CovidCampus : comment passer rapidement à des cours 100% en ligne ? #1

Bon, comment faire pour remettre
ces icones dans ma tête ?

Je démarre aujourd’hui une séquence de réflexions sur l’enseignement en ligne, suite à la crise du Coronavirus. En effet, même si à ce jour le gouvernement français n’a toujours pas pris position sur la fermeture des universités et des grandes écoles, je préfère prendre mes dispositions à l’avance et commencer à planifier, ne serait-ce que mentalement, comment je vais faire passer mes cours en présentiel en cours à distance.
Ces différents thibillets vont me servir à documenter, comme un journal de route, l’état de mes réflexions.
Le contexte est extrêmement important : il ne s’agit pas d’une réflexion menée à l’avance pour concevoir un cours à distance. Nous sommes au milieu d’une crise, mon école peut fermer du jour au lendemain, et je peux donc être amené à devoir transformer tous mes cours présentiels en un équivalent 100 % en ligne avec 24h de préavis… Je souhaite donc partager mes réflexions comme un chantier en cours, et j’espère recevoir des suggestions, des commentaires, des partages d’expériences sur ce sujet.

Avant de parler des modalités pratiques, cela me semble important de définir quelques principes fondamentaux qui serviront à orienter mes choix.

Dans la boussole morale que je me fixe, il y aura un double nord magnétique :

  • Ma priorité absolue sera de prendre (encore plus) soin de mes étudiants. Cette crise est extrêmement difficile à vivre pour eux, sachant que la majorité de mes étudiants sont non français. Nous avons beaucoup d’Italiens, de Chinois, d’Indiens, d’Allemands, etc. Ces étudiants sont loin de leur famille, ils sont logés à Paris ou alentours, dans des logements d’étudiants. Déjà, dans une situation normale, ils sont très souvent en demande de conseils et de soutien (parce que c’est une partie importante du métier de professeur). Si mon école venait à fermer et que leur seul contact devenait les cours en ligne qu’ils auraient à suivre, cela nécessiterait encore plus d’écoute, de compréhension et d’adaptabilité.
  • Le 2e nord magnétique qui va me guider, c’est la conviction qu’un passage rapide d’une classe en présentiel à un cours en ligne ne peut se faire que dans des conditions dégradées. Mes cours actuels n’ont pas été conçus pour être enseignés en ligne, et s’il y a des personnes qui pensent qu’il suffit de se filmer en train de faire cours, cela prouve l’étendue de leur incompétence sur le sujet des cours en ligne. L’erreur vient au départ du vocabulaire qui est employé : je vois quantité de business schools qui parlent de faire basculer immédiatement tous leurs cours en ligne (immediately switch to online classes). Si je devais trouver une image, ce ne serait pas celle de l’interrupteur ou du basculement (switch), qui fait croire qu’il suffit de pousser un bouton pour changer de modalités : ce serait plutôt l’image de la traduction automatique. Une traduction automatique nous permet d’obtenir rapidement un texte dans une autre langue, mais la rapidité se paie pour partie, car la version livrée est une version dégradée, voire très dégradée, du texte initial. Cela peut servir à comprendre le sens général, mais sans la finesse du texte original.

Je précise enfin 2 choses plus personnelles :

  • D’une part, en termes d’enseignement en ligne, je ne suis pas un perdreau de l’année. J’ai déjà conçu plusieurs cours qui étaient destinés dès le départ à être 100 % en ligne, certains d’entre eux étant même totalement auto supportés (c’est-à-dire que mon rôle se bornait uniquement à animer les forums de discussion, à répondre aux questions des étudiants par e-mail, et à corriger l’examen final – zéro heure en enseignement). J’ai aussi eu la chance de collaborer à l’écriture de vidéos pédagogiques, j’anime un séminaire de pédagogie dans le programme doctoral de l’école, et depuis plus de 2 ans, je participe avec plaisir à des groupes de codéveloppement en pédagogie, où l’on travaille régulièrement sur les problématiques d’enseignement en ligne dans différents programmes. Ce n’est donc pas comme si je découvrais le sujet aujourd’hui… Mais je persiste : un passage rapide à un cours 100 % en ligne aboutira automatiquement à un produit dégradé, soyons-en conscients.
  • D’autre part, toute cette réflexion – et tout ce que je commence déjà à mettre en place – viennent en supplément non prévu dans un agenda assez chargé. J’ai 2 livres sur lesquels je travaille pour mon éditeur, un article de recherche à modifier, un magazine à sortir, une ou 2 conférences à organiser, un fils en stage et une fille qui va passer le Baccalauréat… Aussi, mes thibillets seront probablement courts et mal écrits 🙂

Abordons maintenant le sujet : par quoi commencer la réflexion ?
J’ai commencé par le plus urgent : mes prochaines séances de cours, prévues pour être assurées en face à face dans un amphithéâtre, et qui pourraient se retrouver converties en sessions en ligne. Pour moi, il faut d’abord procéder à une typologie de chaque séance. En effet, toutes les séances de cours ne se ressemblent pas : certaines séances consistent à corriger un cas rendu précédemment par les étudiants ; d’autres séances incorporent les activités que les étudiants doivent réaliser, suivies par une discussion ; d’autres encore consistent en un cours plus contrôlant, où je montre des concepts et je pose des questions. Il faut donc déjà mesurer les caractéristiques d’une séance donnée pour voir ce qu’elle pourra donner en distanciel.
Pour les enseignants qui seraient intéressés, je vous partage ma première ébauche d’une grille typologique. Il s’agit de lister les caractéristiques principales de ce qui va se passer pendant le cours. Voici ma première liste (à améliorer) :

  • Répartition du temps de parole ou d’activité : mes étudiants x% vs. moi-même y%
  • Est-ce que le cours est assuré par plusieurs personnes ? (répartition des séance, voire double animation, invitation de professionnels…)
  • Quel est le pourcentage de la séance consacré aux questions des étudiants ?
  • Quel est le pourcentage de la séance que je consacre aux différents supports : diapositives % ; écriture ou dessin sur tableau blanc % ; travail sur l’ordinateur avec projection (Excel) ; vidéo %…
  • Quel pourcentage de la séance est dédié à des travaux de réflexion des étudiants ? Comment les étudiants restituent-ils leur réflexion ?
  • Comment est-ce que j’interagis avec les étudiants ? Est-ce que je choisis à qui je pose la question, ou j’attends que quelqu’un réponde ?
  • Est-ce que j’ai un style plutôt personnalisé (je montre à mes étudiants que je sais reconnaître leur individualité) ou un style plutôt universel (peu importe qui pose la question, ou qui apporte la réponse, du moment que c’est intéressant)
  • Est-ce que j’ai beaucoup d’étudiants qui viennent me voir à la pause ou à la fin du cours ? Posent-ils les mêmes questions qu’ils auraient pu poser en cours, ou est-ce qu’ils viennent à ces moments car ils ont une demande particulière qu’ils ne veulent pas formuler devant tout le monde ?
  • Dans quelle mesure est-ce que je me nourris des interactions ou des réactions ? (ne serait-ce que les hochements de tête)

Je suis sûr que l’on peut allonger la liste pour obtenir une cartographie plus précise de ce que le professeur attend d’une séance de cours donnée avant qu’elle ne commence. En lisant cette liste de questions, vous avez probablement compris l’intérêt de procéder à une telle cartographie : savoir ce qui est plus ou moins facilement transposable en ligne.
De fait, je classe grossièrement les activités d’un cours en 3 catégories :

  • Certaines activités peuvent avoir lieu à peu près de la même manière que ce soit en cours face à face ou en cours à distance. Par exemple, faire défiler des diapos et les commenter. Cela ne remet pas en cause mon idée de dégradation : regarder fixement son ordinateur sur lequel se trouve une diapo tandis qu’on entend dans le haut-parleur la voix du professeur anonner un commentaire, ce n’est pas la même chose que de se retrouver dans une salle en face à face avec les mêmes conditions.
  • D’autres activités ne sont pas transposables telles quelles. Elles vont nécessiter de trouver un « traducteur automatique » : comment remplacer l’écriture sur un tableau blanc ? Comment interroger les étudiants pour créer une dynamique ? Comment traiter les individualités ?
  • Enfin, il y a une 3ème catégorie : les activités qui ne peuvent pas être transposées en ligne. Exemple : capter instantanément les réactions subtiles, les bavardages (indiquant soit qu’il y a une perte d’intérêt, soit au contraire qu’il y a un regain d’intérêt sur le sujet qui nécessite d’échanger avec les camarades). Dans cette 3ème catégorie, il s’agit alors de décider : vaut-il mieux renforcer les 2 premières catégories, au risque de perdre une partie de la richesse de la 3ème ? Ou faut-il chercher des raccourcis ou des innovations pour répondre aux besoins de la 3ème catégorie, au risque d’y passer beaucoup de temps alors même qu’on est en situation d’urgence ? Encore une fois, il faut accepter que le cours sera dégradé.

Voilà où j’en suis pour l’instant. Et vous, quels sont vos réflexions sur ces sujets ?

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Game of Thrones et types de personnalité : quelles certitudes pour quel personnage ?

The Imp / Le Gnome (El Tyrion Lannisterio)

La sortie de la saison 8 de Game of Thrones est l’occasion de jouer à un jeu répandu parmi les adeptes des typologies de personnalités, c’est-à-dire reconnaître dans les personnages marquants de la série un type de personnalité marqué, en utilisant par exemple le modèle du MBTI ou celui de l’Ennéagramme, la Process Com’, le DISC… Évidemment, cette démarche de typage fonctionne aussi très bien avec les romans Le Trône de Fer d’où sont issues les premières saisons de la série.

Je me suis donc prêté au jeu, à travers le prisme de l’Ennéagramme, modèle complexe et très riche des motivations humaines. Attention, spoiler alert : si vous ne connaissez pas les premières saisons de Game of Thrones ET que vous souhaitez vous y mettre un jour, ne lisez pas la suite. Ce n’est pas tant que je vais dévoiler des éléments majeurs de l’intrigue, mais je connais le plaisir qu’il y a à aborder un livre / un film / une série sans rien savoir de ce qu’on va y trouver, donc vous êtes prévenu(e)s.

Et en fait, ceci n’est pas un typage des personnages, plutôt une réflexion sur « pourquoi certaines certitudes sur un personnage peuvent en fait prêter à discussion ».

El Hombre Macho
(Macho menos ?)

Commençons par un exemple de personnage de la saison 1. Khal Drogo, du fier peuple des Dothrakis. Je ne sais pas pour vous, mais en Ennéagramme, ça me rappelle furieusement une base 8 : il évite à tout prix la faiblesse, se positionne en tant que protecteur et défenseur, il utilise son énergie instinctive à tout moment, on pourrait presque dire qu’il pense et qu’il parle par ses actes. Oh le beau 8, pourrait-on se dire, et on aurait probablement raison, mais… Mais Khal Drogo est un Dothraki, élevé dans une culture extrêmement codifiée pour donner des guerriers forts, évitant la faiblesse, et habitués à porter leur marque sur le monde. Ce processus tribal ressemble à une sélection darwinienne : les moins adaptés à cet environnement sont éliminés à coups de duels officiels ou de rixes officieuses. Il ne se passe pas une journée sans que deux hommes aient le sentiment que l’autre a bafoué leur honneur, et la journée n’est pas terminée qu’un des deux est passé de vie à trépas. Donc Khal Drogo n’est peut-être pas un 8, au sens de l’Ennéagramme, il est juste un personnage qui a réussi à survivre dans une société dont les valeurs dominantes ressemblent à celles d’un type 8. On pourrait ainsi comparer le Khal Drogo en public, en tant que chef de tribu, et le Khal Drogo intime, qui est, sinon amadoué, du moins attendri (comme on attendrit une viande coriace) par son amour, sa Khaleesi. N’est-ce pas dans ce deuxième environnement qu’il montre ses vrais traits de caractère ?

Ce fardeau, cette existence…

Continuons avec les Stark. Le chef de clan, l’homme sans tache, c’est Ned Stark. Hautes valeurs morales, volonté de toujours faire bien, avec une quête à peine compulsive de perfectionnisme, il est droit, mais tourmenté, avec une colère qui explose parfois – et qu’il se reproche. Les fans d’Ennéagramme entendent probablement un type 1 derrière ces éléments. Et il se peut en effet que Ned Stark soit un 1, et en même temps… Il est chef de famille, responsable non seulement de ses proches, mais littéralement, de tous les sujets du Nord. En tant que Gardien du Nord, il est obligé d’être le bourreau de tout contrevenant, c’est une tradition, mais c’est aussi un poids énorme : c’est lui qui brandit l’épée, après avoir pris la décision de mise à mort. Ajoutons à cela que nous sommes dans le Nord : une erreur, un oubli, un peu trop d’insouciance, et les loups vous dévorent, ou vous périssez gelé, ou égorgé par les maraudeurs ou un sauvageon loin de ses bases. Mon propos est le suivant : et si, comme Khal Drogo, Ned Stark était le produit de son environnement ? Et si, comme Khal Drogo, son véritable caractère disparaissait sous le poids écrasant d’un titre, d’un poste, d’un rôle ? Pour nourrir cette hypothèse, il n’y a qu’à voir les discussions privées que Ned a avec son roi : appelé à devenir la Main du Roi, il va accepter (parce que bien obligé), tout en avouant qu’il aurait préféré rester seul dans son Nord chéri, loin de toute obligation. Mais il y va, contraint et loyal.

Don’t mess with the Boss

Dernier exemple, pour ne pas en faire un thibillet trop long : les Lannister. Quelle belle bande de méchants, ceux-là, entre le père Tywin qui joue la statue du Commandeur, Cersei et Jaime qui sont complexes, sans états d’âme apparents vis-à-vis des extérieurs à leur famille, et puis le petit sympa, le Gnome / Lutin jouisseur et qui manie beaucoup la raison et l’intelligence (oui, ça sent bien la base 7). Mais plutôt que d’essayer de typer chaque personnage individuellement, regardons la maison Lannister dans son ensemble, notamment à travers les discours du père au gant de fer. Lors de plusieurs discussions musclées avec l’un ou l’autre de ses enfants, Tywin Lannister donne sa vision du monde : lui n’est rien ; ses enfants ne sont rien ; personne ne doit se lamenter, ou réclamer d’être aimé, ou compris, ou pardonné ; la seule chose qui compte, c’est la maison Lannister, et le nom de la famille ; tout effort doit être entrepris pour que cette maison, et ce nom, perdurent pendant des générations et des générations. C’est pour cela que Tywin n’a pas tué Tyrion à la naissance : c’était un Lannister, et un Lannister ne tue pas un autre Lannister, aussi difforme soit-il. C’est probablement aussi ce qui conduit certains membres de la famille à créer une descendance qui soit du pur Lannister… 😉 La perpétuation du nom, la dynastie, la famille. Tous ceux qui sont de ce nom ou de cette famille doivent être protégés, quelles que soient leurs fautes ; et le reste du monde peut mourir, car il n’est rien, s’il n’est pas Lannister. Une fois que cela est posé, et bien posé, par le père tyran (lui-même l’ayant probablement hérité à coups de trique de la part de ses parents), quelle est la latitude d’un des enfants pour exprimer son vrai caractère ? Prenons Cersei : mazette, quel personnage complexe dans ses passions et ses frustrations, protectrice comme une louve pour ses enfants, méprisante de son mari, rabaissée par son père, « coriace comme un steak à 10 cents », comme dirait Frank Underwood dans House of Cards. Qui est la vraie Cersei derrière ces actes ?

J’arrête là cette réflexion, qui pourrait être généralisée à d’autres familles (les Martell de Dorne, les Tyrell de Hautjardin) ou groupements (je pense par exemple aux sauvageons et à leur culture survivaliste, assez proche de celle des Dothrakis), et dont je n’ai livré que quelques exemples ci-dessus. On pourrait poursuivre l’investigation de la question (« est-ce que l’environnement conduit à masquer l’expression de certaines personnalités ») en prenant des exemples de personnages dont on connaît moins, voire pas du tout, le milieu familial.

Saignant, le steak

Les frères Clegane (le Limier / The Hound vs. La Montagne / The Mountain that rides), par exemple : pratiquant apparemment la même violence brutale, ils diffèrent sur beaucoup de points… et se détestent. Le Limier est plus réfléchi, plus loyal, plus humain (par exemple dans sa protection de Sansa) tandis que la Montagne est visiblement une brute qui tranche tout par la force.

9, sous-type conservation

Enfin, j’aime bien Samwell Tarly. Éjecté de son environnement familial, condamné par son père à une vie qui ne lui convient pas, il est un beau type 9, qui arrive à exprimer ce que je prends pour son propre caractère, malgré tout un environnement qui aurait pu le condamner à la dissimulation. Ce n’est pas un personnage majeur peut-être, mais c’est probablement l’un des plus avancés sur le chemin de la connaissance de lui-même.

(discussion à suivre… Tout commentaire est le bienvenu !)

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BuJo IV – fournitures et quelques conseils ultimes

Ceci clôture ma description de la pratique du BuJo au quotidien, pour le suivi de mes journées et de mes projets. Je termine par ce qui est en même temps accessoire, mais qui paradoxalement déclenche souvent des envies d’écrire un journal intime ou un carnet de pensées : les fournitures. Puis je donnerai quelques conseils basiques issus de ma pratique.

Mon carnet v. 1.0

Mon premier BuJo a été un carnet Moleskine. La marque est prestigieuse – ou plutôt, son marketing est très bien fait, puisque la marque fait référence à des auteurs classiques célèbres (Saint Exupéry, Hemingway…) alors même que le carnet Moleskine n’existe que depuis 1998, et il présente deux avantages : un élastique qui permet de maintenir le carnet bien fermé, et un marque-page en tissu pour ouvrir le carnet à la bonne page.

J’avais opté pour un carnet souple, taille B5 (moitié de A4), à petits points (dotted). Une page à points est un compromis ergonomique entre la page lignée (qui force à dimensionner son écriture et ses dessins à la hauteur des lignes imprimées) et la page vierge (où mon écriture ne reste jamais horizontale bien longtemps. Les points peuvent servir de points de repère pour les lignes, mais aussi pour tracer des dessins, des plans, des cases…

Les inconvénients du carnet Moleskine :

  1. la faible épaisseur de ses pages : l’encre de mon feutre (pourtant fin, 0,7mm) se voyait par transparence sur l’autre côté de la page. Et c’était encore pire pour les zones encrées (ex : titres encadrés). Cela me forçait à utiliser un stylo-bille (moins agréable pour l’écriture et l’esthétique) ou un crayon à papier (ingérable dans le temps, les notes s’effacent après quelques années).
  2. Les pages n’étaient pas numérotées. Certes, c’est une gymnastique plaisante de commencer chaque nouvelle double-page par une numérotation des coins, cela peut même renforcer l’aspect « je fais ce que je veux de mon carnet, il est versatile », mais je cherchais un côté plus pratique.

Mon carnet v. 1.1

Pour un prix légèrement inférieur au Moleskine, j’ai trouvé un carnet qui répondait à tous mes critères : le Leuchtturm 1917. Pages numérotées, papier épais, double marque-page coloré, étiquettes autocollantes fournies (y compris pour la tranche), et couverture dans un grand choix de couleurs vives ou sobres, c’est le carnet conçu pour un exercice joyeux et quotidien du BuJo.

J’ai pu y utiliser mon feutre gel 0,7mm pour prendre des notes et faire des dessins (… des gribouillages plutôt) sans craindre de transpercer le papier. J’ai eu plusieurs de ces carnets, dans différentes couleurs, et cela reste ma référence pratique pour le BuJo.

Les inconvénients du carnet Leuchtturm 1917 :

  • Il faut acheter un petit passant élastique autocollant pour pouvoir insérer son feutre / stylo, de telle sorte que le BuJo soit toujours accompagné de son stylo (mais il faut débourser de 5 à 8€ de plus pour cet autocollant).
  • Moleskine propose un stylo bille qui peut se pincer dans la couverture, c’est bien aussi, mais c’est un stylo-bille (donc moins agréable pour écrire + problème des recharges) et le côté pincé dans les couverture n’est pas hyper pratique à l’usage, car le stylo dépasse de la couverture, donc il s’accroche partout.

Mon carnet v. 2.0

Je pratiquais depuis quelques années l’appli CamScanner, qui permet de « scanner » rapidement une page de livre ou un article (en fait, c’est une photo qui est intelligemment recadrée et retouchée avant d’être sauvegardée au format PDF ou jpeg). Or, avec un BuJo papier, on peut avoir envie de transporter une page sans le carnet entier (par exemple, une page d’un BuJo qu’on a terminé il y a un mois, mais la page est toujours d’actualité). J’ai donc eu l’œil attiré par un carnet Leuchtturm aux pages pré-formattées (technologie whitelines) avec des petites icônes dans les coins pour faciliter la numérisation et le détramage avec une appli fournie. En théorie, c’est génial, puisque ça permet de scanner rapidement une page depuis son téléphone et de l’emporter partout, il y a même la possibilité de cocher une case prédéfinie sur la page papier pour un envoi automatique par mail ou dans une appli du cloud (Dropbox, Evernote…) Dans ma pratique, l’appli fonctionnait plutôt moins bien que CamScanner… et de toute façon, j’ai dû utiliser au maximum deux fois la fonction de scanner (pour un carnet de 160 pages…). En conclusion : mon BuJo est de toute façon toujours avec moi, et quand il ne l’est pas, soit j’ai accès à des pages que j’ai scannées sur un bon vieux scanner et sauvées dans le Cloud, soit je me passe du BuJo pendant une journée, ce n’est pas non plus une drogue 😀

Pour celles et ceux qui aiment les très beaux objets, il existe un carnet, le Thibierge (un de mes cousins…) qui propose un très beau carnet, des reliures aimantées permettant de changer de bloc de feuilles facilement, et une appli de numérisation. L’objet est superbe, mais pas à la portée de toutes les bourses… 😉

Mon carnet v. 3.0

C’est ma version actuelle. Marque française (LeMome), il est (encore) un peu moins cher que le Leuchtturm 1917 ou le Moleskine, avec une épaisseur de papier supérieure à celle du Leuchtturm (l’encre transperce moins). Il offre le plaisir de couleurs variées, le confort de DEUX marques-pages tissu (bien pratique : un marque-page pour la page courante, et un autre pour l’Index), et il présente l’avantage d’avoir un porte-stylo élastique déjà cousu dans la couverture. Un plus : les 8 dernières pages du carnet sont détachables selon des pointillés, ce qui permet de noter et de donner le résultat à l’interlocuteur.

J’ai opté pour un LeMome bicolore, qui vient avec des accessoires dont je ne me sers pas (petite règle, autocollants smileys…) mais qui font la joie de certain(e)s ados…

Le stylo

Vous aurez compris que je n’aime pas le stylo-bille. Je préfère faire glisser une plume que de faire rouler une bille qui écrase le papier et marque le verso. Mais le stylo-plume a lui-même ses contraintes : il peut baver (ex : trajets en avion), et l’encre peut mettre un peu de temps à sécher sur le papier, conduisant à des bavures si le doigt vient à effleurer les mots, ou à des pattes de mouche quand on referme le BuJo trop rapidement.

La solution qui m’a duré des années était un feutre-gel 0,7mm de chez Muji. Petit, léger, rechargeable, il était simplissime et suffisait parfaitement à mes besoins. Son seul inconvénient était la disponibilité des recharges de gel : uniquement accessibles au flagship Muji du Forum des Halles (1h30 aller-retour minimum) et non disponibles en ligne, ces satanées recharges me contraignaient à planifier mes réapprovisionnements pour plusieurs mois à chaque fois que j’y allais. Et dans les derniers mois, les recharges avaient tendance à ne plus être suivies, ou seulement en noir. Ça sentait la fin de série.

Et puis grâce à un article d’un excellent Blog, j’ai trouvé la solution idéale : un stylo-bille (roller) à cartouches d’encre de stylo-plume. Ce Schneider vaut 3 francs 6 sous, il fonctionne sur des cartouches d’encre standard de la grande distribution, et son seul inconvénient est que son marché-cible correspond aux enfants de 8-10 ans, donc j’ai un peu galéré avant de trouver un motif qui ne soit pas Transformers ou Winx… (ce qui pourrait faire un effet intéressant lors de certains ComEx).

Les accessoires

Je n’utilise aucun des accessoires vendus « pour la pratique du BuJo », comme des pochoirs métalliques ou des guide-lettres. Pour moi, ces accessoires s’apparentent plus à du scrap-booking ou de la calligraphie qu’à la tenue d’un BuJo fonctionnel et pratique. La petite poche dans le rabat intérieur à la fin du BuJo peut être bien pratique, la boucle élastique pour le stylo et l’élastique de maintien du carnet, ça me suffit comme accessoires « built-in ».

En revanche, mon péché mignon consiste à aller rôder sur Pinterest pour apprendre quelques dessins extrêmement basiques (ce sont plus des icônes ou des festons que des dessins) pour aérer mon BuJo avec quelques graphismes… sans passer 15mn sur un croquis.

Quelques conseils issus de ma pratique

Au fil des années (je suis en train de terminer mon 7ème BuJo), je me suis prescrit des conseils à moi-même que je partage avec vous, au cas où cela intéresserait des aficionados :

  • Le BuJo est avant tout pragmatique et simple – et doit le rester. Ne jamais oublier que c’est sa simplicité qui fait sa versatilité : dessins, fioritures, notes à la va-vite, todo listes ou brain dumps, pages de projets… Et c’est l’Index qui rassemble tout cela en un tout exploitable.
  • Ne pas succomber à la pratique du quotidien (1). On n’est pas obligé de tenir un journal de toutes les journées passées. Au fil des années, je constate que je peux avoir des trous de 2 jours ou plus dans la prise de notes… Qu’à cela ne tienne : quand je reprends le BuJo, je ne fais pas un compte-rendu de toutes ces journées non notées, et je re-démarre là où j’en suis, tant pis pour le trou temporel. S’il y a des choses à noter, elles me reviendront bien assez tôt.
  • Ne pas succomber à la pratique du quotidien (2). Idem quand je démarre la matinée par une réunion ou une idée qui risque de disparaître : je note directement ce qui se passe, quitte à ce que la ligne de temps ne soit pas tout à fait linéaire, il sera toujours temps de raccorder les points après coup (ou pas).

Voilà la fin de la cette série sur le BuJo et ma pratique d’icelui. Je serai intéressé par vos commentaires et remarques sur votre propre expérience 🙂

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BuJo 3 – critiques

Ceci est donc mon 3ème thibillet sur le Bullet Journal. Après la présentation et mes modifications au concept initial, passons à la troisième partie : les limites ou critiques. Nous garderons le quatrième thibillet pour la logistique (« quel matériel ? »).

Les limites du BuJo

Cet article mordant sur le « Boulet Journal » (« le journal de ceux qui méritent une balle« ), en plus d’être très drôle (comme souvent sur ce blog) est aussi très bien vu (bis), et son humour vient pour une grande partie de l’exagération (ter). Il n’empêche, derrière la satire, il y a une vraie observation fine des travers du BuJo. Je vous cite quelques idées, mais la lecture de l’ensemble en vaut vraiment la peine.

  • Première critique, la plus importante : le côté « je démarre en fanfare et j’abandonne tout au bout d’un mois »

« Le Bujo est […] un peu aux travailleurs de septembre ce que l’abonnement à la salle du sport est aux motivés du mois de janvier : une manne de pognon tirée des illusions annuelles d’autrui. »

dans l’article sus-cité

C’est un travers que j’ai déjà mentionné à propos de la méthode GTD ou de toute autre méthode de développement personnel, et je vous livre ci-dessous mon analyse de la relation amoureuse qui s’instaure pour un système, telle que j’ai pu la voir chez quantité de personnes adeptes de la productivité personnelle. Prenons l’exemple de Robert pour illustrer cette courbe, et je vous ai fait un petit schéma qu’on pourrait appeler « Le cycle amoureux d’un système de productivité personnelle ».

  1. Dans la première phase (début de la flèche verte), enthousiasme ! Robert s’ébaubit devant ce système qui correspond enfin au système absolu qu’il cherchait depuis toujours et qui va changer sa vie, résoudre ses problèmes, déboucher son évier et repriser ses chaussettes. Il s’y met donc comme un furieux, le plus souvent en migrant dans ce système tout ce qu’il avait éparpillé dans le système précédent – forcément discutable, puisque Robert n’en était plus vraiment satisfait.
  2. En parallèle, prosélytisme ! Robert en parle partout, à tout le monde, il convainc, évangélise des amis et collègues qui ne lui ont rien demandé, et il les supplie de passer à ce nouveau système, parce que c’est pour leur bien. C’est une phase où certain(e)s peuvent atteindre des sommets d’enthousiasme communicatif, et je connais plus d’une personne qui a pu être mesmérisée par cette stratégie, Robert agissant tel un Bill Graham ou un Tony Robbins (démonstration vivante de la PNL), en utilisant une communication dont l’effet est d’autant plus fort qu’il ne dure pas longtemps dans le temps.
  3. Ensuite (flèche jaune), idéation ! En fait, le système s’auto-entretient, parce que Robert passe plus de temps à gérer son système… qu’à accomplir des choses. Il peaufine, il indexe, il classifie, et surtout, il ordonne ses priorités. Et puis il les réordonne. Et puis il peaufine son système de gestion des priorités. Et puis Robert en parle : « tu as vu, sur ces 18 tâches à faire, j’ai choisi quelles étaient les plus importantes, je vais te montrer ». Et pendant tout ce temps, un humble tâcheron sans méthode aurait probablement accompli les 18 tâches, sans ordre, mais avec la satisfaction de faire les choses au lieu de les planifier. Et voici donc un paradoxe : on peut traduire « faire les choses » par Getting Things Done, mais ce système GTD peut conduire les personnes à passer plus de temps à planifier qu’à faire effectivement. C’est une procrastination particulièrement redoutable, car elle donne l’impression qu’on est productif, alors qu’on ne travaille qu’à la périphérie des tâches. C’est peut-être pour ça que certaines personnes ont créé l’odieux néologisme prioriser : en transformant un processus (établir un ordre des priorités) en verbe, elles se donnent peut-être l’illusion d’être dans l’action, alors qu’elles ne sont que dans la prévision des actions. Par analogie, en Ennéagramme, certaines personnes narcotisent sur le développement personnel, c’est-à-dire qu’elles lisent tous les livres sur le sujet et apprennent toutes les variantes des caractères, ce qui est une manière très efficace de dépenser beaucoup d’énergie… pour éviter de travailler sur son propre développement personnel ! 🙂
  4. Tout de même, le système marche (ou Robert se convainc qu’il marche) et toute la vie de Robert se réoriente autour… jusqu’à ce que l’on arrive à la croisée des chemins :
    1. Dans un cas, le temps passe, et le système devient trop lourd à gérer. Robert l’abandonne progressivement, et l’oublie… C’est la phase de Lassitude. Et puis un jour, inopinément, dans une page de blog ou dans un livre de développement personnel, un nouveau système apparaît dans le radar de Robert, et on retourne à l’étape 1. du cycle amoureux. Le cercle amoureux – et vicieux – est bouclé (flèche rouge).
    2. Mais notez que la phase 3. ne conduit pas automatiquement à un éternel retour vers la phase 1., car (heureusement pour nous) il y a des relations amoureuses qui se stabilisent et qui durent, durent, durent… Dans ce cas, que je souhaite à tous les Robert du monde, le système devient vraiment intégré, et donc utile : il remplit humblement sa fonction et cela peut durer des années (flèche bleue).

Comme on l’aura compris, c’est une vraie critique, généralisable à tout changement d’existence : la capacité à tenir dans la durée. Certains abordent ce sujet par l’établissement de routines, qui demandent du temps pour devenir des automatismes. D’autres rappellent une idée fondamentale : rien ne se fait sans envie, et rien ne se continue sans motivation. L’erreur souvent commise est de se tromper de motivation, c’est-à-dire ne pas arriver à identifier la motivation fondamentale qui nous anime. Du coup, il y a un effet papillonnage, voire comme le dit l’école de Palo Alto « faire encore un peu plus de ce qui ne marche pas ». Cela me semble important de le mentionner ici, car la « gestion du temps » est un des grands fantasmes vendeurs en Occident, au même rang que les régimes minceur, les techniques sexuelles ou la remise en forme… Le schéma ci-dessus pourrait en fait s’appliquer à quantité de domaines.

  • Deuxième critique sur le BuJo : « il faut tout faire soi-même ».

Vous voulez dire qu’un outil présenté pour améliorer sa productivité est un outil qui va nécessiter plus de temps qu’avec un simple agenda pour s’organiser ? Et donc, que vous allez perdre en productivité ? […] Pour votre information, un agenda pré-rémpli, ça coûte aux environs de 5€.

dans le même article

C’est vrai que cette mode du BuJo donne un peu l’impression de réinventer la roue : « Allez, les gars, on va vous apprendre à vous organiser, première étape : noter ce que vous devez faire… » (comme dirait Aymeric, « c’est ça, prends-moi pour un jambon »).

Mais j’en ai déjà parlé, c’est justement l’avantage du concept de BuJo : sa versatilité. Là où Simon-Pierre va écrire au fil des pages, façon journal, Zachée va créer systématiquement des pages « Projet » tandis que Magdalena ne jurera que par l’utilisation des plannings mensuels. Et c’est justement parce que les pages sont vierges que chacun(e) est libre de trouver son système. Tout carnet papier est un BuJo en puissance, puisque le BuJo, avant d’être un objet physique, est avant tout un système mental (pour ceux qui pratiquent la méthode GTD, on retrouve la même idée : peu importe l’organisation matérielle, tant qu’on respecte les règles). C’est notamment cela qui m’a permis de faire mon propre ménage, en enlevant ce qui ne me plaisait pas, ou en ajoutant ce qui me manquait. Comparativement, essayez de faire ça avec un agenda du commerce vendu à 5€ : arrachez les pages d’éphémérides, ou les mappemondes en couleur, supprimez les sections qui ne servent pas. Bonne chance…

  • Troisième critique : les dessins et coloriage.

[…] qu’on s’organise sur papier, par téléphone ou ordinateur, chacun est libre de faire ce qu’il veut. Mais si quelqu’un confond boulot et atelier coloriage, cela mérite de lui renverser son bureau sur le coin de la truffe.

dans l’article très drôle sur le Boulet Journal
Cette rosace…

C’est vrai que j’ai déjà mentionné ce paradoxe : un carnet qui est vendu comme un système de productivité devient souvent un bel objet de scrapbooking ou de calligraphie – ce qui prend littéralement des heures. Si ça me prend 30 minutes pour dessiner la page du jour avec des belles lettres et des festons, c’est sûr que je vais avoir des problèmes de temps… 😉

La tache libère de la tâche

Pour éviter la tentation esthétique, dès le début, j’ai essayé de « salir » mon premier BuJo. Pour moi, une trace de tasse à café ou des gouttes de thé qui ont délayé certaines lettres, ça fait automatiquement passer le BuJo de « objet esthétique qu’on ne doit toucher qu’avec des gants, en ayant longuement médité avant d’écrire » en « objet du quotidien qu’on utilise, qu’on corne et qui se prend des gnons ». Et cela évite de retenir sa respiration ou de tirer la langue en transpirant dès qu’on trace la date du jour ou une liste de tâches… (Et ce processus de salissure assumée correspond, pour les archéologues de ce blog – les archéoblogues, donc – à la Batana que j’avais appelée Raflure).

Cela étant dit, je pratique un peu de coloriage dans mon BuJo, de façon très light, c’est-à-dire en deux occasions uniquement :

  • Coloriage « priorités ». Quand je suis confronté à une longue liste, généralement obtenue par un Brain Dump (cf. deuxième thibillet sur le BuJo), cela m’aide de fixer mes priorités à l’aide de couleurs (un petit cercle autour de la case à cocher, donc c’est plus une touche de couleur qu’un coloriage) :
    • tâche en rouge : prioritaire.
    • tâche en orange : degré d’importance / urgence en peu en deça (en gros, quand les tâches rouges sont faites).
    • tâche en vert : pas urgent (mais peut-être important), donc à noter pour ne pas oublier.
    • et toutes les autres tâches, sans couleur. Le but n’est pas d’affecter un code couleur à toute les tâches de la liste, mais de décider quelle sera la ration du jour ou de la semaine, et les autres attendront…
    • Ce coloriage a aussi un mérite : éviter la déprime face à un Brain Dump de deux pages qu’on assimilerait trop vite à « ToDo list de deux pages » – donc insurmontable, et déprimante à lire. Le fait de ne regarder que les tâches de couleur permet d’alléger la contrainte, en identifiant les bouchées du jour, sans culpabiliser sur toutes les autres tâches restant à faire.
  • Coloriage « détente ». Cela arrive le plus souvent le week-end, ou plus rarement, pendant une période de pause dans mon bureau, je reviens sur une dizaine de pages et je mets quelques touches de couleurs sur les cartouches de dates ou des titres, ou au coin de certaines pages, pour égayer un peu l’ensemble et quitter le noir et blanc. Cela arrive toujours après coup, et c’est une phase de détente, un peu comme Jung qui dessinait des mandalas. Cela permet aussi de relire et de faire le point, soit pour faire surgir de nouvelles idées ou encore, pour réaligner ses priorités. Je le vois vraiment comment une respiration nécessaire et une prise de recul. Stephen Covey insiste sur la différence entre la Production et l’entretien de la Capacité de production. Or, le BuJo peut devenir très orienté « Production » uniquement, car ce n’est après tout qu’une énorme ToDo list. La phase de coloriage « détente » permet aussi de se poser, de respirer, et de consacrer un temps non productif à la prise de recul.

Ou pour citer Richard Branson,

Quite often you will only do 50 per cent of things on to-do lists because, on reflection, only 50 per cent are worth doing. But by putting things on lists it will help clarify what’s worth doing and what’s worth dropping.

https://www.virgin.com/richard-branson/doing-your-do-lists

Voilà pour aujourd’hui. Il me restera un quatrième (et probablement dernier) thibillet à écrire sur le sujet du BuJo, avec mes essais et erreurs sur le matériel à utiliser, et mes ultimes idées sur le « système BuJo ». D’ici là, vos idées et contributions sont les bienvenues.

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Paperasse administrative hero

The Boss qui bosse…

Ma découverte du jour pour faire de la paperasserie et de l’administratif (un 27 décembre… et dieu sait si ça fait des années que j’écris sur la procrastination), c’est un concert Live.

Un oeil sur l’écran, un autre sur les papiers à classer / scanner / passer au broyeur. Merci Mr. Springsteen… C’est sur Netflix actuellement, mais le Live à Dublin, un de mes préférés, est en DVD 😉

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BuJo 2 – ajouts, modifications, retraits

Voici la suite de mon expérience sur le Bullet Journal (BuJo). Dans un premier thibillet, j’ai expliqué ce que c’est, et comment et pourquoi j’y suis venu. Voici maintenant comment j’ai adapté l’idée originale du BuJo, avec notamment ce que j’ai gardé du concept, et ce que j’ai abandonné.

Qu’est-ce que j’ai gardé du BuJo original ? Less is more…

En fait, j’ai gardé très peu de choses ! Le BuJo original sert en même temps d’agenda et de carnet d’organisation, et le côté agenda papier ne m’arrangeait pas. Je préfère avoir plusieurs agendas en ligne (perso, pro…) synchronisés avec mon smartphone, et je ne vois pas pourquoi je ré-écrirais à la main des dates et des plannings alors que des outils numériques me les fournissent automatiquement, avec la portabilité qui va avec. J’ai donc supprimé les pages « mois » dans mon BuJo, ainsi que tout ce qui faisait référence à des plannings.

Pendant un certain temps, j’ai tenu des pages de métriques. C’était intéressant, car je choisissais ce que je souhaitais suivre : combien de méditations j’avais faites dans le mois, combien de fois j’étais allé courir, combien d’heures de cours chaque semaine, combien d’heures de coaching, combien de restaus, combien de jours sans alcool… J’avais même une métrique hebdomadaire sur le nombre de mails dans la boîte de réception et dans la boîte d’envoi. Mais en fait, cela représentait plus de contraintes que d’avantages : le temps que j’y passais toutes les semaines était plus fastidieux et consommateur de temps (car il faut noter, revenir en arrière pour compter…) que l’avantage que j’aurais éventuellement pu retirer de ces statistiques mensuelles – et je n’ai pas eu la patience de continuer cet enregistrement sur plusieurs mois, donc je ne suis pas arrivé au point de pouvoir exploiter des statistiques d’évolutions ou de tendances.

Enfin, je constate que pour beaucoup de personnes, le BuJo devient un petit objet d’art : ils/elles mettent du temps à dessiner les titres, se forment à la calligraphie, ajoutent des guirlandes de festons ou de la washi tape, des couleurs… Une recherche sur Qwant Images donne une idée, cliquez sur ce qui vous attire l’œil, et imaginez le temps passé… 😉

J’en vois bien l’avantage : du plaisir, de la personnalisation d’un objet qui est en fait un compagnon du quotidien, et donc des très jolies pages bien léchées. Pour ma part, je fais le strict minimum :

  • un peu de crayon de couleur pour égayer toutes ces pages d’écriture, et surtout repérer les encadrés de notes ;
  • quelques images stylisées (je suis plus Keith Haring que Delacroix) ;
  • quelques emojis de base ;
  • et c’est tout.

À une époque, j’avais réalisé un marque-page supplémentaire (pour pouvoir en même temps marquer l’Index, et la page courante), mais mes BuJo récents ont désormais deux marques-pages inclus dès l’usine. Voilà pour la personnalisation 🙂

Qu’est-ce que j’ai ajouté ou amélioré par rapport au concept original ?

Trois points : la signalétique, l’Index, les Brain Dumps.

La Signalétique

C’est visiblement une signalétique qui plait à Ryder Carroll, le concepteur du BuJo original, mais pour ma part, je suis habitué depuis des années à noter une chose à faire sous forme d’une case que je pourrai cocher plus tard (c’est visuellement beaucoup plus facile de voir ce qui reste à faire, plutôt que de traquer des points…) Or, au fil des années où je notais ces cases, mon trait s’est arrondi, et maintenant je fais des cercles, c’est plus rapide et plus harmonieux. Donc voici ma signalétique :

Comme on peut le voir, c’est la pratique qui conduit à des choix personnels.

L’Index

L’index est pour moi la grande force du BuJo. L’utilité des pages numérotées, c’est de pouvoir retrouver facilement que les réunion sur le projet Beta sont consignées dans les pages 8 à 13 et 35-36. Mais l’index du BuJo original est trop simple à mon goût : on le remplit au fur et à mesure qu’on remplit les pages. C’est donc un Index chronologique. Cela va donc donner, par exemple :

Notez que les entrées d’index suivent les numéros de pages. C’est donc facile à remplir au fur et à mesure, mais pour retrouver une entrée d’index donnée, il faut balayer tout l’index, puisque l’entrée des rubriques se fait au fil du temps, au fur et à mesure qu’on remplit les pages du BuJo. Je suis donc passé pour ma part à un Index alphabétique : quand je démarre un nouveau BuJo, je consacre les 3 premières pages à préparer l’Index, avec les lettres A-F réparties sur la première page, G-M sur la deuxième page et N-Z sur la troisième. Cela prend littéralement 5mn. Puis je remplis au fur et à mesure mon BuJo en reportant les pages dans l’Index, et avec l’habitude, j’ai souvent les mêmes entrées qui reviennent. Au bout de quelques semaines, cela donne quelque chose comme suit :

C’est donc plus conforme à un Index de livre. Et en cas de doute sur le libellé à inscrire, je fais un renvoi. Par exemple, pour des vacances en Ecosse, je vais inscrire

  • « Vacances : 45-57 » à la lettre V
  • « Ecosse, voir Vacances » à la lettre E

Ma pratique est que ces renvois sont finalement assez rares. Cela dépend clairement de la taille souhaitée pour une rubrique d’Index, et ça vient avec la pratique. Par exemple, mes cours ne sont pas classés dans une rubrique fourre-tout « Cours », car elle aurait trop de pages de référence sans lien clair entre elles. Mes cours sont donc identifiés dans l’Index par programme ou nom de cours (AnaF, EMIB, MBA…), c’est bien plus simple.

Les Brain Dumps

Initialement conçu par David Allen dans sa méthode GTD, le brain dump consiste à marquer tout ce qu’on a en tête (c’est-à-dire, toutes les tâches à faire) au fur et à mesure qu’on y pense. Littéralement, c’est donc un « vidage de cerveau » qui consiste à mettre toutes ses préoccupations sur le papier. Dans le cadre du BuJo, voici ma manière (simple) de procéder :

  • à un moment donné, j’ai besoin d’avoir une méga todo list sous les yeux. J’ouvre donc une nouvelle page que j’intitule Brain Dump, et je liste, sous forme de tâches, tout ce qui me passe par la tête. Souvent, le fait de noter une chose fait penser à un autre projet, donc la liste se remplit vite et sans effort de réflexion. Cela prend facilement 10-15 minutes. C’est la phase de vidage du cerveau.
  • Je vérifie alors si je n’ai pas des tâches non encore faites (donc restées marquées O ) dans les pages du BuJo et je les rajoute au Brain Dump. C’est la phase de vérification (tout collecter).
  • Puis vient la phase d’organisation. Le but est de transformer une liste longue, donc déprimante, en un ensemble de tâches à accomplir dans les prochains heures ou semaines. Chacun(e) a sa méthode de priorités, pour ma part j’utilise 3 crayons de couleur, et j’applique bêtement la Matrice d’Eisenhower (Urgent vs. Important, que j’avais raffinée avec une troisième dimension) sans passer des heures à raffiner les priorités : le but est de faire ressortir les 3-4 choses à faire en premier, et le reste viendra après.

Voilà en quelques idées comment j’ai adapté les idées originales (et bien utiles) du BuJo pour répondre à mes besoins. Et vous, avez-vous fait des modifications à la méthode de Carroll Ryder ?

Dans un prochain (et avant-dernier) thibillet sur le thème du BuJo, j’indiquerai les chausses-trapes et difficultés du quotidien avec un BuJo, les critiques du système, et comment j’ai trouvé mes méthodes de résolution de ces problèmes.

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BuJo (Bullet Journal) 1

Cela fait maintenant plus de 2 ans que j’utilise un Bullet Journal (en abrégé, BuJo), et il est donc temps de témoigner, car la preuve de la durabilité de ce moyen d’organisation est faite pour moi. En effet, j’ai vu beaucoup de personnes démarrer en fanfare, poster des billets de blog pendant quelques mois… et puis passer à autre chose. C’est l’apanage de beaucoup de systèmes d’organisation personnelle comme la méthode GTD : une des difficultés principales est de continuer à les utiliser dans la durée.

Au terme de plus de 2 ans de pratique, j’ai donc entamé récemment mon 6ème BuJo, et cela me semble intéressant de rendre compte de ma pratique de cet outil.

Qu’est-ce que le BuJo, en général ?

Le Bullet Journal est un carnet qui sert à tout, mais qui vise à une organisation personnelle sur un mode chronologique, entre agenda, carnet de notes et journal d’activité (log book).

Voici le site officiel, avec surtout la vidéo (en anglais), assez bien faite pour comprendre le principe : http://bulletjournal.com/ et ici, son avatar français : http://bulletjournal.fr/

Pour ma part, j’ai retenu certaines idées fondamentales, mais au fil du temps, j’ai aussi abandonné beaucoup de choses (planning futur, planning mensuel…). J’ai aussi changé la signalétique des « puces » et la manière d’organiser l’index (nous verrons cela dans un autre thibillet).

Pourquoi suis-je venu au BuJo ?

La plus importante raison était que je suis souvent amené à travailler seul, voire en télétravail, et que certaines journées se terminaient avec l’impression (fausse, mais persistante) que je n’avais rien fait. Il me fallait donc un outil qui me permette de traquer tout ce que j’avais fait et que j’avais oublié, non seulement pour information (une liste de toutes les actions cochées), mais aussi pour mon organisation (« maintenant que ça, c’est fait, voilà les étapes suivantes »). Pour les familiers de la méthode GTD, il me fallait quelque chose de plus pratique à transporter que les 43 dossiers.

Pendant des années, j’avais utilisé des ToDo listes, avec l’inconvénient majeur que ces listes sont des papiers volants. Soit on termine toutes les tâches de la liste, et dans ce cas on barre tout avec jubilation et on jette le papier (cela fait partie de la satisfaction), soit on n’a pas tout fait, et on laisse une partie au bureau (ToDo pro), une autre chez soi (ToDo perso), une autre dans son téléphone (ToDo vrac), et il n’y a pas un endroit unique où elles sont collectées et accessibles. Et si en week-end je veux avancer sur mon travail, ou bien réaliser des tâches personnelles durant la semaine, il faut réécrire une ToDo liste dédiée, c’est-à-dire refaire encore un processus de mémorisation (« est-ce que je n’oublie pas un truc ? ») et de choix des priorités (« je commence par quoi »), ce qui est consommateur de temps et d’énergie.

Un autre attrait du BuJo était pour moi sa versatilité. En effet, il se vend dans le commerce quantité de plannings et d’agendas qui sont tout autant des méthodes d’organisation personnelle : malgré un discours du type « inventez votre vie », ils imposent en fait leur propre système de pensée. Par exemple, dans un agenda, chaque jour aura un encadré « les 3 choses les plus importantes à faire », ou bien un espace pour noter les gens à rappeler, ou encore une citation, un calendrier du mois… En bref, des rubriques qui servent à certaines personnes, mais pas à d’autres, et pas toutes les semaines.

Et surtout, chaque jour aura la même taille, alors que l’on sait que pour certains jours, l’espace ne sera pas suffisant pour noter tous les rendez-vous (sans parler des notes), tandis que pour d’autres dates, il n’y aura quasiment rien à inscrire sur la page. Or la pratique montre que j’ai des journées qui prennent ½ page de BuJo, tandis qu’une réunion de 2h peut facilement remplir 5-6 pages (dessins inclus 😉 )

Voici, en une vidéo déprimante (pour moi), les défauts d’un système de planning « classique ». Ironie : la vidéo s’intitule « a very quick introduction » et fait plus de 17mn… En cliquant sur les liens, vous arrivez directement au moment approprié de la vidéo, et ce n’est pas grave si le commentaire est en anglais, il suffit de regarder les images quelques secondes pour comprendre :

Par opposition, un BuJo n’impose quasiment rien « en dur ». Il suffit d’avoir :

  1. un Index (2-3 pages dédiées au début du carnet, que l’on dimensionne comme on veut)
  2. des pages numérotées (mais que l’on peut numéroter soi-même au fur et à mesure).

En résumé, n’importe quel carnet de notes peut être transformé en BuJo, suivant les goûts de chacun(e) et je donnerai dans un autre thibillet mes préférences.

Cette versatilité conduit à un autre avantage : cela devient un carnet tout-en-un. C’est un bloc-notes pour prise de notes en réunion, un carnet de dessin ou d’humeur, un journal du fil des jours, un organiseur, un livre de recettes ou d’idées ou de listes… Le tout en un seul carnet, avec un Index qui permet de revenir facilement aux pages concernées. C’est ainsi que j’y ai collecté mes réunions de travail sur différents projets, le déroulé de mes semestres, mes cours de plongée pour passer le PE 40, mes voyages en Ecosse, l’organisation de mes journées, mes idées d’articles… C’est donc en même temps un outil tourné vers la collecte d’informations pour consultation ultérieure, et un outil d’organisation du quotidien. L’avantage du côté tout-en-un est notamment que la distinction « vie personnelle vs. vie professionnelle » n’a plus grand intérêt. Déjà que la limite est floue pour un professeur, qui plus est avec une activité de coaching, mais même dans le cadre d’une vie moins déstructurée, le BuJo réalise la synthèse entre deux carnets, l’un étant un agenda + bloc-notes pro, et l’autre étant un journal personnel. Cela dit, je serais intéressé de savoir si certains types de métiers prédisposent plus à l’utilisation du BuJo. Je vois par exemple beaucoup de consultants pratiquer le carnet papier dans les réunions… Avis aux aficionados : des idées ? Des comptes-rendus d’expérience ?

Dans un prochain thibillet, nous verrons comment j’ai adapté l’idée originale du BuJo, avec notamment ce que j’ai gardé du concept, et ce que j’ai abandonné.

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How to secure a rock-steady profitability: A Scottish anecdote

Whisky is sunlight held together by water
(displayed on a board outside a pub in Edinburgh)

[you can find a French version of this article here]

Haut Brion, Petrus…

This summer, we got stranded on the Isle of Arran (Scotland) while we were heading to the Arran Distillery, and that proved to be an enlightening experience, not only for the picturesque situation, but also for the underlying concepts in finance that stemmed from those adventures – even though we had eventually to cancel the distillery tour.

Before we move to the anecdote per se, let us first recap some basic corporate finance (spiced with basic strategy). In most, if not all, of the businesses, the source of your revenues stems from your assets. And what is the definition of an asset? What are the characteristics for a thing to qualify as an “asset” to your company?

  • First, your asset must be generating revenues. Or, to put it the other way around, the generic definition of an economic asset is that it is something (it could be literally anything) that generates revenues to your company. In that sense, an apartment you own is an asset to you: you could rent it, or sell it, hence generating revenues. And as you can see with the apartment example, what we call revenues might even be extended to “saving on expenses”. Indeed, the mere fact that you own the apartment, and live in it, helps you not pay a rent. Therefore, in marginal analysis, your apartment generates a revenue (that is, a non-expense) to you.
  • A second characteristic of an economic asset is stability: it should generate a recurring revenue. As an illustration of revenue stability, we can imagine that your company owns a cask of whisky, and only one. If you offer regular tastings for a fee (e.g. 2 £ for a dram), we can talk about a recurring revenue… up until the cask is dry, and then your revenue is as gone as the angels’ share. Or, if you want to sell the whole cask, you will get a one-time revenue, and then nothing ever more. So the quality of an asset also pertains to the durability and/or the stability of the revenues it generates. A unique cask of whisky will generate temporary revenues, whereas a field of barley and a tractor, coupled with a spring source, a distillery and a warehouse, if properly managed, could generate revenues for centuries. In other words, one key aspect in finance (and strategy) is to make sure that your assets consistently deliver a stream of revenues, and one of your missions as a financial manager would be to capitalize on all the means to make sure that those revenues remain stable and recurring.
  • So, those are the qualities for an economic asset: the fact that it that generates a revenue to your company, and that this revenue is on a recurring basis. But there is one more characteristic if you want to record it in your balance sheet: the asset must be your property. In Europe, this goes as far as establishing your right of ownership on those assets (a bill for a machine, a trademark for a brand). If your company cannot exhibit a proof of ownership, those assets cannot be recorded in the balance sheet. For example, training of the employees might be considered an economic asset, in the sense that training them will either increase your company’s revenues (competent employees generate more sales) or it will diminish your costs (well-trained workers help save money). But since the company has no right of ownership on the employees, nor on their training, this economic asset does not qualify as an accounting asset that can be recorded in the corporate balance sheet. Still, it generates a recurring revenue, and providing that it is properly maintained (frequent investments in training), that revenue could last forever.

Now, let’s go back to my trip to the wild hills of the Isle of Arran. One Sunday morning, after a copious, hearty and delicious (in one word, Scottish) breakfast, I was driving on the unique road that circumvents the island, having booked a tour at the unique distillery at noon. But alas, all of a sudden, while I was leisurely telling my partner “hey, look, the sheep over there!”, there was a loud bang, and I burst a tyre. Please picture, if you can, a stopped car on the side of a desert road, a desolate academic and his partner surrounded by hills and cattle and clouds, a distillery whose promises vanish in the distance – a good 5 miles down the road, no mobile phone network, and buzzards already circling for the feast. Driving at a cautious 5mph, I finally managed to reach the distillery, where the people at the reception exhibited the Scottish hospitality in letting us use their landline phone to call for help at the four corners of this round island. And after 30 minutes, like an angel with greasy hands and a broad grin on his face came Angus and his truck (we will call the truck “Phantom 309”). Angus secured the car on the platform and we hopped in Phantom 309 to go to the garage. This is where the journey proved to be enlightening.

Driving with one hand, manoeuvring this big rig on that small road, Angus would delight us with local anecdotes or give us his opinion on the different types of whiskies that a palate can find in this blessed land of Scotland, mostly Highlands and islands. And then, all of sudden, he pointed at something on the side of the road: “here is your rock, I bet!” I checked the environment, and yes, it could have been there that we burst the tyre. Angus kept explaining: “this is a rock on which, I would say, there’s a burst tyre almost every week, sometimes more than that”. And as he drove south, he pointed other good rocks, and I complimented him on this business (as a matter of fact, Angus has the only business of towing and tyre repair on the whole island). Then it occurred to me that those rocks were probably qualifying as assets, in Angus’ business. Well, he did not own those rocks, but they were immovable, pretty hidden by the side of the road, but still very effective, and they surely represented a source of stable revenues for his company, probably until kingdom come, with no maintenance to perform.

So my final questions are: can we indeed consider that those rocks are assets for this type of business? Or, another way to ask the question: what could prevent us from classifying those rocks as assets? And finally, could we imagine other types of businesses that tap on such natural resources to secure their revenues?

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De l’influence des lectures d’enfance sur la consommation d’alcool

Cet été, j’étais dans les Highlands, face à un bar d’hôtel et à un dilemme. Il s’agissait de choisir le verre de digestif – le bonnet de nuit, comme ils disent là-bas – et cela ne pouvait être qu’un whisky single malt écossais, mais une fois ces prolégomènes annoncés, comment choisir ? J’ai déjà goûté du Laphroaig, Bowmore, Lagavullin, Dhalwinnie, Glenmorangie, Bruichladdich, Jura, Arbeg, Bonnahabain, Oban, Arran, Tasliker, Clynelish, Edradour… et j’en oublie probablement. C’est alors que j’ai avisé deux whiskies qui, tels une madeleine de Proust ou W, le souvenir d’enfance de Pérec, m’ont ému et attiré.

Quand j’étais jeunot, j’ai lu quelques polars anglais de Charles Exbrayat, dans la collection du Masque, et notamment « Le colonel est retourné chez lui ». Ce petit polar humoristique mettait en scène un colosse en kilt, Malcolm McNamara, qui avait un poing « gros comme un petit melon » dont il n’hésitait pas à se servir en cas de légitime défense. Ce plaisant Ecossais venait de Tomintoul, petit village des Highlands. Quand, à la fin du roman, l’assemblée lui demande « mais enfin, parlez-nous de Tomintoul », il répond en hésitant « ce sont des champs… des moutons… du vent » puis il se ravise, et prend sa cornemuse en disant « voilà ce qu’est Tomintoul » et il se met à jouer. Et quand il s’arrête de jouer, tout le monde pleure, et pour paraphraser Sacha Guitry, quand la musique sur Tomintoul s’arrête, le silence qui suit parle encore de Tomintoul.

Donc, mon choix du premier soir – Tomintoul, 10 ans d’âge.

Un single malt que j’ai trouvé très classique, bien construit et équilibré, et qui m’a inspiré l’idée suivante. Beaucoup de villes et villages des Highlands ont une distillerie et produisent du whisky. Or, quoiqu’ils en disent, ils utilisent tous le même processus : de l’orge fermenté en bière d’orge, elle-même distillée plusieurs fois, puis le résultat est mis en fûts et maturé pendant 10 ans (les puristes me pardonneront ce résumé). En d’autres termes, même s’il peut y avoir des variations sur la provenance des orges écossais, et sur les caractéristiques de l’eau de source employée, et quand on ajoute que les tonneaux viennent en majorité des mêmes fournisseurs, il n’y a pas de raisons que le résultat soit tellement différent d’une distillerie à l’autre.
À part quand il y a eu un écart volontaire de ce processus. L’exemple le plus typique en est le tourbage, consistant à sécher l’orge à un feu de tourbe, ce qui va donner un goût fumé plus ou moins prononcé au whisky. Un autre exemple est le cas des whiskies iodés (ou marins), car soit leur eau de source contient une proportion plus forte d’iode en raison de la proximité de la mer, soit les fûts sont mis à maturer directement sur la plage (bienheureux voisins de la distillerie de Laphroiag). Et puis il y a les variations de fin de maturation : 2 ans en fût qui avait servi à du sherry, 1 an en fût de bourbon, et aussi dans des tonneaux de grands crus français 🙂
Mais si certains whiskies se démarquent ainsi, la plupart respectent le processus annoncé ci-dessus (pour ceux qui souhaitent aller plus loin dans cette réflexion, voici le lien vers l’excellent Scotch Malt Whisky Flavour Map).
Donc, pour reprendre ma dégustation de Tomintoul : j’ai eu du mal à le situer, puisque mes références classiques n’avaient plus lieu d’être. Je ne pouvais pas dire « il est plus tourbé qu’un Laga » ou « il est iodé comme un Oban ». Il était juste… comme un single malt de bonne facture. La comparaison la plus proche, pour moi, était le Glenmorangie. En résumé, le Tomintoul 10 ans est à l’image du souvenir que je garde de Malcolm McNamara : simple, très solide, sans fioritures. Et fort. Un vrai Écossais. Et ne vous avisez pas de vous moquer d’un écossais en kilt : ils portent tous un poignard dans la chaussette droite…

Mon choix du deuxième soir – Loch Lomond, 10 ans d’âge.

Autre lecture de jeunesse, Les aventures de Tintin, et notamment Tintin et les Picaros, où – à ma connaissance pour la première fois – on apprend que le capitaine Haddock boit du whisky Loch Lomond. J’ai donc été agréablement surpris de voir que ce whisky existait vraiment, et n’était pas une invention d’Hergé. Une dégustation s’imposait.
En fait, même s’il démarre comme le Tomintoul, avec une attaque classique et parfumée, mais sans élément notable (ni tourbé comme un Talisker, ni fruité, ni liquoreux comme un Clynelish…), ce Loch Lomond évolue de manière vraiment étonnante. Au fur et mesure des gorgées (parcimonieuses, pour faire durer), il gagnait en rondeur, en parfum, et s’adoucissait. Le whisky du début, avec son attaque, devenait mollement alangui et mielleux, doux et tendre. Et encore une fois, j’y vois un parallèle avec son illustre consommateur Archibald Haddock. Le capitaine commence souvent gaillardement à boire, mais il a le whisky sentimental : plus il déguste, et plus il s’attendrit (alors que, par opposition, le rhum le rend belliqueux, comme par exemple dans Le secret de la Licorne).

Ce n’est qu’après coup que, saisi par le doute, j’ai cherché la distillerie Loch Lomond. Hélas, elle n’a été (ré) ouverte qu’en 1964 – et encore, elle ne s’appelait pas Loch Lomond à l’époque – et la première production de whisky « Loch Lomond » n’a démarré qu’en 1984, soit un an après la mort d’Hergé. Cela dit, il est encore possible d’acheter du Loch Lomond de cette première édition 😉

En guise de conclusion optimiste après cette déception, et pour faire la transition avec mes lectures d’adulte, j’aimerais citer les idées de Jung telles qu’il les a exprimées dans Ma vie – Souvenirs, rêves et pensées (un de mes livres pendant cette escapade écossaise). Dans son autobiographie, Jung revient sur l’idée d’inconscient collectif, ce bagage inconscient que nous héritons dans nos gènes et qui remonte aux débuts de l’humanité. Et je me plais à rêver qu’Hergé, inspiré par son inconscient, n’a pas inventé le whisky Loch Lomond, il a juste cristallisé une idée collective sous forme dessinée (l’art est souvent un des premiers annonceurs des idées de l’inconscient) avant que, des années après, des sympathiques Écossais qui n’avaient jamais entendu parler du Capitaine Haddock décident de lancer cette marque de whisky. De Tintin à Jung en passant par Tomintoul, ce fut un beau voyage.

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Lettre à l’ado que j’ai été

(pour plus d’informations sur l’origine de cette lettre, voir ce thibillet)

Salut mon vieux,
C’est ton moi du futur qui t’écrit, en l’année 2018. J’ai donc cinquante ans, et sache que moi aussi, ça m’étonne pas mal. De ton côté, tu as une quinzaine d’années, et ton univers est constitué de 3 chaînes de télévision (c’est beaucoup), la lecture quotidienne de la section BD de France-Soir de ton grand-père, une platine disque avec beaucoup de 45 tours et de 33 tours, et les radios libres en bruit de fond. Il y a aussi des livres de Donjons et Dragons qui traînent à côté du Sharp PC 1211 de ton frère (une calculatrice avec programmation en Basic, autant dire le futur). Et des livres, partout, et de l’acné, partout.
Je vais te donner quelques conseils, qui valent ce qu’ils valent, mais qui peuvent te faire gagner quelques années, ou t’éviter quelques détours d’existence. C’est un renvoi d’ascenseur, puisque tu avais écrit des conseils à l’adulte que tu allais devenir un jour, et oui, je les ai lus et conservés. Je ne peux pas te dire, hélas, si tes conseils m’ont servi, et si j’adhère toujours à tes idées. Doc Emmett Brown a bien démontré le danger d’en savoir trop sur le futur. Je me souviens encore de ton premier visionnage de ce film, et de l’éclat de rire de Laurence T quand Marty McFly attrape le camion, sur fond de Huey Lewis and the News.
Premier conseil : arrête de prétendre aimer des trucs sans te poser la question, juste parce que tu penses que les autres vont trouver ça bien. Trouve tes goûts, et assume tes dégoûts. Pour info, 35 ans après, l’intro de Saturday Night Fever te mettra toujours en transes (ainsi que quasiment tout l’album), alors assume dès maintenant que les Bee Gees et le disco, c’est cool. Ce n’est qu’un exemple, j’en ai plein d’autres que tu découvriras, notamment cet obscur 45 tours que ton frère aura choisi par dépit à la tombola de Janson.

Au sujet des livres, ta première copine sérieuse (car oui, ça arrivera un jour, mais sache que tu vas avoir beaucoup de temps à attendre) te dira « il y a les livres qu’on achète, il y a les livres qu’on montre, et il y a les livres qu’on lit ». Je rajouterais : et dans cette dernière catégorie, il y a les livres qu’on lit pour pouvoir dire qu’on les a lus et disserter dessus, et les livres qu’on lit par plaisir. Focalise-toi sur les derniers. La vie n’est pas un exercice d’éloquence pour impressionner les autres, ça n’est pas non plus un exercice d’argumentation construite pour convaincre, et ça devient encore plus compliqué quand tu essaies de les impressionner en fonction de ce que tu penses qu’ils pensent…

Deuxième conseil, lié à cette idée : quand tu essaies de draguer, arrête la communication cryptique, genre coup de billard à trois bandes, je dis le contraire de l’inverse de ce que je pense qui est attendu pour après dévoiler la troisième couche de ma tendresse cachée. Suis les conseils que tu as lus dans Cinq à Sec, quand la Grosse dit qu’il a plus de succès avec des approches hache d’abordage entre les dents par 980 millibars, plutôt que des circonvolutions conversationnelles par calme plat à 1050 millibars. Et souviens-toi de toute façon : ce qui ne tue pas, ne tue pas. Soyons clairs, toi et moi : je ne peux pas te garantir que cette approche t’apportera plus de succès ; mais elle aura le mérite d’éviter que tu te fasses des nœuds dans la tête pendant des mois ou des années.

Puis viendra un jour, dans très longtemps, où tu te rendras compte que tu peux être aimé pour toi-même, sans que tu aies besoin de faire quelque chose, de dire quoi que ce soit ou de briller de quelque manière que ce soit. Je sais, ça paraît dingue, et ça va te prendre énormément de temps, d’énergie et de fausses pistes, mais quand finalement ça arrive, ce jour-là, il fait très beau. Et ça dure. Alors accroche-toi, moussaillon.

Troisième conseil : continue à travailler ton écriture. Tout style, tout type, toute occasion : tout est bon. Continue à lire des romans de manière boulimique, écris ce que tu veux, ce que tu peux, mais sache qu’un jour, tu auras un bon outil que tu ne te lasseras pas d’affûter. Et à l’exemple d’un vieux Borges donnant un vers de Victor Hugo au jeune Borges qui ignore encore tout de cet auteur, je te donne une citation à ce sujet : « Sur cinq mots qu’on veut écrire, en retirer trois. Cinq mots écrire, retirer trois. Mots écrire retirer. Écrire. »
Et pour conclure, non pas un conseil, mais une information. À ton âge, tu trouves que le pire dans la chanson française, ce sont les chanteurs engagés, et le pire de ces chanteurs intellos, c’est la trilogie Brel, Brassens, Ferré – des vieux qui fument et qui parlent d’Art. Pour ton information, des années après, tu découvriras et tu aimeras Brel, puis Brassens, puis enfin Ferré – mais ça prendra du temps. Des années encore après, tu verras (plusieurs fois) tous les Rocky, en y prenant du plaisir (si, si). Si dans ton esprit, cela fait de moi un vieux con, ce n’est pas grave. Cela veut juste dire que tu étais un jeune con, et ça non plus, ce n’est pas grave. En revanche, ne regarde pas à nouveau Goldorak, reste sur ton souvenir, ne commets pas l’erreur que j’ai commise… Mais Retour vers le futur est toujours aussi sympa 35 ans après… Voilà, j’espère qu’un jour tu pourras écrire quelque part, en le pensant « je dédie cet écrit à Christophe Thibierge, qui devient de plus en plus celui que j’aurais aimé être ». C’est tout ce que je te souhaite.
Je t’embrasse mon vieux,
Chr.

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