Je lisais Kundera quand j’avais 20 ans, ça me donnait une pose d’intello, et je ne me rendais pas compte que, dans ma quête d’originalité, j’étais identique aux autres. Quelques 15 ans plus tard (je ne compte pas les poussières), je m’y suis remis, pour des prétextes bassement matérialistes. Dois-je l’avouer ? Le livre, dans la belle collection blanche de Gallimard, était à 2 euros sur l’étalage d’un bouquiniste. Avec un Harlan Coben en poche, pour l’équilibre, et « Mon ptit monsieur, les 3 c’est 5 euros ». Las, je n’ai pas trouvé de troisième qui m’agrée (de canard).
Dès les premières pages, j’ai retrouvé cette densité de réflexion qui rappelle un Paul Valery, cet enchaînement de pensées qui fait que, pour un temps, on se sent intelligent. De l’histoire, je retiendrai peu. Je suis peu sensible aux histoires de déracinés, et aux distinctions entre heimweh et nostalgia. Et puis il me faut des choses positives, comment il dit, déjà, Laurent Voulzy ? Ah, oui, « On veut la mer, les palmiers, Ivanhoé sur son cheval, on est une bande d’imbéciles idéal » (Idéal simplifié)
Mais je retiens deux passages :
« Toutes les prévisions se trompent, c’est l’une des rares certitudes qui a été donnée à l’homme. Mais si elles se trompent, elles disent vrai sur ceux qui les énoncent, non pas sur leur avenir mais sur leur temps présent. »
Milan Kundera, L’ignorance, Gallimard, p. 18.
« Les Français, tu sais, ils n’ont pas besoin d’expérience. Les jugements, chez eux, précèdent l’expérience. Quand nous sommes arrivés là-bas, ils n’avaient pas besoin d’informations. . Ils étaient déjà bien informés que le stalinisme est un mal et que l’émigration est une tragédie. Ils ne s’intéresseraient pas à ce que nous pensions, ils s’intéressaient à nous en tant que preuves vivantes de qu’ils pensaient, eux. C’est pourquoi ils étaient généreux envers nous et fiers de l’être. Quand, un jour, le communisme s’est écroulé, ils m’ont regardée fixement, d’un regard examinateur. Et alors, quelque chose s’est gté. Je ne me suis pas comportée comme ils s’y attendaient. »
Milan Kundera, L’ignorance, Gallimard, p. 157.