Tactiques dialectiques de Linny Brando #2 – la botte de Brando

Il y a quelques mois, j’ai imaginé une jeune femme, Linny Brando (la fille de Marlon, la petite sœur de Cheyenne) qui permettrait de contrer la loi de Brandolini.

Voici un deuxième exemple de tactique conversationnelle quand votre interlocuteur a un avis nettement opposé au vôtre. Cela s’opère en 2 mouvements. Dans un premier temps, il s’agit d’aller dans le même sens que ce qui est dit – histoire de bâtir un terrain commun – puis, dans un deuxième temps, de créer la surprise avec un pas de côté qui sert votre propos.

Tous les escrimeurs le savent (je ne suis pas expert en escrime, mais j’ai beaucoup regardé Scaramouche), il ne faut pas contrer une attaque frontale, mais la dévier subtilement pour déséquilibrer l’adversaire. Comme il y avait autrefois la botte de Nevers, voyons maintenant la botte de Brando.

D’abord, le premier mouvement. Dans la plupart des conversations enflammées ou les polémiques entre deux personnes, chacune reste campée sur ses bases. Pendant que l’autre nous assène des arguments ineptes d’une voix haut perchée, nous n’écoutons que pour préparer mentalement des contre-arguments, que nous imposerons d’une voix de plus en plus énervée. Et comme chacun fait ça, le débat avance autant qu’un âne dans une piscine de porridge.

Une des premières tactiques de conversation consiste donc à faire l’inverse : chercher les points communs, identifier ce avec quoi nous sommes d’accord dans ce que dit notre interlocuteur, et le reconnaître. Idéalement, il s’agit vraiment d’être d’accord, et non de prétendre à un assentiment de façade, juste pour pouvoir placer nos propres arguments.

Passons au deuxième mouvement. Il s’agit ici d’apporter une contradiction subtile. Et soyons clairs : c’est très rare qu’on trouve instantanément une répartie originale, encore plus dans le contexte d’une conversation enflammée. Cela veut dire que ce deuxième mouvement se prépare à l’avance.

Voici un exemple assez connu – et exagéré – de ces 2 mouvements :

  • Interlocuteur : « je vais peut-être dire une connerie, mais les jeunes d’aujourd’hui n’ont plus envie de travailler. »
  • Linny Brando : (premier mouvement) « Vous avez raison, je vous le confirme. » (Puis, deuxième mouvement) « C’est bien une connerie. »

Ceci n’est pas un bon exemple, d’abord parce que c’est une blague connue, et ensuite parce que c’est un effet de manches gratuit qui va nous aliéner l’interlocuteur sans rien apporter à la discussion. Mais cette histoire a le mérite d’illustrer le principe des deux mouvements, et la surprise qui désoriente l’adversaire.

Voici un autre exemple, plus équilibré, et que j’ai pu pratiquer avec succès.

  • Interlocuteur : « de toute façon, toutes ces histoires de changement climatique, c’est un faux problème. L’humanité a toujours réussi à se sortir de ce genre de situation. L’innovation technologique nous permettra de dépasser ce problème. »
  • Linny Brando : (premier mouvement) « vous avez raison, je suis d’accord avec vous que l’innovation technologique va permettre à l’humanité de se sortir des problèmes que pose le changement climatique. Il y a déjà des pistes qui sont évoquées, et il y aura probablement d’autres découvertes et innovation qui vont être mises au point. ».
  • (Deuxième mouvement) « Mais ce ne sera pas toute l’humanité qui en bénéficiera. Seuls 10 % de la population s’en sortiront grâce aux innovations, tandis que les 90 % restants disparaîtront. Et mon intuition, c’est que ni vous, ni moi, ne ferons partie de ces 10 % de privilégiés. Mais je peux me tromper, bien sûr… »

C’est une tactique qui marche assez bien (je l’ai testée en direct), car cela permet de continuer la discussion au lieu de l’interrompre brutalement avec une répartie cassante. Nous nous retrouvons, l’interlocuteur et moi, littéralement dans le même bateau. Bien sûr, mon honorable contradicteur va contre argumenter – d’où l’intérêt de dire que je peux me tromper – et la discussion va se poursuivre, mais il y a désormais une progression en zig-zag, un décalage de la perspective, un peu à la façon du tango (deux pas en avant, un pas en arrière).

Pour conclure sur ce deuxième mouvement, citons Winston Churchill (que Linny Brando n’aurait probablement pas désavoué) : « Mes meilleures improvisations sont celles que j’ai le plus préparées ».

(à bientôt pour d’autres tactiques de Linny Brando)

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