Nous sommes tous des îles

J’entends parler ce matin du suicide d’une jeune fille de 23 ans, une connaissance de connaissance que je ne connaissais pas. Trois citations, ou trois pensées :

  1. En exergue de Pour qui sonne le glas d’Ernest Hemingway, se trouve un fragment d’un sermon de John Donne qui m’a frappé, il y a longtemps, comme une évidence trop souvent oubliée :

    Any mans death diminishes me,
    Because I am involved in Mankinde.
    And therefore never send to know for whom the bell tolls,
    It tolls for thee.

    La mort de tout être humain me diminue,
    Car je suis concerné par l’humanité tout entière ;
    Aussi ne demande pas pour qui sonne le glas,
    Il sonne pour toi.

    Le sermon original de John Donne peut être trouvé ici.

  2. Dans Et au milieu coule une rivière (que ce soit le film réalisé par Robert Redford ou le livre d’où est issu le film, écrit par Norman MacLean), il y a cette pensée, que j’essaie de retranscrire de mémoire :

    Les êtres qui nous sont proches peuvent aussi, paradoxalement, être les plus éloignés de nous. Nous les voyons prendre des chemins, sans pouvoir les aider, soit qu’ils ne souhaitent pas que nous les aidions, soit qu’ils ne sachent même pas comment ils pourraient s’aider eux-mêmes. Mais cela ne nous empêche pas de les aimer.

  3. Il existe un texte que j’avais découvert lors de l’enterrement d’une de mes étudiantes, il y a quelques années. Il semblerait que ce soit une prière de Saint Augustin à partir de laquelle Charles Péguy a écrit un poème. Il en existe plusieurs versions, sans que je souhaite en faire une recherche bibliographique précise. Cela fait juste partie des textes qui me conviennent.

    Ne pleure pas si tu m’aimes.
    Je suis seulement passé de l’autre côté.
    Je suis moi. Tu es toi.
    Ce que nous étions l’un pour l’autre, nous le sommes toujours.
    Donne-moi le nom que tu m’as toujours donné.
    Parle-moi comme tu l’as toujours fait, n’emploie pas un ton différent.
    Ne prends pas un ton solennel ou triste.
    Continue à rire de ce qui nous faisait rire ensemble…
    Prie, souris, pense à moi, prie avec moi.
    Que ton nom soit prononcé à la maison comme il l’a toujours été, sans emphase d’aucune sorte, sans une trace d’ombre…
    La vie signifie toujours ce qu’elle a toujours signifié.
    Elle est ce qu’elle a toujours été : le fil n’est pas coupé.
    Pourquoi serais je hors de ta pensée ? Parce que je suis hors de ta vue ?
    Mais non, je ne suis pas loin, juste de l’autre côté du chemin…
    Tu vois, tout est bien…
    Tu retrouveras mon coeur, tu en retrouveras les tendresses épurées.
    Essuie tes larmes et ne pleure pas si tu m’aimes…

    Charles Péguy, d’après une prière de Saint Augustin.

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0 réponse à Nous sommes tous des îles

  1. Monsieur Jean dit :

    […]

    Merci, ça faisait longtemps que je n’avais pas relu le texte d’Augustin… quelques lignes, tellement de choses qui reviennent. Merci.

  2. Docthib dit :

    Avec plaisir. ça vaudrait presque le coup de publier un billet comme ça tous les ans (ou tous les mois ? toutes les secondes ?).

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