Livre lu : Haruki Murakami – Kafka sur le rivage

De Haruki Murakami, j’avais lu Après le tremblement de terre (de Kobé), une série de nouvelles que j’avais trouvées très bien écrites, mais j’avoue que je n’en avais pas gardé tellement de souvenirs, à part le fait que, selon mon libraire, l’auteur « était le futur prix Nobel de littérature ».
Il y a quelques semaines, on m’a offert, pour mes 35 ans, Kafka sur le rivage (Belfond, 2006, 619 p.), que j’ai lu depuis. C’est donc un long roman, qui a nécessité plusieurs semaines de trajets pour être consommé. J’en ressors avec des difficultés à classer, voire à décrire, l’ambiance. Les termes « fantasmagorique » ou bildungsroman me viennent à l’esprit. Je vais expliciter bildungsroman, non pas pour les incultes, mais pour dire ce que j’entends par là : c’est un roman où l’on voit l’évolution d’un jeune, qui se construit à la faveur d’événements qui lui arrivent.
Bon, on raye et on recommence.
C’est un roman très poétique, qui mélange du fantastique et du réaliste, avec des personnages tour à tour énigmatiques et attachants. Le vieux Nakata est probablement le summum de la perfection bouddhiste. Oshima-san et Mademoiselle Saeki sont en même temps très humains, et désespérément lointains. Avec ses histoires imbriquées, ce roman m’a fait penser aux Paul Auster que j’ai lus (quasiment tous), où plusieurs histoires sont imbriquées. Mais il y a ici une irruption du fantastique qu’il n’y a quasiment jamais chez Auster. Cela flirte avec la science-fiction, voire avec des écrits psychédéliques. Mais tout cela est extrêmement bien écrit, précisé, on est loin d’un flux de paroles sans ponctuation ni linéarité.
J’ai beaucoup aimé de pouvoir rentrer un peu dans « l’âme japonaise », même si j’ai cru comprendre que Murakami est à la littérature ce que Kurosawa est au cinéma : un artiste essentiellement apprécié en dehors de son pays.
Je laisse la parole à Oshima-san, qui est parfois un peu trop intellectuel à mon goût, mais toujours intéressant :

Ce qu’on nomme l’univers du surnaturel n’est autre que les ténèbres de notre propre esprit. Bien avant que Freud ou Jung fassent au XIXème siècle la lumière sur le fonctionnement de l’inconscient, les gens avaient déjà établi une corrélation entre l’inconscient et le surnaturel, ces deux mondes obscurs. Ce n’était pas une métaphore. D’ailleurs, si on remonte encore plus loin, ce n’était même pas une corrélation. Jusqu’à ce qu’Edison découvre la lumière électrique, la majeure partie de la planète était plongée dans un noir d’encre. Aucune frontière ne séparait l’obscurité physique, extérieure, de l’obscurité intérieure de l’âme. Elles étaient mêlées sans qu’il soit possible de les distinguer. […] Aujourd’hui, il en va autrement. Les ténèbres extérieures se sont dissipées, mais les ténèbres intérieures demeurent. Ce que nous appelons ego ou conscience est la partie émergée de l’iceberg : la partie la plus importante reste plongée dans le royaume des ténèbres et c’est là que gît la source des contradictions et des confusions profondes qui nous tourmentent.
Haruki Murakami, Kafka sur le rivage, p. 299.

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