(Avertissement : ceci n’est pas un conseil boursier, c’est une opinion ouverte pour discussion. Chacun doit être responsable de ses actes. Alors ne venez pas pleurer après, si jamais vous avez fait des moins-values, ou raté des plus-values).
- Il y a quelques heures, Steve Jobs a démissionné de ses fonctions de PDG, mais reste membre du conseil d’administration d’Apple.
- Malgré une suspension du cours de l’action, on aurait déjà constaté une baisse de 7% du cours boursier (je n’ai pas compris si c’était avant l’annonce ou sur un marché gris de transactions hors cote).
Apple est typiquement la glamour stock. On aime, on déteste, mais beaucoup d’investisseurs achètent plus la valeur sur la foi de convictions que sur un calcul rigoureux de cash-flows prévisionnels. En gros, Apple, ils y croient (« Non mais t’as vu le succès de l’iPad !! ») ou ils n’y croient pas (« C’est complètement surévalué, c’est Steve Jobs qui fait tout »).
Cette annonce nous donne donc, en live, un petit cas d’école. Les marchés américains ouvrent à nouveau demain, aussi vous aurez la matinée pour méditer sur « vais-je acheter de l’Apple ou pas ».
Voici mes opinions :
- Apple est un très belle machine à cash. Non seulement ils arrivent à vendre leurs produits avec des marges indécentes, mais leur concept de magasin en ligne (iTunes store, Mac App store) a été littéralement dopé par leurs produits mobiles : iPod puis iPhone et maintenant iPad. Cela a commencé avec la musique, et continué avec les applications (Angry Birds, ça vous parle ?) Avant Apple, personne n’aurait eu l’idée d’acheter des applis pour 1 € pièce en ligne (je ne compte pas les geeks barbus au fond de la classe). Et encore aujourd’hui, Apple est loin devant en termes de nombre d’applis et de qualité de l’offre en ligne.
- La valeur intrinsèque de Steve Jobs est positive, il a contribué et contribue toujours au cours boursier d’Apple : conférencier charismatique (ou vendeur qui arriverait à vendre de la neige à des eskimos, suivant que vous êtes pro-Jobs ou anti-Jobs), il a une réputation de perfectionniste pénible au sein de son groupe. Il est quand même un des rares personnages cités dans le livre Objectif zéro sale con (the asshole rule), au sein du chapitre « Les sales cons ont aussi leurs vertus ». Car ce perfectionnisme extrémiste (je vous renvoie au livre et à ses anecdotes) conduit à des employés qui disent « je n’ai jamais aussi bien travaillé que sous ses ordres« . (Steve Jobs le définit lui même, en répondant à la question « que ferait Apple sans vous »)
- Ceci n’est pas un thibillet hagiographique à la gloire de Steve Jobs. La question est sur la réplicabilité de l’homme : est-il irremplaçable, et à ce titre, un actif unique qu’Apple est en train de perdre ? Ma réponse en deux temps. La première réponse, évidente, est qu’un groupe comme Apple compte plus de 46 000 employés, et que Steve Jobs n’est ni designer ni ingénieur, bref, il reste du monde aux manettes, de la conception à la production. La deuxième réponse, c’est que si Steve Jobs est effectivement le perfectionniste extrêmiste qui nous est présenté, un homme qui « a une très haute opinion de ses qualités et une grande exigence, pour lui-même comme pour les autres » (ibid.), à votre avis, lequel de ces deux scénarios s’est produit dans les dernières années :
- Scénario 1 : « Moi, Steve Jobs, je crois beaucoup à la complémentarité, car j’ai les défauts de mes qualités. Je vais donc faire attention à recruter des cadres qui me soient complémentaires, et je vais les écouter ».
- Scénario 2 : « Il n’y qu’une seule manière de faire, la mienne, je vais donc recruter des clones de moi-même (en moins bien, évidemment) pour continuer ce business et alléger un peu mes épaules amaigries. Mais je reste vigilant ! »
- A votre avis, quel scénario est le plus probable. Je dirais 2. Apple compte donc aujourd’hui probablement une dizaine de cadres dirigeants « à la Steve-Jobs », et le successeur annoncé, Tim Cook, n’est pas vraiment une surprise.
Mon pari (et ça m’amusera de le gagner autant que de le perdre) : l’action Apple va baisser à la suite de cette nouvelle (7% me paraît un bon chiffre symbolique en effet) mais cette baisse sera de courte durée : quelques jours, peut-être plus à cause de ces marchés turbulents. Et puis le cours remontera à ses anciens niveaux, ou plus haut. (Rappel : Steve Jobs reste au conseil d’administration).
[edit du lendemain] J’avais globalement tort, par excès de pessimisme sur mes frères humains. La veille de l’annonce, le cours avait ouvert à 373,47 et cloturé à 376,18. Puis était venue l’annonce, et sur le marché parallèle, l’action avait enregistré une baisse de 5% à 7%. Le lendemain de l’annonce, le cours a ouvert à 365,08 (suite aux ordres constatés pendant la 1/2h de la pré-ouverture du marché). Après 1h de volatilité très limitée (368-372) le cours a monté progressivement pour atteindre 373,72 en cloture. Contre 373,47, la veille, avant l’annonce. Donc le marché a totalement intégré la nouvelle, sans variation notable. Je me cite « Mon pari […] : l’action Apple va baisser à la suite de cette nouvelle […] mais cette baisse sera de courte durée […]. Et puis le cours remontera à ses anciens niveaux, ou plus haut. » J’ai eu raison sur la tendance, mais pas sur les ordres de grandeur : la baisse a été uniquement de 2% (au lieu de 7%), et pendant quelques heures (au lieu de « quelques jours peut-être plus »). Cet exemple ne peut servir à établir une généralisation, mais je le retiendrai comme exemple de communication financière bien maîtrisée. [fin d’edit]
Je reviens sur la marge indecente. C’est peut être moins visible en France mais Apple a l’un des retail network les plus disruptives au monde. 1/2 de la surface est consacrée a l’education, au services client,… (pour la plupart gratuit ou peu cher) (et pourtant ils parviennent toujours a avoir la vente par surface la plus importante). La marge d’un produit Apple est donc intéressante ds le sens ou elle finance en parti la moitie de leur surface retail consacrée au support client.
Salut et fraternité,
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’un vaste panel de journalistes a lu votre billet car la question s’est propagée sur la toile à la vitesse d’un court-circuit. La réponse dans 5 minutes pour le court terme. Quand au long terme, il faudrait être employé chez Apple pour en avoir une idée. Cette entreprise cultive le secret à un niveau spatial. Mon sentiment de geek pro-Apple et d’actionnaire d’Apple est qu’il va y avoir un coup de descente de l’action dans les prochains jours, suivi d’une remontée dans un mois au max (effet iPhone 5 et autres annonces à l’automne). Pour la suite, Tim Cook et sa Cook team ont intérêt à concookter de bon petits plats savoureux pour montrer qu’ils sont capables. Je parie que les choses ne vont pas être faciles à 6 mois et un an.
Il y a une chose à ne pas oublier : Apple ne distribue pas de dividende, comme certaines entreprises du Nasdaq. Ce n’est pas bon à long terme, selon mon humble avis. Il faut moissonner tôt ou tard. De mon côté, j’ai pris une part de mes bénéfices. j’observe que des gestionnaires très avisés comme ce bon M. Carmignac ont liquidé leurs actions Apple en Mai/Juin 2011. Et ceux-là ont des informations et des analyses dont le pointu me serait désagréable au siège. Quoiqu’il advienne, on pourra tout de même manger une bonne compote. Tshaw !
« Des pommes d’or dans un vase d’argent ciselé, Telles des paroles dites à propos. » (Les proverbes, dans la Bible). Je suis content d’avoir des lecteurs qui ont des opinions argumentées et un style qui n’exclut pas l’humour. « Concookter », j’adore. Bon, sur le chapitre des dividendes, mouais, grand débat. Apple serait en phase de maturité, je ne dis pas. Mais là, je n’en vois pas trop l’intérêt. Cela dit, si des gros poissons comme Carmignac réalisent leurs positions, haha, c’est intéressant… (dit celui qui n’a pas d’actions Apple, donc qui se sent très à l’aise pour commenter l’actualité 🙂 )