Magnolia Express – 4ème partie – # 9

Ceci est une citation à des fins d’illustration musicale (détails ici). Il s’agit d’un extrait, en mono, de Ghost Train, par Spencer Bohren, sur le CD Full Moon, Virgin, 1992. Le disque est en vente ici.

Train Fantôme
 
Ce ne fut d’abord qu’un changement d’air dans la nuit, les grillons continuaient à crisser méthodiquement, au loin on entendait un chien rêveur qui aboyait. Puis les herbes folles commencèrent à chuinter doucement, la façade de la gare, les rails polis se mirent à bruire doucement sous la lune, les grillons s’arrêtèrent de crisser peu à peu, méthodiquement. Nous nous penchions à tour de rôle, scrutant la nuit dans la nuit, espérant un phare là-bas à l’est, tandis que le chuintement devenait murmure, le murmure évoluait en frôlement, un bruit de feuillage sur un toit, puis le souffle de l’océan, cela s’approchait et enflait comme une vague, et toujours rien, pas le moindre signe sur l’horizon violet. Dans l’aurore qui bleuissait le ciel, nous entendîmes alors une corne de brume, l’appel rauque d’un loup solitaire, comme un message pour les vivants et les morts, un message qui répéterait « Je suis le Fantôme, je fuis le soleil, j’arrive, je suis le Fantôme », répété à l’infini par le rythme des roues d’acier. Il n’y avait pas de phare, pas de lumières : c’était une masse sombre sur la nuit, un vaisseau charbonneux qui approchait sans contours clairs. Les rails cliquetaient, claquaient, et la façade de la gare renvoyait ces bruits métalliques en écho à la campagne environnante. On aurait dit des nains forgerons qui frappent en cadence le métal au sein d’une montagne solitaire, façonnant un métal maudit aux reflets bleutés.
Nous vîmes enfin le train. Il grossissait, s’approchait en crachant une fumée épaisse, et sa corne lugubre lcha encore un avertissement qui fit trembler les vitres de la petite gare. Il y eut un crissement de métal, et des étincelles jaillirent le long des flancs du monstre tandis que les roues d’acier s’immobilisaient. Il glissa encore sur une dizaine de mètres, s’immobilisant enfin le long du quai dans un crachement de fumées lourdes comme du plomb. Le soleil n’était pas encore levé et nous restions immobiles, face à cette machine qui expirait puissamment dans la nuit.
A l’avant, du côté de la locomotive, une silhouette sortit de la brume, un homme vêtu d’un grand manteau noir, des lunettes de conducteur sur son visage de suie.

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Roman, publié progressivement, sous un contrat Creative Commons. Et aussi sous licence Touchatougiciel.

Le roman, dans l’ordre, est
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