Les dents de la terre

Je suis dans un lieu éloigné de toute civilisation, travaillant lentement mais opiniâtrement à mon projet Prométhée.

Loin de toute civilisation, mais non loin de toute vie.

Voici les 3 mails que j’ai envoyés aujourd’hui :

1er mail, état des lieux

Sujet : Rats and Roaches (Calvin Russell)

On se croirait loin de tout, et voilà, pas le moyen d’être tranquille. Si je récapitule :
– 2 perdrix hier, à la première, je bondissais (figurativement) de joie, là elles sont 4 à picorer près d’un tas de neige, c’est rien que des poules cons.
– des pies, des geais, et un drôle de petit oiseau tout petit tout rond bedonnant, j’ai envie de le dessiner, mais je suis sérieux, je bosse d’abord.
– un mulot dans la cuisine. Il m’a chouravé des pâtes (sèches) et s’est réfugié dans la cafetière Nespresso. J’ai essayé de le virer (sans le tuer), mais il connaît la maison mieux que moi, alors que finalement, c’est moi l’intrus, non ?
– des araignées, c’est-à-dire des faucheux cons et des araignées plus… consistantes, ouais, c’est le mot. C’est comme le mulot, ça ne me dérange pas trop tant que ça ne me touche pas 🙂

2ème mail, action militaire

Sujet : week-end à Zuydcoote (Robert Merle)

Fusilier Marin Commando Thibierge au rapport.
Ai vu l’individu (Joe le Mulot), mais n’ai pu l’appréhender. Ai néanmoins collecté un ensemble d’observations pour alimenter le dossier.
– l’individu a ses habitudes dans l’armoire jouxtant la cafetière, que nous appellerons niara 1.
– l’individu a été vu au rez-de-chaussée de niara 1, mais a probablement une entrée secrète. En effet, maintenant qu’il m’en souvient, l’été, quand j’étais en permission sur la table du jardin, j’entendais des petits grattements près de la porte, dans le mur extérieur de niara 1. Je ne suis pas payé pour penser, aussi je suggère à mes supérieurs de penser au fait que peut-être l’individu a creusé une galerie qui aboutit du monde extérieur à niara 1, et inversement. Ceci expliquerait non seulement sa disparition de niara 1 quand je l’ai investiguée, mais aussi comment l’individu a pu arriver dans ce lieu sécurisé qu’on appelle cuisine et qui est mon QG (l’hypothèse « amené avec les potirons » est risible à la lumière de la froide logique)
– ai inspecté l’armoire en face (niara 2), et l’individu y a causé quelques déprédations. Il aime les bouillons cubes, le café et les pâtes. Ai jeté les emballages (vides) et sécurisé le reste du café dans la boite Kellogg’s, en l’assurant que les secours arrivaient.
– Ai déplacé potirons sur le sol, car faisaient moisir le plan de travail. N’ont pas eu l’air d’objecter.
Ne vois rien à ajouter. Insert Formule de Politesse (« Biz »).


3ème mail, action-réaction

Sujet : Ratatouille (Linguini et al.)

Cet après-midi, pendant que je travaillais dans la salle à manger, ce petit galapiat a rongé ma brique de soupe (par le haut) et s’est probablement trempé les moustaches dans mon velouté 9 légumes. Je pense que l’animal a fait cela sciemment, pour bien m’expliquer que toute intrusion de ma part dans SA vie serait irrémédiablement suivie d’une réaction d’égale force dans MA vie.
Ce n’est pas pour me déplaire.
De même que les bébés qui ont été nourris au même sein sont frères de lait, Trotte-menu et moi-même sommes désormais frères de soupe.
Biz

Mail de réponse de la propriétaire : « Vous avez l’air de bien vous entendre. Ramène-le chez toi. »

Je ne suis pas aidé.

[edit de 20h45]

Sujet : Geek 1 – Mulot 0

Je l’ai eu. J’arrivais dans la cuisine, et il a filé se cacher dans la cafetière (NB : il se faufile par le trou de la grille, qui fait au max 2 cm de diamètre).
Je transporté la cafetière dehors, et l’ai désossée méthodiquement. Joe le Mulot a filé se cacher dans les plates-bandes, j’en ai profité pour rentrer et fermer la porte *à clé* (ne jamais sous-estimer un rongeur affamé). J’avais prévu de monter la garde dans la cuisine, car j’intuite qu’il va utiliser l’entrée secrète dans Niara 1 (l’armoire à vaisselle) pour revenir. Mais j’ai une meilleure idée, ô Crocodile Dundee que je suis : j’ai laissé deux pâtes sèches (Torti), dont je sais qu’il est friand, à côté de la cafetière. Si les pâtes ont disparu demain matin, c’est que Joe m’a fait la nique.
Je vais aller regarder Stuart Little, tiens.
Biz

[/edit]

[Update de 22h05]

Joe le Mulot is back. Non seulement une des deux pâtes à disparu, mais Joe s’est même montré. Il n’est pas allé jusqu’à danser le tamouré sur la cafetière, mais toute son attitude clamait la désinvolture ironique d’un hobereau qui se sait sur ses terres.
Je suis content de ma démarche analytique, toute sherlockholmesienne, autant dans l’intuition qu’il y avait une entrée secrète dans Niara 1, que dans la conception de mon piège diabolique (deux nouilles).
L’affaire repose désormais entre les mains de la Justice, c’est-à-dire la propriétaire, qui décidera (ciment à prise rapide ? gazage assassin ?) comment interdire les lieux au filou à moustache.

[Update de 22h05]

Ce contenu a été publié dans Verts de terre. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Une réponse à Les dents de la terre

  1. Yann dit :

    1. Je me suis bien marré

    2. Stylistiquement, il y a quelque chose de rythmé, "fluide" dans ces petit paragraphes que j’aime beaucoup, difficile de pointer du doigt le pourquoi du comment par contre 😉

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.