En Vrac

  • Recherche en finance, logiciels libres et yaourt. Une bonne recherche (académique) est réplicable, c’est-à-dire que le chercheur a donné la recette. Je me souviens d’une intervention de deux supposés grands chercheurs en finance français,  il y a de cela quelques années. Le commentateur du papier de recherche, un sud-africain, avait commencé son intervention en disant « vous avez utilisé un échantillon bti et collecté par vos soins, sans le détail de sa construction ou sa composition (c’était une base de données propriétaire que les chercheurs gardaient jalousement), votre modéle n’est pas détaillé, ce qui veut dire qu’en l’état, je ne pourrais donc pas refaire votre étude pour la compléter ou la contester, ce n’est donc pas un article scientifique ». Ce qui me frappe, c’est le parallèle avec les logiciels libres : si vous donnez la recette, vous autorisez les autres personnes à remettre en cause vos ingrédients (dans le but d’améliorer la recette) et surtout, c’est la condition de votre légitimité, car vous montrez exactement ce que vous avez fait. Nous atteignons ici les limites des modèles de concurrence : au paradigme initial, qui était que la meilleure condition pour réussir, c’est la confidentialité et le brevet (notre recette est secrète, ou protégée), on superpose désormais un autre modèle plus transparent. Cela touche tous les rangs de la société. Aujourd’hui, de plus en plus de personnes sont gênées de voir que la composition d’un produit de consommation courante mentionne des choses aussi vagues que « extraits végétaux, arômes, épaississants, exhausteur de goût » etc. Dévoiler sa recette permettrait un travail collaboratif d’amélioration, et donc un succès prolongé. Par exemple, comme le rappelle aujourd’hui Tristan Nitot, « Sans logiciel Libre, Internet n’existerait pas !« 
  • Le gyroscope du planteur. J’ai fait un saladier de planteur (jus de mangue, de goyave, d’ananas, rhum agricole, citrons verts) pour les petites soifs vers 3h du matin. En déplaçant ce saladier dans un escalier en colimaçon (protocole expérimental, vous voyez, je donne la recette), j’ai constaté que lorsque l’on fait pivoter le saladier, les citrons verts restent à la verticale du même point. Un peu comme quand on tourne un bocal de poissons rouges, sauf que là, ça peut être biaisé, car les poissons rouges nagent, alors que les citrons verts font la planche. Et je me demande pourquoi, quand on fait pivoter un saladier de planteur de 30°, les citrons ne pivotent pas de Pi/6 ? Je ne pense pas que ce soit dû à la Force de Coriolis, alors quoi ?
  • Point barre. Je n’aime pas ignorer l’étymologie ou la provenance d’une expression. Dans le cas de « point barre » (traductible par « un point c’est tout »), je pensais que cela avait à voir avec l’alphabet Morse. Mais point barre, en Morse, c’est la lettre A. Je ne vois pas pourquoi on terminerait un message en Morse par « A » (d’autant plus qu’on termine par ···-·-). L’explication la plus couramment avancée est que cela correspond à une utilisation du clavier : point, barre (d’espacement), donc terminé. Mais comme souvent souligné, le vrai point final, ce n’est pas point barre d'espacement, c’est point retour chariot, pour rester conforme à l’expression synonyme « point à la ligne ». J’ai lu aussi une explication délirante, comme quoi point barre, c’est  » ! « . Bref. Il semble que point barre vienne soit du Telex, soit des correspondances ministérielles (et plus globalement, administratives). Dans ces deux cas, on avait coutume de terminer un paragraphe ou un texte par « ./ » (point barre oblique) pour, dans le cas du Telex, signifier que le message était bien arrivé à sa fin, sans coupure de transmission (l’équivalent de « terminé » ou « over »), et dans le cas des correspondances ministérielles, éviter que quelqu’un ne rajoute des phrases après. Un peu comme, quand on rédige un chèque, on tire un trait après le texte, pour que l’ordre ne puisse pas être changé de Trésor Public en Trésor Publicité… Voilà donc la vraie explication de cette expression. Point barre.
  • Lecture active. Je suis bien accroché au roman Les Falsificateurs, d’Antoine Bello (Folio, 4727, 2008), et au début du chapitre 13 (id. p. 162), un protagoniste demande « […] pourquoi croit-on à une histoire ? On distingue généralement quatre ressorts essentiels, mais je préfèrerais les entendre de votre bouche […] ». Je me suis surpris à arrêter ma lecture, et à y réfléchir pour trouver mes éléments de réponse, avant de voir ce que le roman donnait comme solutions. J’étais passé d’une lecture passive d’un roman (comme un vase qu’on remplit) à une lecture active (comme un feu qu’on allume). J’aimerais bien écrire un (des) livres qui favorise cette lecture active, avec si possible des injonctions un peu moins simplistes que « arrêtez-vous maintenant de lire, et réfléchissez à telle question, avant d’aller voir les réponses page suivante ».
Ce contenu a été publié dans En vrac. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

2 réponses à En Vrac

  1. medhi dit :

    @Le gyroscope du planteur: Cher professeur, l’explication est très simple (du moins dans ma tête), en vous déplaçant dans l’escalier en colimaçon vous faites la composition de deux mouvements qui sont une translation et un rotation. Nous allons donc dans ce qui suit décomposer le problème en unités élémentaires. Pour commencer, dans le cas qui nous intéresse, seule la rotation est à prendre en compte.

    Si l’on néglige les forces de frottements entre le liquide (planteur) et la paroi de son conteneur (saladier)
    Si l’on supprime le mouvement de translation (ascension ou descente de l’escalier).

    On arrive à un système à deux corps et deux référentiels
    corps numéro 1: C.T + saladier
    corps numéro 2: le planteur et ses rondelles de citrons

    référentiel 1: C.T tenant avec difficultés son saladier à frottement nul
    référentiel 2: les murs de la maison

    Maintenant que le modèle est posé on se lance dans une "expérience de pensée" en changeant le référentiel d’observation de l’évènement (référentiel 1: C.T) pour passer au référentiel 2 (les murs de la maison). De ce référentiel c’est C.T qui tourne autour du saladier immobile par rapport aux murs de la maison. Donc le planteur ne bouge pas et les citrons restent stoïques.

    Pour aller plus loin:
    Mettons nous dans le référentiel 1 : Est ce que les rondelles de citrons tournent sur elles-mêmes dans le saladier lorsque C.T descend son escalier ?

    P.S.
    La force de Coriolis est à considérer si l’on durcie les conditions initiales du problème c’est à dire un planteur visqueux et des frottements importants avec la paroi non lisse du saladier.

  2. Docthib dit :

    @ Mehdi : c’est brillant ! Nous étions arrivés (avec des copains) à la même conclusion, mais bien moins élégante, hier autour d’une mousse au chocolat (bien visqueuse, elle). C’est le "sans frottement" qui a tout déclenché, chapeau !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.