Over-danaïdes

L’heure est aux néologismes. Entre chien et loup, dans un lieu improbable, Vanessa m’a avoué que Robert prônait le terme « Fondamentaux » comme substantif (« cette maison a des bons fondamentaux », « les fondamentaux de cette société se sont dégradés »). J’ai déjà dit, en évoquant ce couple maudit, pacsé contre nature, que tout cela c’est de la paresse : là où Vanessa défend la langue française, Robert, tel le Caterpillar moyen, va au plus simple. La vie humaine moderne est faite de telle manière que Robert, têtu et bas du front, gagnera toujours. Pourtant, au détour d’une pensée, me vient le terme « fondement ». N’est-ce pas plus poétique de dire « cette maison à de beaux fondements » ? Cela me rappelle un inspecteur irlandais, dans un roman noir américain des années 50, qui rencontre une jeune créature comme on n’en fait plus (90-60-90, blonde et fraiche) et qui dit « Vingt dieux, la belle église ! »
Comme quoi, entre architecture et harmonie voluptueuse, il y a des connivences. Sans parler de la quête spirituelle. Et cela a tout de même plus de gueule que « cette jeune fille a de bons fondamentaux », on aurait l’impression d’un expert-comptable qui drague.

Mon propos d’aujourd’hui n’est pas de résoudre la querelle sémiologique entre Vanessa et Robert, mais de souligner que l’on a le droit de créer de nouveaux mots, pour peu qu’ils sonnent bien. Il y a deux ouvrages qui me plaisent, et qui vont dans ce sens : Le Mokimanké et Le Baleinié (tome 1 et 2).
Je m’y essaie donc aujourd’hui, car il y a urgence.

Je suis littéralement assailli. Ma boite mail reçoit 40 mails par jour. Je m’absente pour faire 7h de cours, paf, 40 mails. Je rentre chez moi le soir, et dans la boite aux lettres physique, paf, 10 lettres. A la fin de la semaine, il y a 50 lettres sur la table du salon, et 200 mails dans ma boite mail. Je recherche donc le terme approprié pour décrire cette situation, qui pourrait se décrire par « plus que tu en expédies, plus qu’y en a qui arrive ». Un brainstorming rapide me donne comme images :

  • l’hydre de Lerne, dont chacune des multiples têtes repousse dès qu’on la coupe
  • le tonneau des Danaïdes, châtiment sysiphien
  • Gaston Lagaffe qui, ayant mis en marche la photocopieuse moderne, se retrouve expulsé par un flot de feuilles, et qui crawle pour remonter le courant
  • les cadres stressés qui sont en overburn [edit: burn-out], c’est-à-dire tellement fatigués qu’ils ne peuvent plus récupérer en une nuit de sommeil, il leur faut au moins une semaine de vacances. Le problème est qu’au retour des vacances, ils auront 5 445 mails et 741 post-its qui les attendent, sans parler du Blackberry qui leur grelotte dans la culotte et du portable qui joue à plein volume « La marche turque » toutes les 10 minutes.

Je propose donc le terme over-danaïdes. Depuis plusieurs semaines, je suis en over-danaïdes, ça dégueule de partout, mon bureau ressemble à un mélange de Beyrouth Ouest en 1990 et de la Bibliothèque de Babel, façon Borges.

Mais je m’attaque au problème, plutôt que de vagir. Là où le tâchon de bâse essaierait de réduire le flot (« je remplis plus vite le tonneau sans fond, on sait jamais, des fois qu’il se bouche »), moi j’attaque à la source : je cherche le substantif qui va bien. Car circonscrire le phénomène, c’est l’enfermer, voire l’annuler.
J’aime bien « je suis en over-danaïdes », mais si quelqu’un a mieux, je suis preneur… (ceci est un appel au peuple).

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0 réponse à Over-danaïdes

  1. Ari dit :

    Bis repetita placent (me suis égaré ailleurs, bien malencontreusement).

    J’écrivais, donc…

    Rien à voir avec votre message du jour, mais je suis tombé par hasard sur votre blog, et que vois-je, que lis-je ? Que découvré-je avec ce mélange de stupeur et d’amusement ?

    Mon ancien prof, à une époque lointaine où lui était si jeune, et moi encore vaillant, où lui était caustique, imperturbable et débonnaire dans son costume gris de jeune communiant, et moi, improbable imposteur, presqu’amadoué par ce drôle de zigoto qui essayait tant bien que mal de faire rentrer des trucs halucinamment inintéressants dans ma caboche hautement réfractaire aux parfums subtils de la finance.

    Ravi de vous retrouver ici.

    Votre (presque) jumeau de blog.

  2. Bienvenue à bord, Ari. Ce blog remonte le temps : tu (on se tutoyait quand tu étais élève, alors maintenant qu’on est des anciens…) es de la promo euh 93 ? neuf cube, quoi ? ou bien tu fais dans le Neuilly-sur-Seine, 92 (où je déjeunais à midi, sur les bords de Seine) ? Quoi qu’il en soit, si tu as une idée pour dénommer le débordement de mails, « je réponds à un, y en a deux qui sonnent à la porte », je suis preneur. A+.

  3. yv dit :

    Si je puis me permettre une suggestion, si vous ne réduisez pas votre image "Km par tronçons", l’image de votre blog va rester bancale : la colonne de droite plongeant loin loin loin

    (je viens d’apprendre en tatonnant ; ma science est toute neuve !)

  4. Comme je ne comprends pas tout, et que je suis en train de travailler (quelques rares heures de mes nuits) sur la cosmétique de ce blog (donc, sur les fichiers template.php, list.php etc.), je vous écris en privé pour détailler mes questions à un « jeune scientifique tatonnant » 😉

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