Un court thibillet de commentaire sur ce qui se passe actuellement sur les marchés européens (en attendant l’ouverture de Wall Street).
- Moody’s aurait dit que peut-être il y aurait des envisagements de réduire la pensée d’une évolution de la notation AAA de la France.
Cette situation permet de montrer (je n’ose dire démontrer) que ce ne sont pas les agences de notation qui font la pluie et le beau temps en Bourse. Revoyons la séquence au ralenti.
- Cet été, la note des Etats-Unis est dégradée. Conséquence immédiate : les Bourses plongent. Conclusion rapide : c’est l’annonce surprise d’une agence de notation qui fait la pluie et le beau temps sur les marchés financiers. C’était une conclusion préoccupante, car cela signifiait que les investisseurs étaient plus myopes qu’une taupe, et qu’il leur fallait l’aide d’un chien d’aveugle pour se rendre à l’évidence. En d’autres termes, ce que nous en finance nous appelons un marché non efficient.
- Au cours de l’automne, les nouvelles économiques (entreprises, Etats, réformes) sont tombées et les dirigeants sont tombés avec, tandis que les indices boursiers jouaient au yo-yo, sur l’air de « attrape-moi si tu peux ».
- Dans le même temps, l’écart entre les obligations d’Etat allemandes (notées AAA) et les obligations d’Etat françaises (notées AAA) augmentait : il a atteint ces derniers jours le record de 200 points de base, soit 2 points de %. Rappelons-le : ces deux pays sont encore, à cette minute, notés tous deux AAA. On peut alors offrir plusieurs explications :
- Les Allemands sont vachements forts, et en fait, ils ne sont notés AAA uniquement que parce qu’il n’existe pas de AAAA (comme l’andouillette) ou de Super-AAA-Ultimate-Platinum. Donc ils sont mieux que les Français, qui n’ont « que » AAA, mais qui le méritent bien.
- Hypothèse discutable, car malgré mon affection pour nos amis d’outre-Rhin, force est de constater que leur économie n’est pas totalement florissante. Mais « quand je me considère, je suis peu de chose, quand je me compare, ça va mieux », comme dit le proverbe béarnais, donc les Allemands, en fait, ils sont meilleurs que les Français. Dans ce cas, on part du principe que les Allemands méritent leur AAA, et on se retrouve avec des Français qui ont aussi AAA mais dont le coût de refinancement est supérieur de 2 points de %, ce qui énorme, déjà dans l’absolu, mais encore plus quand on sait que ces deux pays sont supposés être dans le même club des « actifs sans risque » (comme l’or, hahaha).
- On en déduit que la France n’est plus considérée sans risque par les marchés financiers. Une prime de 2 points de pourcentage pour daigner accepter d’investir dans l’Etat français, mazette, c’est salé comme mesure du risque… Donc, selon les investisseurs financiers, la France n’a plus son AAA.
- Et là, Moodys dit « hello, compte-tenu du fait qu’il y a un écart de rendement qui se monte à 200 points de base, c’est bien la preuve qu’il faut qu’on dégrade la note de la France ».
Conclusion et question rhétorique
Conclusion : ce ne sont pas les notations d’agences qui font le marché, c’est bien le marché qui, par ses prises de positions (pas forcément expliquées) révèle le problème, et les agences de notation s’ajustent. Ce qui tendrait à soutenir l’idée d’une relative efficience des marchés.
Question rhétorique : reste à savoir comment réagiront les investisseurs le jour où Moody’s dégradera effectivement la note de la France. Quelques scénarios :
- Les marchés ne bougent pas. Cela conforte l’hypothèse d’efficience : « l’information était déjà dans les cours », aussi l’annonce d’une dégradation de la note ne déclenche pas de baisse supplémentaire. Cf. mon analyse sur la démission de Steve Jobs, en son temps.
- Le marchés plongent. Cela ne remet pas forcément en cause l’hypothèse d’efficience. En effet, si ça plonge, plusieurs hypothèses là encore :
- « On ne savait pas, on est surpris » : OK, là, c’est de la myopie et un manque d’efficience.
- « On s’en doutait bien, et on l’avait intégré, mais en fait, les infos transmises par Moody’s sont pires que ce que l’on pensait ». Dans ce cas, on peut toujours parler d’une relative efficience : le marché avait déjà réajusté ses cours, mais la dégradation de la note véhicule un supplément d’information qui aboutit à une baisse marginale.
Cette question est d’autant plus épineuse qu’en fait, on parle de deux marchés distincts : il y a le marché des emprunts d’Etat (avec un écart – spread – de 200 points entre l’Allemagne et la France), et il y a le marché des actions. Mais en toute rigueur, si les marchés sont efficients, l’écart de 200 points de base sur le risque des Etats doit déjà avoir été totalement intégré dans les cours des actions. Donc normalement, si les marchés sont efficients, l’annonce de Moody’s ne devrait avoir qu’un impact limité, ou temporaire. Alea jacta est.