Ceci est une citation à des fins d’illustration musicale (détails ici). Il s’agit d’un extrait, en mono, de Traces, par JJ Cale, sur le CD Number 10, Silvertone, 1992. Le disque est en vente ici. |
Traces
Depuis que Conrad et Eileen nous avaient quittés, nous voyagions silencieusement, Aline rêvait à ces choses que je ne comprenais pas, que j’avais du mal à imaginer. Elle m’avait dit qu’elle ne savait pas très bien elle-même ce qui lui arrivait, elle continuait à chercher … quoi ?
Un pickup nous avait pris en stop et nous roulions toute la journée, assis sur la plate-forme arrière, nos pensées s’effilochant dans le vent. Un matin, le pickup s’arrêta dans un village poussiéreux, il y avait un drugstore-librairie-limonadier où nous entrmes en faisant sonner nos éperons.
(C’est une image).
Tandis que je commandais la limonade, Aline partit fureter dans les rayonnages, elle chantonnait en penchant la tête pour lire les titres, elle pianotait sur l’étagère en fredonnant « Toi t’es beau, toi t’es pas beau, toi t’es pas beau, toi t’es beau » et à chaque fois que le livre était beau, elle le sortait du rayonnage et le posait à côté d’elle sur l’étagère, ils s’empilaient sagement tandis qu’Aline faisait ses emplettes. Le drugstorien-libraire-limonadier la regardait avec des yeux un peu écarquillés, alors je lui expliquai :
– elle lit les livres comme un chat joue avec une ficelle.
Il me regarda en clignant des yeux derrière ses lunettes, Aline revenait vers nous en fredonnant et posait ses beaux livres sur le comptoir.
– Comment vous appelez-vous, Mademoiselle ? demanda le libraire en la regardant.
Par la porte entrouverte, on entendait les bruits de la petite rue, une radio qui crachotait une musique de la Louisiane quelque part dans une maison, un de ces airs qui viennent de si loin qu’on a l’impression qu’ils nous appartiennent à tous, qu’ils nous concernent tous, qu’ils parlent de la seule chose importante pour nous. Je me souviens, je l’avais entendu pour la première fois il y a fort longtemps, dans un petit village nommé Oak Grove, et j’avais été saisi par une impression de douceur et de tendresse, un apaisement tout simple, le sentiment que tout ce qui est important est à portée de la main. Depuis, je l’avais entendu de temps en temps, toujours avec une petite nostalgie attendrie, il me surprenait à des moments différents, avec des états d’esprit variés, et je me souvenais des mots du vieil homme qui me l’avait joué, cet air m’accompagnait, m’apaisait et me réchauffait, comme la présence d’une personne qui me serait en même temps semblable et complémentaire…
Je regardai le libraire-limonadier-drugstore :
– On l’appelle Magnolia, répondis-je.
Comme on lance une bouteille à la mer.
Ceci est une citation à des fins d’illustration musicale (détails ici). Il s’agit d’un extrait, en mono, de Magnolia, par JJ Cale, sur le CD Naturally, Mercury, 1971. Le disque est en vente ici. |
Roman, publié progressivement, sous un contrat Creative Commons. Et aussi sous licence Touchatougiciel.
Le roman, dans l’ordre, est là.