Conclusion – Fantômes

Voici le troisième thibillet sur ce qui m’est arrivé il y a une semaine (le fait divers est ici, l’analyse est là).
Hier matin, j’ai porté plainte.
1h30 de temps passé au commissariat.
3 certificats médicaux (dont une radiographie du visage ; aucun traumatisme osseux, pour ceux qui s’interrogeaient ; les marques sont restées au niveau superficiel – bosses, oedeme – et psychologique).
Comme l’a dit le jeune brigadier en me raccompagnant : « C’est rare qu’on aie une plainte de 4 pages ! »
Mais surtout, j’ai identifié mon agresseur sur photos.

Je savais qu’il y allait avoir identification sur photos, et j’y allais avec appréhension. Je me méfiais de ma mémoire une semaine après, je n’avais pas vu le troisième type (excellent, mamzelle 🙂 ), et j’avais presque envisagé de dessiner les visages des deux premiers, pour les fixer sur le papier. Et en effet, cela a mal démarré : il y a peu de choses communes entre un visage mouvant, agressif, sous une capuche, dans la nuit, et un visage découvert pris dans un commissariat, à la lumière artificielle, sur fond clair. Nous avons passé une première planche de photos, et s’il était facile d’en éliminer plusieurs, cela allait difficilement plus loin. Et puis sur la seconde planche, j’ai commencé méthodiquement, en haut à gauche, et je commentais chaque photo. Jusqu’à la 5 : « c’est lui ! »
Et au visage fantôme que j’avais porté dans ma tête pendant une semaine, s’est superposé un visage un peu différent, mais qui me rappelait des choses que j’avais oubliées de ce soir-là. A revoir ses lèvres, je me souvenais de ses insultes. A revoir ses yeux et ses sourcils, je revoyais son regard. C’était bien lui, celui qui m’avait agressé et frappé. Mais ce n’était pas exactement le visage que j’avais porté dans ma tête. Les policiers m’ont demandé de préciser à quoi je le reconnaissais, et ont vérifié je le reconnaissais formellement. Pendant cette confrontation, les deux visages – le souvenir et le réel – se sont fondus en un seul. Et quand je suis sorti du commissariat, l’image fantôme avait été remplacée dans mon cerveau par l’image plus précise, plus réelle, du vrai individu.
Il y a donc désormais un nom, une enquête, et une procédure, sur un individu du monde réel.
A partir de maintenant, cette histoire ne m’appartient plus, j’ai passé le relais à quelqu’un d’autre. Mais j’ai la satisfaction d’avoir clôturé ma partie sur une fin nette. Comme une photo.

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2 réponses à Conclusion – Fantômes

  1. Lche dit :

    Je revenais aux nouvelles, pensant d’ailleurs t’encourager à porter plainte, à toute fin utile pour les autres aussi.
    Je lis avec … (je n’ai pas trouvé de mot en -ion ou -ment approprié) que c’est chose déjà faite.

    Et que l’X a un visage. Déjà connu de la police.
    Entropie pour lui.

  2. Docthib dit :

    @ LChe : j’adore le « entropie pour lui » ! Ou comment opposer la finesse de la culture (et en peu de mots, litote parfaite) à la brutalité des situations. Et oui, tu n’es pas le seul à avoir eu l’argument « porter plainte, cela sert aux autres ». C’est une des raisons pour laquelle je l’ai fait.

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