Une agence de notation "pourrie de conflits"

Je n’ai pas le temps de commenter en détail cette nouvelle, mais voilà une information (merci à ESCP Europe Community Headlines) qui apporte de l’eau au moulin des discussions précédentes :

  • Le site Business insider publie un article (en anglais, pas le temps de traduire) selon lequel un ancien analyste senior de Moody’s (une des trois agences de notation financière) décrit les processus à l’intérieur de ce groupe comme « corrompus jusqu’à l’os » (corrupted to the core). Pour ceux que cela intéresse, le rapport de ce Senior Analyst (William J. Harrington) à la SEC, daté du 8 août, est disponible ici.
  • Au moment où l’on s’interroge sur la dégradation de la note US (rappelons que seul Standards and Poors a dégradé sa note) et la notion d’actif sans risque, le rôle et le pouvoir des agences de notation est régulièrement remis en cause.
  • Mais surtout, voici encore une illustration de la théorie de l’agence. En résumé : demandez-vous toujours comment une personne est rémunérée, et dans quelle mesure ce mode de rémunération influera sur ses décisions. Ici, (je cite l’article de Business Insider) « Il est bien connu que le conflit d’intérêt primordial chez Moody’s est le suivant : la société est payée par ces même « émetteurs » (banques, entreprises) dont elle est censée noter objectivement les titres financiers. »

Le rapport de Harrington (qui a démissionné de Moody’s) cite de multiples dysfonctionnements, pressions, sanctions, pour aboutir à des notations qui ne sont pas celles initialement recommandées par les analystes. La page de Business Insider en donne quelques extraits (en anglais, toujours). Bonne lecture.

Ce contenu a été publié dans Finance. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

7 réponses à Une agence de notation "pourrie de conflits"

  1. superb0y dit :

    Première remarque :

    C’est marrant de voir la réaction de beaucoup sur la supposée partialité des agences de notation "américaines" (alors que Fitch est à capital français). "Ah ouais ? Untel me dégrade parce que je suis européen ? C’est parce qu’ils sont pas indépendants. On n’a qu’à faire une agence européenne indépendante qui sera d’accord avec nous. Et elle dégradera les Etats-Unis, justement parce qu’elle sera indépendante. Parce que quand on est indépendant on pense comme moi." Tiens, prends ça dans ta face l’indépendance.

    On devrait modifier le dictionnaire : "Indépendant, adj. : se dit d’une personne qui pense comme moi et qui le fait savoir. Contraire : dépendant, soumis (se dit d’une personne qui n’est pas de mon avis, donc qui obéit nécessairement aux intérêts d’autrui, donc à ceux de l’Amérique, des banquiers et de George Bush)".

    Deuxième remarque :

    Sans rentrer dans le fond du débat (la dégradation de la note des Etats-Unis et ses fondements – justifiés ou non), il est amusant de constater qu’on a jamais entendu personne aux Etats-Unis se plaindre des agences de notation quand la note des US était AAA chez Standard & Poor’s… Mais dès que les méchantes agences ne sont pas d’accord avec nous, alors on leur trouve plein de défauts.

    Toutes proportions gardées et sans là non plus entrer dans le coeur du sujet, c’est un peu la même chose que "l’Affaire DSK" (j’ai hésité pour la majuscule) : est-ce que quelqu’un qui se défend très mal et qui a menti par le passé est forcément un menteur ?

    Extrapolation à la sphère financière : est-ce que les agences de notation ont nécessairement tort parce qu’elles ont eu et ont toujours des problèmes de conflits d’intérêts ? Est-ce que cela suffit à balayer leurs conclusions ? Faut-il être un saint pour émettre un jugement ?

    Troisième remarque :

    Les agences de notation ne sont pas des organismes de charité, loin de là. Ce sont des entreprises commerciales qui font des bénéfices. Mais ce sont des entreprises qui proposent des rémunérations globalement plus faibles que les banques pour des postes équivalents, avec beaucoup moins de bonus (contrepartie : en théorie, plus de liberté, plus de sécurité). Ce sont en quelque sorte des "fonctionnaires de la finance", assez loin de l’image et des valeurs associées (souvent à tort ou avec excès) au reste des métiers de la finance.

    De plus, dans la finance en général et dans la notation en particulier, la confiance est une donnée clé. Ok, les agences subissent des pressions, ça paraît évident, c’est le cas dans n’importe quelle évaluation (que celui qui n’a jamais fait un sourire à sa maîtresse le jour du contrôle me jette la première pierre), c’est normal et le contraire serait plutôt étonnant.

    Admettons maintenant que les agences délivrent une note extravagante. Puis deux, puis trois. Au bout d’un moment, mon gérant de fonds chez BlackRock il va bien voir que la note ne veut rien dire et que c’est du bidon. Il est pas débile mon gérant de chez Blackrock, on peut le berner une fois, peut-être deux, mais au bout de trois faillites de AAA et de quelques milliards de pertes, il va probablement cesser de faire confiance aux agences de notation.

    Alors de deux choses l’une : soit on reprend la théorie en vogue du grand complot de Wall Street (ils savent tout, ils sont tous au courant et ils se partagent l’info pour nous plumer, nous les pauvres petits épargants, tous des pourris de chez Goldman Sachs/Lehman Brothers), soit on comprend que l’intérêt des agences de notation n’est pas de délivrer des AAA par paquets de 50. Ce sont des entreprises anciennes (Moody’s a été créée en 1909, Standard & Poor’s en 1860), qui ont une réputation et dont la légitimité repose sur quasiment un siècle d’activité.

    Loin de moi l’idée que ces agences sont parfaites, mais il n’est simplement pas dans leur intérêt de raconter n’importe quoi. Evidemment, elles peuvent subir des pressions, se tromper, parfois même lourdement (comme sur les subprimes, mais qui les avait vues venir, hein, qui ?), donner des notes trop élevées ou trop basses. Mais sur le long-terme, elles n’ont aucun intérêt à détruire un siècle de réputation pour quelques dizaines de millions de dollars (voire ma troisième remarque). Le fonds de commerce des agences, ce n’est pas tant leurs employés que leur nom, leur réputation, leur expertise. Si elles perdent ça, elles n’ont plus rien.

    Quatrième remarque :

    Moody’s a réalisé en 2010 un chiffre d’affaire de deux milliards de dollars pour un benéfice net de 500 millions. Standard & Poor’s communique un chiffre d’affaire de 2,6 milliards de dollars, pas d’infos sur le résultat net, et Fitch ne publie rien (mais on sait qu’il s’agit de la plus petite des trois agences). Pour résumer, on affaire à un secteur dont le chiffre d’affaires est probablement aux alentours de six milliards de dollars, avec un bénéfice net entre un et deux milliards.

    Waouh.

    C’est rien. C’est vraiment rien. Les médias nous vendent ça comme une giganteque industrie de collusion entre grands patrons et agences véreuses avec des montants colossaux à la clé, mais au final on a un secteur dont le résultat net est inférieur à celui d’une banque comme Natixis (qui n’est pas, reconnaissons le, un monstre de la finance). Alors elles sont où les montagnes de milliards de dollars qui servent à acheter des AAA ? Je veux les voir !

    Si j’en crois Wikipedia, le marché de la dette mondiale c’est 82 000 milliards de dollars (en.wikipedia.org/wiki/Bon… ). J’aurais aimé trouver le volume de dette émis chaque année pour faire le rapport avec mon milliard et demi de bénéfice annuel des agences de notation , mais je n’ai pas trouvé. Mais enfin je pense qu’on doit tourner dans les 0,00x% de commission. Est ce que Moody’s, Fitch ou Standard & Poor’s vendraient leur réputation pour des comissions de 0,00x? Moi, je ne crois pas. Et si elles le font, alors elles scient la branche sur laquelle elles sont assises. Pour rien, ou si peu. Et je ne pense pas que ces gens sont aussi idiots que ça.

  2. Docthib dit :

    Hello superb0y,
    merci pour ces 4 remarques bien argumentées. Pris par l’urgence, et je l’avoue, par l’actualité, je suis content d’avoir une deuxième analyse, avouons-le, plus fouillée.

    Prenons ces remarques une par une.

    Première remarque : pour moi, l’indépendance n’est pas un problème de « ces gens ne pensent pas comme moi, donc ils sont influencés ». Tout d’abord parce que, à titre personnel, je n’ai aucune opinion sur la note réelle des États-Unis : je ne suis pas compétent sur ce sujet. Pour moi, l’indépendance, c’est « la personne qui édicte un jugement est indépendante du pouvoir ou de l’argent ». Si les juges des tribunaux dépendent du gouvernement en place, si les organismes supposés indépendants sont en fait des fournisseurs d’entreprises, alors il n’y a plus garantie d’indépendance. Cela dit, selon cette définition de l’indépendance (qui est la seule valide pour moi), on ne va pas trouver grand monde… 🙁 Il n’empêche, souligner ce conflit d’intérêt me semble être la base de la discussion. NB : le problème se pose aussi avec certains cabinets d’audit, ou certaines directions de la communication financière d’entreprises. Le problème n’est pas d’obtenir une information parfaite sur la vérité, mais plutôt de prendre l’information donnée comme une information qui peut être biaisée.

    Deuxième remarque : « est-ce que les agences de notation ont nécessairement tort parce qu’elles ont eu et ont toujours des problèmes de conflits d’intérêts ? Est-ce que cela suffit à balayer leurs conclusions ? Faut-il être un saint pour émettre un jugement ? ». je pense que le problème n’est pas là. Encore une fois, je m’en tamponne le coquillard de la dégradation de la note *et je ne la remets pas en cause* (je n’en ai pas les moyens). Simplement, je fulmine aujourd’hui contre les agences de notation comme je fulminais dans les années 2000 quand, après l’effondrement de la bulle des dot.com, on apprenait que dans les banques d’affaires, les analystes financiers devaient émettre des recommandations à l’achat sur certains titres alors que sur les forums de discussion interne, ils les qualifiaient de « pure shit ». Tout ça parce que la banque d’affaire était en deal avec la société concernée. Donc, non, pas besoin d’être un saint pour émettre une opinion (sinon, je ne pourrais pas répondre aux commentaires…). Il y a deux idées à mon avis. La première, avec une illustration récente. Hier, mon garagiste me dit que ma voiture est réparable pour un coût de 5 à 6 000 euros, et que donc ça n’en vaut pas la peine. Or, je sais que mon garagiste vend des voitures neuves et des voitures d’occasion. Donc, par méfiance naturelle, je passe un coup de fil à un vendeur de pièces détachées (indépendant au sens où il n’a pas intérêt à me faire changer de voiture) qui fait aussi des réparations. Il m’annonce un coût de réparation de 1 300 euros. Voici donc le fond de mon argumentation : quel que soit l’avis donné, c’est toujours bon de savoir dans quelle mesure le donneur d’avis est rémunéré (cf. par exemple les questions posées à l’époque sur l’indépendance des experts de l’agence française du médicament, Afssaps – ceci est une illustration, je ne suis pas compétent non plus sur ce sujet). La deuxième idée sur les opinions tient à ce que l’on fait de cette information (cf. ma dernière remarque, ci-dessous).

    Troisième remarque : je suis très content de cette remarque, parce que si j’avais eu un peu plus de temps, j’aurais parlé de la théorie de la réputation. En effet, j’adhère totalement, les cabinets d’audit, de conseil, les agences de notation, les cabinets d’avocats, se fondent tous essentiellement sur le maintien de leur réputation. Les grandes écoles aussi, d’ailleurs. Et quant à mon garagiste d’hier, eh bien, il a bien fait sa réputation dans mon esprit, et il n’est pas près de me revoir. Donc je suis entièrement d’accord, la réputation est un facteur-clé, qui peut (et je suis conscient du paradoxe) conduire à reprocher aux agences de notation de bouger *trop tard*, justement pour s’assurer qu’elles ne se trompent pas quand elles émettent un jugement.

    Quatrième remarque : attention aux amalgames. « Ils sont où les milliards de dollars ? » Nulle part, bien sûr. Personne dans ces métiers ne serait assez fou pour accepter des pots-de-vin, le jeu (de la réputation) n’en vaut pas la chandelle. On connaît le goût du public français pour les théories du complot, mais bon, j’espère qu’on n’en arrive pas là. Maintenant, pas besoin de pots-de-vin pour être influencé. Quand mon garagiste me fait une recommandation biaisée, cela ne porte que sur des clopinettes (6 000 euros), mais c’est pour maintenir son chiffre d’affaires. Et un CA de 2 millards qui générent un bénéfice de 500 millions, ma foi, on essaie de les garder. Peu importe les montants comparativement faramineux des dettes, ce que je veux dire, c’est que pour un partenaire de Moody’s, son horizon à lui, son mètre-étalon, ce sont les 500 millions de bénéfices.

    Dernière remarque (la mienne) : en fait, il y a une chose importante que je voulais écrire, mais voilà, un clou chasse l’autre : dans toute cette affaire, je ne m’intéresse pas tant au rôle des agences de notation. Certes, je critique leur fonctionnement *comme je le fais régulièrement en cours pour quantité d’autres corporations*, tout simplement parce que je ne veux pas diplomer des bénis-oui-oui. Mais dans ces dernières semaines, ce qui est très intéressant, ce ne sont pas tant les décisions d’une agence de notation, que les *réactions* des investisseurs et le *comportement* des acteurs sur les marchés. Et ça, c’est passionnant à observer.

    En espérant avoir clarifié mes propos, et n’avoir pas dénaturé les vôtres 🙂

  3. superb0y dit :

    Bonjour Joe

    Merci pour ces précisions. En fait mon commentaire ne portait pas tant sur votre article que sur les critiques formulées actuellement par les médias, qui ne délivrent souvent aucune argumentation (autre que fondée sur des préjugés et des lieux communs de la finance) pour étayer leurs articles, ce qui explique un ton parfois légèrement véhément de ma part (je m’aperçois de ça ce matin en relisant ma prose).

    Juste une remarque à votre remarque sur ma quatrième remarque (ça fait beaucoup de remarques) : l’amalgame était absolument volontaire ("Ils sont où les milliards de dollars ?"). Il visait juste à montrer la disproportion entre un secteur que l’on accuse de tous les maux en ce moment et son poids relatif (faible, voire négligeable) dans l’économie en général et dans la finance en particulier.

    Question subsidiaire : le conflit d’intérêts potentiel est évident en ce qui concerne la rémunération des agences de notation ; mais alors comment devraient-elles être rémunérees selon vous ?

    Parce que si on passe , comme certains le souhaitent à un système de notation "public" (une agence nationale ou européenne, par exemple), on n’a pas fini non plus de parler de conflits d’intérêts… (le fonctionnaire français qui augmentera le coût du capital de Danone ou de Total de 5%, il ne subira aucune pression ?)

  4. fernand dit :

    Le débat sur les agences de notation est typiquement un faux débat.

    Il faudrait avant tout s’interroger sur l’utilisation à faire de leurs analyses de crédit, et de la note par laquelle elles se concluent.

    Elles sont actuellement accusées de tous les maux : d’avoir mésestimé la qualité des titrisations de créances hypothécaires US, de mettre l’Euro en péril en donnant leur pire note à la Grèce, de déclencher un krach boursier en abaissant la note des USA, etc €¦

    Mais qu’attendons nous du travail d’une agence de notation ?

    De nous éclairer sur la situation d’un établissement ou d’un pays qu’on n’a pas soi-même le temps ou la capacité d’analyser, de profiter de l’avis d’experts disposant de connaissances qu’on ne possède pas aussi bien.

    Mais, in fine, l’utilisation que nous faisons des conclusions des agences de notation ne nous empêche pas de disposer de notre propre capacité de jugement.

    Lorsque j’achète un lave-linge, je prends des renseignements. Je ne vais pas croire aveuglément aux conclusions du test comparatif de 50 millions de consommateurs, ou de la Fnac. Car là aussi, je doute de la totale objectivité de celui qui donne son avis d’expert.

    Alors pourquoi acheter, sans prendre aucun renseignement, une titrisation notée AAA, pour ensuite se scandaliser lorsqu’elle perd 5 notes d’un coup. Une preuve de plus de l’irresponsabilité face aux produits financiers.

    Depuis diverses déconvenues des non-professionnels sur les produits financiers risqués (à mon sens, ils le sont tous !), les banques ou intermédiaires financiers nous inondent de paperasses nous rappelant que nous avons acheté ces produits en toute connaissance des risques pris, que leur valeur peut baisser, etc €¦Quand je lis ça, je suis consterné de constater que ces wagons de formules que La Palice aurait été fier de rédiger, deviennent incontournables pour éviter les réclamations et autres procès que le premier mécontent venu ne manquera pas de déclencher.

    Nous vivons dans une société d’irresponsables.

    Certes, il faut protéger les plus faibles et les plus naïfs, mais la vie est un combat, et nous ne vivons pas sur la planète des Bisounours. La société ne peut pas protéger contre toutes les arnaques et turpitudes imaginables : la voiture dont le moteur est foutu, la maison avec un vice de construction, la location de vacances qui à vue sur la porcherie, etc€¦

    Donc, je propose que les agences de notation ajoutent systématiquement à la note qu’elles attribuent que « cette note a été déterminée sur la base d’éléments dont la véracité dépend de l’honnêteté de celui qui les a fournis, qu’elle contient une part de subjectivité lieé à l’expérience de l’analyste qui l’a produit, et blah, et blah, et re-blah »

    Lorsque j’étais analyste crédit, vers le début de ma carrière professionnelle, j’ai découvert les analyses de Moody’s et S&P alors que je travaillais dans un département de 20 personnes. Et j’ai commencé par me demander pourquoi j’avais été embauché, alors qu’il suffisait de s’abonner aux analyses des agences (à 2000 USD/an) plutôt que d’avoir tout un département dont le budget de fonctionnement voisinait le million de FRF.

    Grce aux enseignements de mon responsable (détestable, mais par ailleurs profondément intelligent) j’ai vite compris que les notes des agences ne nous servaient que de référence. La vingtaine d’analystes refaisait donc le même travail sur les contreparties avec lesquelles ma banque travaillait, et il y avait parfois de bonnes divergences €¦ comme, par exemple, pour le Crédit Lyonnais, classé junk en interne, et toujours investment grade chez les agences.

    Donc, arrêtez de tirer sur les agences de notation et replacez les à leur place : elles ne font que donner des conseils, vous devez vous faire votre propre opinion. Donner une note ne revient pas à accorder un certificat comme pour la concentration en or d’un lingot. D’ailleurs, je ne crois pas que les agences de notation aient jamais revendiqué le statut d’un juge suprême et divin.

    L’état US s’insurge de la note que S&P lui attribue, c’est lui qui divinise ainsi l’agence de notation. Lorsque mon prof de math m’accordait un royal 6/20, cela ne m’a pas empêché de démontrer que je valais un peu plus.

    Tout cela, c’est beaucoup de bruit pour rien. Si on prend un peu de recul sur cette dégradation des US, c’est un peu comme si leur note passait de 20/20 à 19/20. Or, la notation d’un état, ou même d’une banque tient plus de l’appréciation d’un devoir de philo que d’un QCM.

  5. Docthib dit :

    @ superb0y : merci pour la remarque sur la remarque sur les remarques, en effet, on a l’impression que le journaliste de base cherche un coupable à tout prix, on revient à la notion biblique (mais plutôt aux relents sacrificiels) du bouc émissaire. Ce qui me rappelle un autre thibillet, lors d’une autre crise…
    Pour ce qui est de la rémunération des agences de notation : je ne suis pas persuadé qu’une agence « publique » serait une solution, en effet, on substituerait à certains conflits d’intérêts d’autres pressions éventuelles. Et puis surtout, il y a d’autres sociétés qui fonctionnent sur le même modèle, par exemple les cabinets d’audit, nommés par l’entreprise, payés par l’entreprise, mais néanmoins indépendants. La question est double : comment éviter les Enron ; comment relativiser l’importance accordée à l’information délivrée par ces entités.

    @ fernand : je pense que ces critiques sont adressées essentiellement (pour reprendre les mots de superb0y) aux « critiques formulées actuellement par les médias, qui ne délivrent souvent aucune argumentation (autre que fondée sur des préjugés et des lieux communs de la finance) pour étayer leurs articles ». Dans ce cas, je suis d’accord (je ne peux pas « arrête[r] de tirer sur les agences de notation » puisque je n’ai pas commencé).
    Il y a plusieurs choses sur lesquelles je suis entièrement d’accord : une responsabilisation des investisseurs (y compris, et surtout, les plus petits) qui ne peut pas passer par des textes règlementaires (car le petit investisseur se dit « la banque se couvre pour que je ne l’attaque pas après »), parce qu’en fait, il s’agit d’éducation. Et qui peut éduquer ? Les gestionnaires de patrimoine, les profs (mais leur public est restreint) mais surtout, les médias. Ce qui déplace le débat. Je l’ai déjà dit, je le redis : ce qui est coté habituellement, ce sont des informations ; actuellement, ce sont des informations et des rumeurs. Déjà que le cerveau humain gère mal les informations en général (erreurs de rationalité), mais alors, quand ce sont des informations tronquées, biaisées, brutes sans analyse, ou faisant preuve de cadrage (cf. finance comportementale), ça ne peut pas marcher. La question devient : qui va éduquer tout ce petit monde, et comment, et avec quels moyens ?
    Pour revenir sur le rôle et le poids des agences : entièrement d’accord, c’est trop facile de leur tirer dessus quand en fait, on assiste à une myopie des marchés avec des sur-réactions très à court terme (mais, revenons à la théorie de l’agence et à la réputation, les systèmes de rémunération encouragent probablement cela). Tuer le messager n’a jamais été la solution.
    Une remarque toutefois : il y a une grande différence entre 60 millions de consommateurs et la Fnac. Les magazines comme 60 millions de consommateurs ou Que choisir ne se fondent pas sur les recettes publicitaires pour vivre, pour une question d’indépendance justement. On se souvient que certains journalistes avaient été priés de ne pas être critiques vis-à-vis des sociétés annonceurs, ou actionnaires, de leur journal. Donc, pour ma part, je fais plus confiance aux articles de 60 millions de consommateurs qu’à ceux publiés par la Fnac. Ce qui n’empêche évidemment pas d’exercer son sens critique : toute information est biaisée, à nous de prendre la peine d’analyser l’ampleur de ce biais potentiel.

  6. fernand dit :

    Pour compléter mes propos sur la très grande relativité de l’importance à accorder aux notes attribuées par les agences, je joins un petit tableau d’un échantillon à peu près représentatif des principaux états et principales banques, faisant apparaitre le cours du CDS moyen, et la note S&P.

    On y relèvera allègrement quelques « incohérences » sur la façon dont ces entités sont notées, après analyse, et sur la façon dont le marché valorise leur risque :

    Sans surprise, le CDS des USA côte le tiers de celui de la France, malgré un AA+ contre un AAA. Et, il représente environ la moitié de celui de l’Allemagne. Le marché est donc indifférent aux états d’âme de S&P, et se demande pourquoi la France est encore AAA. Par ailleurs, le CDS du japon (AA-) reste nettement inférieur à celui de la France.

    Même le CDS de Standard Chartered (A) est inférieur à celui de l’Etat français. Là, on peut se poser des questions sur le raisonnement du marché. A titre personnel, je pense encore qu’il y a bien moins de risque que l’Etat français soit en cessation de paiement que StandChart ne fasse faillite.

    Autre incohérence, plus facile à appréhender au niveau national : le CDS de Natixis est légèrement inférieur à celui de CA SA, et même à celui de BNP Paribas. La différence n’est pas bien grande, mais il est de notoriété publique que Natixis a été en quasi faillite et est perfusé par BPCE. Dans le cas présent, le marché anticipe probablement que le fonctionnement du système bancaire français est conçu de telle façon que Natixis ne pourra pas faire faillite, quitte à appeler l’Etat ou les autres banques françaises à son secours. Curieusement, dans le cas présent, S&P et le marché sont d’accord.

    Bon, je ne vais pas vous commenter toute la liste, je vous laisse regarder et relever vous-mêmes les écarts qui peuvent vous surprendre.

    En conclusion, comment apprécier la valeur des choses ? La réponse est invariable : en recoupant différentes sources d’information, en comparant, et surtout en faisant fonctionner son raisonnement lorsque des contradictions apparaissent (ou pas, d’ailleurs).

    Qui des agences de notation, qui analysent finement des tombereaux de données, visitent les établissements, et interrogent leurs dirigeants, ou du marché, qui est impulsif, sujet aux rumeurs (mais parfois bien mieux informé), a raison ?

    A vous de trancher, il n’y a pas qu’une seule réponse.

    Issuer Name
    S&P Mid Par Country
    Germany, Federal Republic of AAA 83,69 DE
    France, Republic of AAA 158,42 FR
    United Kingdom, Government of AAA 84,21 GB
    United States of America, Government of AA+ 47,94 US
    BNP Paribas S.A. AA 231,56 FR
    HSBC Bank Plc AA 121,58 GB
    Royal Bank of Canada AA- 59,96 CA
    Toronto-Dominion Bank (The) AA- 64,93 CA
    Barclays Bank Plc AA- 261,11 GB
    Japan, Government of AA- 111,88 JP
    Deutsche Bank AG A+ 189,72 DE
    DZ Bank AG Deutsche Zentral-Genossenschaftsbank A+ 123,84 DE
    Banque Federative du Credit Mutuel A+ 245,90 FR
    Credit Agricole Corporate and Investment Bank A+ 238,22 FR
    Credit Agricole S.A. A+ 244,36 FR
    LCL – Le Credit Lyonnais A+ 245,00 FR
    Natixis S.A. A+ 227,29 FR
    Societe Generale A+ 319,02 FR
    Bank of Scotland Plc A+ 235,50 GB
    Barclays Plc A+ 256,01 GB
    Lloyds TSB Bank Plc A+ 326,84 GB
    Royal Bank of Scotland Plc A+ 349,76 GB
    Intesa Sanpaolo S.p.A. A+ 329,66 IT
    Mediobanca S.p.A. A+ 307,41 IT
    Italy, Republic of A+ 373,88 IT
    Bank of Tokyo-Mitsubishi UFJ Ltd A+ 174,41 JP
    Bank of America N.A. A+ 381,07 US
    U.S. Bancorp A+ 84,83 US
    Commerzbank AG A 271,47 DE
    Deutsche Postbank AG A 123,86 DE
    Standard Chartered Plc A 149,89 GB
    UniCredit S.p.A. A 370,55 IT
    Bank of America Corporation A 379,68 US
    Citigroup Inc A 235,34 US
    Goldman Sachs Group Inc A 244,71 US
    Morgan Stanley A 309,58 US
    Norddeutsche Landesbank Girozentrale A- 193,83 DE
    Banca Monte dei Paschi di Siena S.p.A. A- 417,38 IT
    Banca Popolare di Milano SCaRL A- 489,26 IT
    Banco Popolare Societa Cooperativa SCRL A- 650,38 IT
    WestLB AG BBB+ 379,78 DE

  7. Docthib dit :

    @ fernand : sur la question finale, je ne me risquerai certainement pas à trancher ! 🙂 En fait, comme on le sait tous, personne n’a 100% raison 100% du temps. Mais il est vrai qu’à certains moments, le « marché » cette entité hautement symbolique, a l’air de savoir des choses alors même que l’information n’a pas encore été publiée. Et il ne s’agit pas forcément de délits d’initiés, mais beaucoup plus probablement d’une efficience entre efficience semi-forte et efficience forte. Et puis il y a d’autres moments où le « marché » est désespérant de myopie ou de préjugés.
    En tout cas, merci beaucoup pour ce tableau, que je vais essayer de remettre en forme (pas évident) pour en faciliter la lecture. Et j’y vois déjà des choses très amusantes 🙂

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.