Je ne suis plus un Fesse-Bouc (II)

Après une première tentative il y a un ou deux ans, j’y retourne définitivement : j’ai supprimé mon compte Facebook.
Je réponds ainsi à l’appel du 31 mai, et je supprime mes données perso, mes photos et surtout, les inférences statistiques que des marketeux de bas-étage veulent en tirer pour m’utiliser comme vache-à-lait, ou plutôt, prospect consentant à son corps défendant.
Le slogan historique de Thunderbird était Reclaim your Inbox, je paraphrase : Reclaim your privacy.
Et j’attends avec impatience Diaspora. D’ici là, je devrais arriver à survivre sans réseau social…

Et pour ceux qui veulent une information agrégée, l’excellent Tristan Nitot nous donne un résumé (parmi tant d’autres) des critiques adressées à Facebook ici.

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Eric Clapton et Steve Winwood en concert – Palais Omnisport de Bercy

J’ai vu deux fois Eric Clapton en concert dans ma vie.
La première fois, c’était au Palais Omnisport de Bercy, en 1989 ou 90, et compte-tenu de mon éloignement dans les gradins, Clapton était une silhouette en blanc qui faisait 5 mm de haut dans le lointain.
La deuxième fois, c’était au Palais Omnisport de Bercy, hier soir. Et là, Clapton avait une taille normale, puisque que j’étais au maximum à 50 mètres de la scène.
Hier soir, j’ai retrouvé le plaisir que j’avais eu à aller voir Stephen Stills ou Suzanne Vega : un concert, c’est comme un marathon, il y a l’avant, puis le pendant, avec de multiples étapes, et l’après.
Clapton et moi, c’est une longue histoire. Ce n’est pas le premier guitariste que j’aie découvert : il y a eu les Beatles, puis Neil Young, et j’avais eu encore plus tôt les sonorités de Tony Joe White par l’entremise de Joe Dassin. Mais c’est à coup sûr le guitariste que je suis le plus fidèlement, et depuis le plus longtemps, avec JJ Cale. Pour ne pas répéter ici tout ce que je pense de Clapton, je vous renvoie à mon thibillet sur son autobiographie.
Hier soir, c’était un duo : Eric Clapton – Steve Winwood, ressuscitant la belle époque des albums Blind Faith et Timepieces (live in the 70’s). J’ai adoré ce saut dans le temps, puisque le parti pris était de se remettre dans l’époque : tubes de l’un des deux guitaristes, ou reprises (JJ Cale, Jimi Hendrix). Je copie ci-dessous la liste des titres joués à Wembley quelques jours auparavant : à quelques exceptions près, c’est le même set qui a été joué.
 
         1. Had to Cry Today (Blind Faith)
         2. Low Down (J.J. Cale)
         3. After Midnight (J.J. Cale)
         4. Presence of the Lord (Blind Faith)
         5. The Shape I’m In (The Band)
         6. Glad (Traffic)
         7. Well All Right (Blind Faith)
         8. Tuff Luck Blues (Big Maceo)
         9. Pearly Queen (Traffic)
        10. Forever Man – non joué, remplacé par Gimme Some Lovin’ (version genre Blues Brothers)
        11. Midland Maniac
        12. Going Down (Freddie King)
        13. Georgia On My Mind (Hoagy Carmichael and His Orchestra)
        14. Driftin’ Blues (Johnny Moore’s Three Blazers) – version acoustique
        15. How Long (Leroy Carr) – version acoustique
        16. Layla (Derek and the Dominos) – version acoustique façon Unplugged
        17. Can’t Find My Way Home (Blind Faith)
        18. Split Decision
        19. Voodoo Chile (Jimi Hendrix)
        20. Cocaine (J.J. Cale)
Bis :
        21. Dear Mr. Fantasy (Traffic)

Mes quelques commentaires :

  • Certes, on peut toujours regretter l’absence de tel titre ou tel autre, mais l’ensemble m’a semblé très bien équilibré : Steve Winwood et Eric Clapton ont chanté autant de chansons l’un que l’autre, il y a eu des versions acoustiques au milieu du concert (dont un Driftin’ Blues, très épuré, superbe de technique et de simplicité en même temps), et la formation était presque intimiste : une batterie, une basse, un clavier, et Steve Winwood alternant entre guitares (électriques / acoustique) et piano. Et Clapton aux guitares (électriques / acoustique).
  • Les morceaux étaient très écrits, équilibrés, et on sentait la machine rodée : intro, couplet, refrain, solo 1, couplet, refrain, solo 2, refrain… Idem pour la durée du concert : 2h30, rappel compris, et une logique à l’américaine : un seul rappel, et quelle que soit la clameur de la salle, c’est plié, les musiciens ne reviendront pas. Je trouve cela carré et sans surprise, certains pourront trouver cela un peu trop mécanique…
  • Le parti pris « années 70 » m’a pleinement satisfait : cela m’a permis de découvrir des morceaux d’autres groupes, et cela faisait un tout cohérent. Mais j’imagine que pour une personne qui ne venait que pour Clapton, cela peut sembler court. J’ai entendu plusieurs personnes qui se demandaient qui était ce Steve Winwood et s’il faisait la première partie de Clapton…
  • Dans les morceaux que j’ai particulièrement apprécié, il y a eu les 3 JJ Cale, chantés plutôt comme JJ Cale les chante (influence sur Clapton de l’album récent qu’ils ont fait ensemble ?), Presence of the lord (avec sa transition qui a surpris beaucoup d’auditeurs, qui croyaient que le morceau était fini), Driftin’ Blues qui a représenté pour moi le sommet acoustique de ce concert. Puis il y a eu Layla version acoustique, avec son intro qui a enflammé la salle, ce balancement rythmique presque joyeux qui accompagne la chanson. Can’t find my way home, joué exactement dans l’esprit de l’album Timepieces, une superbe balade existentialiste. Et Voodoo Chile. Ah, ce Voodoo Chile ! Hypnotique. Lent. Habité. Un vrai grand hommage à Jimi Hendrix, avec la salle qui retenait sa respiration pendant ce long morceau, un superbe moment de guitare, avec plusieurs solos qui me font attendre avec impatience la sortie du CD de la tournée. Cocaine, évidemment, avec un solo de clavier très original (montée de tout le clavier à toute vitesse). Et enfin, un rappel avec Mr Fantasy, dont je ne connaissais que la version de Crosby Stills and Nash. Une belle manière de terminer, sur le thème du divertissement au sens étymologique du terme 🙂

Sinon, sur l’ambiance :

  • Un gars s’est évanoui (on crevait de chaud), donc nous avons été quelques uns à jouer aux pompiers (intervention extrêmement rapide des secours).
  • La salle se prête bien à ce genre de concert, même si la température de la fosse était étouffante. Mais c’était le prix à payer pour être proche.
  • C’est un lieu public, donc il est interdit de fumer, ça explique peut-être pourquoi, dans la fosse, beaucoup de personnes fumaient autre chose que du tabac…
  • Les bouchons d’oreille, que je testais pour la première fois, c’est génial : on entend tout, parfaitement, mais sans le côté blessant des décibels. Je trouve que l’écoute y gagne en sensibilité, on est presque recueilli (par moments je fermais les yeux, mettez-ça sur le compte des volutes de « tabac » autour de
    moi).
  • En revanche, je ne comprends les personnes, nombreuses, qui filment à bout de bras, avec leur appareil-photo ou leur portable (et tant pis pour ceux qui sont derrière). J’en avais un specimen grtiné, qui filmait les écrans géants. Ce qui fait que pendant la majorité du concert, il a regardé son écran d’appareil qui filmait un écran géant, il était donc de profil par rapport aux vrais guitaristes du monde réel… Bizarre…

Pour conclure : un concert qui me donne envie de me procurer quelques albums de Steve Winwood, et d’approfondir ma connaissance de Jimi Hendrix. Et d’acheter quelques albums live du dieu Clapton (je pensais notamment à One more car, one more rider, sur lequel je louche depuis quelque temps et Oh, surprise, le concert que je viens de voir a déjà son album (Live from Madison Square garden).
Allez, j’attends juste que mon salaire couvre mon découvert, et je claque !

PS : grâce à Vleb, j’ai pu récupérer la liste des morceaux (photo ci-dessus, (c) RockerParis) sur le site RockerParis (ils couvrent le concert ici).

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Pensées avec un tavernier

Ce matin, entre deux trucs faits à la va-vite et quelques urgences dans la tête, je tombe par hasard sur ce passage :

La dramaturgie européenne reste la dramaturgie du doute, le montage y est moins bouclé, moins affirmatif, comme si on laissait des points de suspension […]
(Télérama n°3148, 12 mai 2010, p. 29, interview de Bertrand Tavernier)

Voilà une analogie avec la recherche (en finance), ou avec les manuels (de finance). L’approche américaine est quand résolument sans aucun doute affiché : « j’ai une théorie, j’y crois à mort, je la défends jusqu’au bout ». Pareil dans les manuels, que ce soit en finance ou en efficacité personnelle, il n’y a pas de place pour la mesure si l’on veut un discours efficace. Mais veut-on un discours efficace ?

[…] alors qu’aux Etats-Unis le nombre de plans par film a quadruplé depuis les années 60. Les producteurs ont peur que le public, majoritairement jeune, décroche si le film n’est pas surdécoupé.
(Télérama n°3148, 12 mai 2010, p. 29, interview de Bertrand Tavernier)

On revient au zapping. Analogie avec l’enseignement. Je vois un enseignement qui – bon gré ou mal gré – a évolué vers une industrialisation à la PowerPoint, une slide, 3 minutes, et on zappe. La limite devient ténue avec l’entertainment, il faut captiver l’auditoire, c’est du Tex Avery. Et s’il y avait une voie alternative, celle qui va prendre le temps de placer des points de suspension, du doute ? Alors que certaines écoles vont vers l’industrialisation de leurs cours, je pense qu’il y a une voie vers l’expérimentation hasardeuse en pédagogie. Faire autre chose, quitte à se planter, mais par pitié, faire autre chose.

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Batana – Pénéloper

Pénéloper : v.i. Se réveiller d’un mauvais rêve, et se rendormir en reprenant le fil du mauvais rêve.
Ousse-pénéloper : pénéloper plusieurs fois, voire toute la nuit, comme dans un film de David Lynch.
Par extension : constater que chaque année au boulot, à la même période, on se retrouve dans le même état d’esprit.

Rappel : tant que je ne me serai pas attelé à une liste définitive, voire un robot-expert-extracteur de tracas ordinaires, une liste incomplète des batanas (et ubuntus) est là.

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Caillou – Phenix


Morceaux de jarre cassée
Dans la mousse grise
Les oisillons sont partis.

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Caillou – Retour du printemps


Ils sont à nouveau là
J’entends souvent « piii piii »
Hâte-toi, petite mésange
Tes oisillons ont faim.

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Dieu soit Loué

A propos de la virtualisation des loisirs, et de là, notre relation au monde physique (actifs, patrimoine).

Les photos étaient argentiques, elles étaient rangées dans albums. Elles sont devenues numériques, elle sont rangées sur des disques durs, et rarement développées / imprimées. Les CDs de musiques physiques sont remplacés par des pistes MP3 dans nos baladeurs numériques ou sur nos disques durs. En bref, des actifs physiques sont remplacés par des fichiers. Je pense que nous passons de dépenses d’investissement à des dépenses courantes.

  • En effet, un investissement nous donne le plus souvent la propriété d’un actif physique (j’achète un CD, une pellicule argentique)*. La notion d’investissement est donc liée à celle de patrimoine durable. Par opposition, la tendance des dernières années va plutôt dans le sens de dépenses courantes : chaque année, je m’acquitte de dépenses récurrentes pour entretenir mes actifs virtuels : disques durs, CDs à graver pour conserver mes photos et MP3. Cf. le développement des services de stockage en ligne, qui consiste juste à sous-traiter cette activité d’acquisition récurrente d’espaces de stockage.
  • Prenons un autre exemple. En dessous de 500 € d’achat, la comptabilité considère que la dépense réalisée n’est pas un investissement (une immobilisation), mais plutôt une dépense courante (charge d’exploitation). Cela signifie que vu la baisse des tarifs sur ordinateurs, l’achat d’un portable est aujourd’hui comptabilisé comme une dépense courante.

Ce changement de paradigme, qui n’est pas récent, pourrait avoir des impacts sur la notion de propriété, ou de patrimoine. Prenons quelques exemples, pour montrer que la maturité n’est pas la même sur tous les sujets.

  • Les photos, la musique, se sont essentiellement dématérialisés. On a vu émerger des solutions en ligne, où l’on paie un certain montant mensuel pour avoir le droit de télécharger / écouter en illimité. Mais le service s’arrête (les droits s’arrêtent) quand on arrête l’abonnement. C’est – littéralement – de la location de droit d’écoute.
  • Les voitures, les Vélib : aujourd’hui, un nombre croissant de personnes n’ont plus de voiture, plus de vélo, et elles louent ces actifs juste le temps de leur besoin. Mais la majorité des personnes reste tout de même attachée à ces actifs physiques – même si le calcul économique montrerait probablement que c’est plus rentable de louer, plutôt que de détenir – et entretenir – ces actifs.
  • Pour le logement, il y a des farouches tenants de la location (« je suis mobile, et je place mon capital ailleurs que dans la pierre »), mais la majorité des personnes a encore une vision très patrimoniale.
  • Dans les sociétés, autrefois, on raisonnait en intégration verticale : être propriétaire de la chaine de production, c’était maîtriser toutes les étapes de la création de valeur. On est passé ensuite à l’externalisation (la sous-traitance), voire à la délocalisation des services (ma comptabilité est réalisée en Inde). Cela induit une baisse des coûts, mais aussi une perte de contrôle. Avant, on était propriétaire de sa comptabilité, maintenant on est locataire de son information comptable (et plus globalement, de son système d’information, qui va de la paie à la gestion des stocks…).
  • Pour le travail, même, il y a deux approches. L’approche majoritaire, qui dit « je travaille pendant 40 (50) années, puis ce que j’aurai accumulé me paiera ma retraite » (approche patrimoniale, constitution d’un capital) et l’approche minoritaire, qui dit « je vais alterner des périodes de travail, et de mini-retraite, jusqu’à ma mort » (recettes et dépenses courantes).

Ces quelques exemples servent à illustrer que l’on n’a pas la même maturité sur les différents éléments de notre patrimoine, mais que l’évolution des dernières années tend vers la chose suivante : un lissage des dépenses dans le temps. L’investissement ponctuel lourd est remplacé par la dépense courante régulière. On n’est plus propriétaire, on est locataire temporaire. Et cela s’applique autant aux activités matérielles (production) qu’immatérielles (système d’information).
En poussant la réflexion, qu’est-ce qu’il y a de plus immatériel que la spiritualité, la religion, bref, Dieu ?
D’où un nouveau sens à l’expression « Dieu soit loué ».**

* Certes, il y a aussi des actifs immatériels, comme en attestent certains écrits d’avant la Nouvelle économie.
** C’est plus pour le jeu de mot : si Dieu était loué, cela signifie que l’on ne serait sous Sa protection que tant qu’on lui verserait des oboles régulières (contrat de location de salut éternel). Une sorte d’assurance après-vie. Concept à creuser, idée de startup ?

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Mon Marathon de Paris 2010 (et la fin de 5marathons.com)

Voici mon compte-rendu du Marathon de Paris 2010, le dernier marathon que nous courions pour 5marathons.com [edit : je ne pointe plus sur le site… Nous avons annulé l’abonnement, et aux dernières nouvelles, ce n’étaient pas des photos de coureurs qu’on voyait sur la page d’accueil…]

« C’était dans l’horreur d’une profonde nuit »

Tout a commencé par une mauvaise nuit. Toute personne qui a déjà couru ce genre d’épreuve sait qu’il ne faut pas compter sur le sommeil de la dernière nuit, et qu’il faut donc faire des provisions de repos auparavant. Mais là, imminence de l’épreuve ou anticipation angoissée, nous sommes nombreux à n’avoir dormi que 2 ou 3 heures dans la nuit. Réveil 6h15, je mange mon gâteau WeightExplosers en le faisant passer avec du thé déthéiné, et je passe une bonne 1/2h à me préparer (le nombre de choses à prévoir, la crème anti-frottements, la puce électronique, la ceinture de gels au glucose, les piles de rechange, cf. check-list).
Départ 7h du matin. Nous avons RV pour une photo de groupe, et deux interviews. Paris est désert, mais plus j’approche de l’Etoile, plus je vois des silhouettes imprécises, jambes nues sous leur poncho en plastique : les coureurs commencent à se rassembler. Je rejoins le lieu de rendez-vous avec mes deux bouteilles de solution HyperGlucidoSpatialBooster (affectueusement surnommé SpermBull par mes amis, ils sont poètes). Il fait 4°, et ça se sent, nous tremblons tous de froid. Les coureurs arrivent par petits groupes, je vois notamment Christophe N, qui a eu une gastro-entérite terrible la veille, et qui va essayer de faire ce qu’il peut ce matin, sans grand espoir. Nous enchaînons une interview pour BFM TV (d’ailleurs, si quelqu’un a une capture vidéo…), la photo de groupe, puis une interview France 3 (nous sommes visibles aux alentours de la minute 12 (2 séquences), ici (édition du dimanche 11 avril)).
Puis nous rejoignons les sas de départ.
L’attente dans le peloton se passe bien, nous nous sommes bien placés, Alex (dit Barbe Bleue), P-A (dit La Chose) et moi. Les toilettes sont pris d’assaut, alors j’utilise la tactique de notre gourou, Pierre C (25 ans de Marathons…) et je fais pipi dans ma bouteille, je l’ai dit, nous sommes tous des poètes.

Des kilomètres et des erreurs d’appréciation

Et c’est le départ. De tous les marathons, c’est probablement le plus beau, et le meilleur départ : toute la largeur des Champs-Elysées se retrouve couverte de coureurs, cela descend légèrement vers la Concorde, dans le soleil qui apparaît en face. C’est parti, nous sommes doublés de part et d’autre, mais un maître-mot : ne pas partir trop vite. Un coup d’oeil à la montre : 5’15 » au kilomètre, c’est parfait, il faut maintenir cela sur toute l’épreuve pour éviter d’exploser en vol.
La Concorde, puis la rue de Rivoli, à l’ombre. J’ai des soucis avec ma montre : je suis perturbé par les fréquences des autres coureurs, et j’alterne entre des vitesses affichées de 2’50 » au km (21 km/h !!) et 5’30 » (11 km/h). Les deux autres me disent que je suis en train d’aller trop vite, pourtant je me maintiens à 5’15 » au km, c’est bizarre. Et puis je comprends en passant les bornes kilométriques : ma montre me donne une vitesse affichée qui est inférieure à ma vitesse réelle. Alors que je crois courir à 5’15 » / km (affiché par ma montre), je suis en fait à 5′ au km (12 km/h) quand je regarde mes passages aux bornes kilométriques. D’où vient la différence, alors que je croyais que mon cardio-fréquencemètre était parfaitement étalonné ? En fait, étant donné que ma vitesse d’entraînement a augmenté au fil des mois, il est probable que mes foulées sont plus longues… et donc qu’il aurait fallu ré-étalonner mon cardio-fréquencemètre. Maintenant, c’est trop tard, mais il faut choisir : ralentir ou pas ?
Je me suis entraîné ces derniers mois sur la foi d’une montre pessimiste. Donc j’ai couru plus vite que prévu à l’entraînement. Eh bien c’est parfait, on va continuer à se baser sur la montre. Donc je maintiens 5’15 » sur ma montre, soit 5′ (12 km/h) dans le monde réel.
On commence à apercevoir la tour de la Bastille. Pour ma part, j’avais le nez dans la montre, mais P-A me prévient : « regarde comme c’est beau ». Il a raison, c’est aussi l’intérêt de courir à Paris, je lève le nez et profite. On approche du KM 5, j’avale mon premier gel. Petit couac au premier ravitaillement : il arrive trop tôt et il est trop court, je suis obligé de faire 1/2 tour (un comble) pour aller chercher une bouteille d’eau. Las ! Nous débouchons Place de la Bastille où se trouve… un deuxième stand de ravitaillement. Je continue vaillamment en essayant de rejoindre mes deux cénobites. Je rejoins finalement P-A, Alex étant à 30 mètres devant. Quelques faux-plats, je ne renouvelle plus l’erreur du Marathon de Turin, et je ralentis, l’oeil sur ma montre : ne pas dépasser une fréquence cardiaque de 82-83%. Quand je pense que je courais mes premiers marathons à 85-90% ! Pas étonnant que j’aie tant explosé, tant souffert !
Avenue Daumesnil, longue, longue avenue. Entrée dans le Bois de Vincennes, on voit au loin la tour du Chteau de Vincennes, et puis ma foi, on y passe et on le laisse derrière nous. Je commence à ressentir une fatigue dans les genoux, bon sang, on n’en est qu’au KM 12, mauvais signe !

La solitude du coureur de fond

Au KM 14, en plein Bois, P-A me dit de continuer à mon rythme, lui va ralentir. On s’échange des derniers encouragements, et c’est parti, je suis seul au milieu de la foule. Alex est 50 à 100 mètres devant.
 Il y a du soleil, des familles sur les bords du chemin, mais on est loin des ambiances déchaînées de Londres ou New York. Il y a si peu de coureurs qui courent pour une cause, c’en est triste.
Soleil sur les frondaisons. Et allez, encore quelques faux-plats (82%, pas plus !!) avant de rentrer à nouveau dans Paris.
Rue de Charenton, encore des faux-plats, je bois régulièrement (une bouche pleine d’eau toutes les 5-10 mn) et je prends mes gels tous les 5 km. Le rythme est bon, mais je me freine. 5’15 », toujours, au moins jusqu’au semi, voire jusqu’au KM 30.
Passage du semi à 1h47 (contre 1h43 lors du Semi d’Elbeuf, il y a 1 mois, mais j’avais fini cramé, et je n’avais pas 21 km restant à courir derrière). Contrairement aux autres marathons depuis Berlin, je ne mets pas ma musique à partir du semi : je veux rester dans l’ambiance tant que je ne ressentirai pas le besoin d’un supplément de motivation.
KM 23, voilà les berges de la Seine. Un point difficile, démotivant : c’est là où je m’étais effondré aux marathons de Paris 2002 et 2006, c’est une longue bande de tunnels qui semble interminable. Toujours seul (façon de parler…), je passe sous les tunnels, notamment un long souterrain étouffant qui me rappelle le pont de Queensboro avec son côté claustrophobe.
La foule est présente au-dessus de nos têtes, mais je ne sais pas, cette longue étendue de quais gristres donne vraiment un sentiment de paysage encaissé, façon Défilé des Thermopyles. Et cela s’enchaîne avec les souterrains, c’est-à-dire remonter depuis les quais, redescendre dans un tunnel, remonter au bout, plusieurs fois en quelques kilomètres. J’entends une fille qui crie « Allez, plus vite ! ». Non, Mademoiselle, vous avez le droit de crier Bravo, de nous encourager, de dire Courage, il reste X km, mais ce « Plus vite », c’est se moquer du monde. (Le marathonien commence à manquer d’humour vers le km 25 ; quant aux personnes qui traversent la rue au milieu d’un peloton, elles ne se rendent pas compte de la souffrance accumulée dans ces jambes, de l’épuisement nerveux qui nous mine, et du fait que ces choses-là, non, vraiment, ça ne se fait pas).
Une petite angoisse : mes pieds chauffent, j’espère que mes nouvelles semelles ne sont pas en train de me déclencher des ampoules, hélas ça en a tout l’air. (en fait, je n’aurai eu aucune ampoule, mais je ne le découvrirai qu’après coup).
KM 28, on a passé la Maison de la Radio, allez, je n’attends pas le KM 30, je mets ma musique.

Hasard de la lecture, je tombe sur une musiques de Rocky et cela me fouette les sangs. Bon sang, on va y aller !
J’attaque, donc. (En relisant le graphique de ma course, je découvre que « attaquer » a consisté surtout à »me maintenir » dans les mêmes vitesses. Même si cela va nécessiter une analyse plus approfondie, puisque mes vitesses « montre » ne sont pas les mêmes que les vitesses « réelles »).
Je rejoins Alex, qui continue toujours de la même foulée ample. Il s’accroche, on passe les kilomètres ensemble. 30ème kilomètre. « C’est là que la course commence vraiment », d’après Pierre C.
Ce sont des lieux que je connais (Roland Garros, Porte d’Auteuil, allées de Longchamp) et que je ne reconnais pas, ou à peine, tant la course se vit à un rythme intérieur, oublieux des réalités du monde extérieur. Dans mes oreilles, l’intro de « Hold the Line » (Toto) me poursuit et me relance.

Band of brothers

Et on rentre dans le Bois de Boulogne. Cet asile de verdure est en fait un passage noir du Marathon de Paris : beaucoup moins de monde, beaucoup moins d’encouragements, une solitude ensoleillée au milieu du cloc-cloc rythmé de centaines de semelles autour de moi. J’enchaîne les musiques sympa, Bruce Springsteen, Sting, Paul Personne, plusieurs B.O.s,  et je zappe impitoyablement les morceaux un peu mous.
KM 35. Dans deux bornes, notre lieu de rendez-vous avez
les 70 supporters d’Autour des Williams. Courage, plus que 2 petits kms avant de pouvoir taper dans les mains, faire des coucous à tous. Alex peste à côté de moi, nous avons les cuisses tétanisées, en bois, en carton. Mais nous avançons toujours, têtus, rigoureux, et la vitesse se maintient tant bien que mal.
Et les voilà, je les vois au loin dans leurs T shirts bleu ciel, dans un virage. Nous nous détachons du peloton et faisons la jonction, Alex joue les stars américaines tandis que je pratique le bain de foule, j’embrasse mes ami(e)s, ma famille, les collègues… Ce sont toujours des moments remplis d’émotion, si intenses, et en même temps, extrêmement brefs.
Et c’est reparti, déjà !
Dans mes oreilles, Daft Punk me relance tandis que nous empruntons un petit chemin forestier.
Courage, à partir de là, plus que 5 km.
 Je rejoins Alex, il se cale dans ma roue.
KM 39, avec le Palais des Congrès dans le lointain.
Le ravitaillement du KM 40, auquel je ne m’arrête pas : à ce stade-là, l’eau n’a plus le temps d’être assimilée, elle est tout juste bonne à chasser le goût du dernier gel « coup de fouet » (imaginez un gel très sucré, au goût mélangé de menthe poivrée et de caféine…).
Et toujours ce train d’enfer, nous sommes montés à 13 km/h ou pas loin, tout le corps est douloureux, les cuisses, les pieds, le dos, les bras.
KM 41, dans un virage. Je dis à Alex : « Voilà maintenant le km le plus dur ». Et pour cause : il fait 1 km et 195 mètres.
Nous dépassons des marcheurs, des épuisés, des éclopés. Sans me retourner, je sais qu’Alex est juste derrière moi, ou à mes côtés. La foule commence à se densifier, le bruit aussi. Je devine la Porte Dauphine avant de la voir, nous ne voyons même pas le panneau KM 42 car nous avons repéré, là-haut, au milieu de l’avenue Foch, l’arceau de la ligne d’arrivée.
Et c’est notre dernier faux-plat, que nous avalons (presque) sans nous en rendre compte, pour passer, les bras levés en l’air, la ligne d’arrivée à la même seconde.
Temps officiel : 3 h 36 minutes 01 seconde.
Mon meilleur temps à ce jour. Mes records de New York et de Londres battu de presque 19 minutes.
Et malgré la grande fatigue et la tétanie des muscles (personne ne peut imaginer ce que c’est sans l’avoir fait), je me sens mieux que lors de mes précédents marathons.
Une course que j’ai gérée de bout en bout.

Crispin’s Day (*)

Nous nous retrouvons dans l’après-midi pour un pot, et les coureurs égrènent leurs arrivées en fonction de leurs chronos respectifs. Il y a les bénévoles d’Autour des Williams, les familles, le Directeur Général d’ESCP Europe.
Dans un petit discours où j’essaie de remercier tout le monde, je mentionne le discours de la bataille d’Azincourt, dans Henry V, parce qu’un petit groupe fraternel peut changer – un peu – le cours de nos vies.

D’où ma petite tristesse.

Nous avons vécu, et nous sommes battus, au rythme de ce projet, durant 5 ans (le premier tour de chauffe date du semi-marathon de Paris de mars 2005). Les résultats, non encore arrêtés, établissent que nous avons collecté au moins 50 000 euros de dons pour la recherche sur le syndrome de Williams-Beuren. Mais ce n’est qu’une partie des résultats : l’expérience humaine, les relations que nous avons nouées, l’intensité des engagements personnels, sont notre meilleure récompense.
De toutes les choses que j’ai faites dans ma vie, c’est une des réalisations dont je suis le plus fier.

Merci à tous et à toutes pour vos encouragements, vos dons, votre temps.

Et, bien sûr, il n’est pas trop tard pour arrondir les sommes versées 😉
http://marathon-de-paris.aiderdonner.com/christophethibierge2010

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Jour J. Pour les impatients.

3:36:06 au Marathon de Paris, temps non officiel, récupéré sur ma montre.[edit] temps officiel 03:36:01 [/edit]
Mes records des marathons de Londres (avril 09) et New York (novembre 09) sont donc battus de presque 20 minutes.
Beaucoup de bonnes choses, un peu de tristesse, debrief à venir… plus tard.

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J-1 – Check-list du Marathon de Paris, fin de 5marathons.com

Pour préparer le Marathon de Paris, je reprends ma check-list du Marathon de New-York et je l’améliore. Je vais modifier ce thibillet en live jusqu’à mon départ (dimanche matin, vers 7h AM, à vérifier)

Samedi :

  • Playlist pour le lecteur MP3 – check
  • Imprimer les différents rendez-vous et préparer la logistique voitures – check
  • Envoyer un mail aux 70 coureurs sur le RV avant marathon – check
  • Prévenir journalistes – check
  • Sieste – check
  • Téléphone rechargé – check
  • Appareil photo rechargé – check
  • huile de massage à l’arnica – check
  • Aller aider Chou pour préparer la Pasta Party – check
  • Prévoir quelques mots inspirants pour les 30 convives et la fin de 5 marathons sur 5 campus
  • Relancer des donateurs potentiels ? – Non
  • Citrate de bétaïne pour digérer la Pasta Party chez Chou – check
  • Préparer gâteau Bourre-la-gueule – check
  • recommander mon âme à Dieu – Nan
  • Somnifère léger, genre Euphytose ?

Nécessaire pour le jour de la course :

  • Mouchoirs en papier
  • Réveil matin (montre à vibreur) – check
  • Short moule-à-gaufres – check
  • T-shirt respirant 5marathons.com – check
  • Chaussures, chaussettes (propres), semelles orthopédiques, slip sans coutures (propre), Boosters – check
  • Brassard / ceinture pour mettre les gels pendant la course – check
  • Sparadrap pour mettre sur les tétons !! – check
  • Crème pour les pieds et les parties délicates (Nok) – check
  • 8 doses de gel au glucose pour les kilomètres 5, 10, 15, 20, 25, 30, 35 et 40 – check
  • 4 épingles de sureté pour le dossard – check
  • Cardio-fréquencemètre et accéléromètre – check
  • Lecteur MP3 + écouteurs Sennheiser qui vont bien ! – check
  • piles chargées – check
  • Bandana (car il va faire beau) – pas trouvé 🙁
  • Tenue pour l’attente dans le froid – check

Conseils pour avant la course :

  • Boire beaucoup (de l’eau), 2-3 litres par jour avant (Si pipi pas transparent, Toi boire encore des torrents) – Rooibos, Chicorée (pas de caféine), eau, pastis sans alcool – check
  • Manger des pâtes, des pâtes, des pâtes (et d’autres sucres lents) – check
  • Faire le régime dissocié scandinave – check
  • Ne pas boire d’alcool – check
  • Prendre la température des copains qui courent, échanger conseils et insultes – check
  • Jeter un oeil au relief de la course, et réfléchir
  • Calculer mon temps moyen au kilomètre, en fonction du chrono – pas encore totalement fixé
  • Livre inspirant – Non, livre agréable mais soporifique
  • Aller se coucher – oui, à 00h20, il est temps !
  • Me repasser le discours d’Apollo Creed à Rocky sur l’oeil du tigre – check
  • Bien dormir – pas réussi 🙁
  • Ecouter la B.O. de Rocky Le dernier Samouraï en me préparant – check
  • Départ à 7h07 – aglagla

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