pauvre voix d’une pauvre femme,
qui n’a rien compris « arrêtez, je vous en supplie », au milieu de la mêlée.
C’est la guerre, ils n’ont plus de limites,
et nous, avec nos cheveux gris, avec nos dérisoires « calmez-vous ».
Il saigne, il crache du sang.
Le cinéma travestit la réalité, ça ne se passe pas comme sur la pellicule,
C’est à vomir, en vrai.
La police arrive, on reprend nos verres,
Des femmes lui apportent des glaçons
Tandis que certains refont le match de cette bagarre.
Et le barbecue continue,
Avec un peu moins de chaleur, un peu plus de comblement.

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0 réponse à Chronologie

  1. Yann dit :

    "Le cinéma travestit la réalité, ça ne se passe pas comme sur la pellicule,
    C’est à vomir, en vrai."
    Tellement vrai.
    Le texte est superbe.

  2. Docthib dit :

    Bonjour Yann. Je ne cherchais pas vraiment à faire un texte superbe, car la réalité était (est) hideuse. J’avais commencé un caillou dans la journée, en me disant « on verra comment la journée se termine. » J’ai vu.

  3. Yann dit :

    J’aime d’autant le texte du fait de sa retenue.
    Il aurait pu être écrit avec un réalisme trash et voyeur de bon aloi (une idée de post pour tarta) et aurait eu moins d’impact.

  4. le plus dur est peut-être d’arriver à poser des mots, calmement, alors que l’événement, et donc le souvenir que tu en conserves, sont d’une violence inouïe.
    Le plus dur est d’arriver à décrire la violence humaine dans toute sa laideur.

  5. L'obèse ascète dit :

    "Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger"
    Pascal, Les Pensées, IX, 593

  6. Docthib dit :

    @ L’obèse ascète : bon, c’est frustrant, j’ai deux exemplaires des Pensées, et je ne retrouve cette pensée dans aucun des deux. j’ai un billet en préparation sur les dictionnaires et les éditions. Il m’a fallu Internet pour en comprendre le contexte : Pascal semble dire « je ne crois qu’aux histoires dont les témoins sont suffisamment certains d’eux-mêmes, et de leurs convictions, pour être prêts à être égorgés si on leur prouve qu’ils ont menti ». Je trouve la métaphore guerrière. Par ailleurs, (et cela fera l’objet d’un autre billet, peut-être) notre perception toute personnelle, notre rationnalité limitée, nous conduisent à interpréter différemment les mêmes situations, quand bien même nous aurions tous été présents (c’est ce que j’ai vécu notamment ce fameux soir : personne n’avait l’histoire entière, et les conjectures se mélangeaient avec les faits).

  7. marc dit :

    J’aime bien le commentaire, même si ce n’est pas du tout comme cela que je comprend la phrase: pour moi, il s’agit effectivement d’une métaphore guerrière. Cependant, elle signifie plutôt que lorsque les rois triomphants ont massacré leurs opposants, personne n’est là pour rétablir la réalité des faits. Seuls les vainqueurs écrivent l’histoire. Les vaincus ne sont plus là pour l’écrire à leur manière. A nous de la reconstituer avec les quelques moyens qui nous restent, si nous le pouvons, si nous le voulons. Mais est-ce encore possible?

    QUant aux références, il y a bien une des éditions qui classe cette phrase dans la pensée 593 (édition Lafuma). L’autre la place dans la pensée n° 822 de la série XXX (Edition Brunschvicg). J’espère que cela pourra aider.

    Pour information, voici page 605 de mon édition le texte complet de la pensée 822/593.

    "Histoire de la chine.
    Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger.
    (Lequel est le plus croyable des deux, Moïse ou la Chine ?)
    Il n’est pas question de voir cela en gros : je vous dis qu’il y a de quoi aveugler et de quoi éclaircir. Par ce mot seul je ruine tous vos raisonnements ; mais la chine obscurcit, dires-vous. Et je réponds : la chine obscurcit, mais il y a clarté à trouver. Cherchez-là.
    Ainsi tout ce que vous dites fait à un des desseins et rien contre l’autre. Ainsi cela sert et ne nuit pas. Il faut donc voir cela en détail. Il faut mettre papiers sur la table."

  8. Docthib dit :

    Merci pour cette référence, Marc !
    Je me méfie souvent des références htives, encore plus sur Internet, comme je l’avais montré récemment. Ma protagoniste avait bellement répondu sur le même ton. C’est dire si votre référence précise tombe à point.
    A l’époque, j’avais encore une autre interprétation, que votre remarque fait surgir à nouveau : dans L’honneur d’un capitaine, de P. Schoendoerffer, le Capitaine Caron dit « il faut toujours laisser un survivant, pour qu’il raconte l’histoire dans les djebels » (je cite de mémoire). Mais à la réflexion : ce n’est pas parce qu’il y a un témoin direct de l’événement que l’on peut être assuré de la véracité de son histoire. Notamment dans une époque de sur-médiatisation des témoins et des micro-trottoirs 😉
    Pour conclure : « je ne crois que les histoires dont [tous les témoins auraient été] égorgés », c’est une contradiction parfaite. « Je ne crois que les histoires inventées » aurait été plus rapide.

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