Mouvements syndicaux chez les lettres
Nous arrivâmes à la nuit tombée, bien tombée, ça il n’y avait pas de doute, il n’y avait plus aucune lumière sauf la lune qui brillait comme une pastille de sucre. Sur le bord de la route, loin devant, on voyait une cabane en bois et des clôtures derrière, un grand parc rempli de formes sombres, c’était peut-être un cimetière de dinosaures ou bien un parc d’attractions qu’on a démonté en attendant l’été prochain, ou encore les décors d’un vieux film que tout le monde a oublié, sauf nous.
Sur la cabane, il y avait une grande enseigne qui nous faisait face, et au fur et à mesure que nous avancions, les lettres se détachaient de l’ombre, se liaient les unes aux autres, puis des mots apparaissaient. D’abord, on avait vu un grand W jaune, puis des petites lettres rouges, puis un grand H jaune et encore des lettres rouges.
Wrgggrgml Houbloummmshctr.
En dessous, il y avait encore quelques mots, mais on ne voyait pas bien, et pourtant c’était en blanc, on ne pouvait pas dire qu’ils ne faisaient pas d’efforts. Dans ce pays, c’étaient visiblement les jaunes qui donnaient le ton initial, et les rouges n’avaient pas leur mot à dire, ils s’alignaient en rang serré parce qu’ils craignaient d’en prendre pour leur grade. Quant aux blancs, même s’ils étaient en-dessous, on sentait bien qu’ils faisaient bande à part, ils étaient neutres dans cette lutte de classes.
Entre-temps, les rouges avaient accédé à l’existence. On pouvait désormais lire :
William Horseshoe
et en dessous, en blanc,
vrac vrac vrac
Voilà.
Roman, publié progressivement, sous un contrat Creative Commons. Et aussi sous licence Touchatougiciel.
Le roman, dans l’ordre, est là.