Au sujet du Marathon de Turin, vous avez été nombreux (au moins deux) à me demander : « Mais enfin donc, peste boufre, qu’est-ce qui explique cette contre-performance manifeste avec une telle préparation d’athlète surdimensionné ?! »
Je me suis posé la même question, car de temps en temps, je pense.
Et j’ai consulté les oracles : quelques coureurs aguerris, et Google, qui ne court pas beaucoup, mais qui bouffe de l’info sans discernement (donc méfiance).
Voici les résultats de mes investigations :
- Le negative split, que j’ai pourtant essayé d’atteindre plusieurs fois, n’est pas recommandé en marathon. Les avis sont assez unanimes : « si tu essaies de courir à 6’20 » au kilomètre pendant 20 bornes, puis que tu passes brutalement à 5’40 » au kilomètre, ton corps il va pas aimer ». Car le corps aime la régularité, surtout sur 42 km (et 195 mètres, ne les oublions pas).
- Le conseil est de courir à la même allure pendant toute la durée de l’épreuve, tout en écoutant son corps. Qui ça ? Mon corps ? Ah oui, cette machine électrique à laquelle j’envoie des signaux codés ? Non, coco, le siège de ton âme, la porte ouverte sur l’extérieur, le rideau qui se gonfle sous la respiration du Tao.
- L’erreur, fatale à plus d’un coureur de ce marathon très particulier, a été de maintenir la vitesse de course dans la côte. Nous avons été plusieurs à avaler la côte sans difficulté, avec un grand sentiment de puissance. Nous sommes tous arrivés en haut en étant extrêmement contents… alors même que, sans le savoir, nous avions brûlé notre précieuse énergie (le glycogène) dans cette montée. Le conseil est donc : en côte, ralentir son allure. De combien, mon général ? Deux réponses :
- En ajoutant 15-20 secondes au kilomètre. Donc pour moi, il aurait fallu monter la côte à 5’40 » + 20″ = 6’00 » au km, au lieu de faire le cacou devant Joce, Arnaud et Mathieu.
- En maintenant la fréquence cardiaque au même rythme que sur du plat, c’est-à-dire raccourcir la foulée, respirer, et tant pis pour la vitesse.
- Le but est finalement de repousser « le mur », ce moment où on n’a plus rien dans les jambes. Pour quantité de coureurs, ce mur apparaît au km 30, ce qui fait dire à Pierre, gourou aux 40 marathons : « la course commence au km 30 ». Or, ce qui fait que le mur apparaît, plus ou moins tôt (pour votre serviteur, km 26 à Paris, km 23 à Madrid, km 29 à Turin), c’est l’épuisement du glycogène. Donc, petit cours, et merci à Housni pour ces bons conseils :
- Le glycogène, c’est le carburant des muscles. Il est constitué de sucres stockés dans les muscles et le foie. Pour un être humain normal, il y a 400 grammes de glycogène stockés.
- Mais avec une préparation particulière (le RDS, Régime Dissocié Scandinave) uniquement réservée aux marathoniens, et pas plus de deux fois par an, on peut faire passer ce stock de 400 grammes à 1 kg. Et donc, on peut repousser « le mur ».
- Le principe est d’affamer le corps en glycogène, de telle sorte que le foie cherche à stocker de manière surcompensée après coup. Les étapes sont les suivantes (pour un marathon à courir le dimanche matin) :
- Le dimanche précédent, dernier repas normal.
- A partir du lundi, 3 jours de régime sans sucres : pas de sucres lents, mais uniquement des aliments sans sucres : protéines, fromages (génial : zéro glucides). Donc on proscrit : pain, riz, pâtes, pommes de terre.
- Jeudi matin, il faut vider les dernière réserves de glycogène, donc 40 mn de footing pour vider le réservoir. Et après, petit déjeuner normal : pain, confiture, sans se gaver.
- Le foie est total sevré, et il cherche sa dope comme un malade. Pendant 8 heures, il va chercher à surcompenser. Donc le jeudi midi : grosse bouffe de pâtes, pain complet, un truc à se faire péter la sous-ventrière. Le foie est gavé, et on se sent comme une oie dans le Périgord. Normalement, on a 1kg de glycogène qui a été stocké par ce trouillard de foie.
- Les autres repas doivent être normaux (pas de gavage), mais uniquement orientés en sucres lents. Pas de viandes grasses, juste 100-150g de protéines par repas, pour maintenir la qualité des muscles : jambon blanc, poitrine de dinde, carton bouilli, polystyrène.
- Plus de footing, de l’eau toujours, et des pensées positives.
Voilà, il ne reste plus qu’à appliquer ces conseils.
C’est un état d’esprit étonnant. Ce marathon a réellement été très dur, et pourtant, j’en sors très détendu parce que j’ai compris mes erreurs. Laurent me dit qu’il aimerait courir un marathon à l’automne, avant Londres dans un an, et je suis prêt à le suivre.
Ce projet, c’est un peu plus que des courses. C’est un groupe, une vraie équipe, ce sont des fonds qui sont levés pour une bonne cause, ce sont des heures de bénévolat. Ce sont des grands moments.
Quelle analyse! On voit que ton cerveau n’a pas été trop sevré lui, tout va bien.
Conseils à garder bien précieusement, je pense qu’il faut aussi investiguer la piste de l’huile de foie de
morue. C’est tjs bon la morue.
Je suis également ravi de savoir que tu as toujours ton foi, j’avais des doutes. Je pensais qu’il était resté
sur un coin le comptoir du Quatters…
Hello, poisson volant ! Je ne te suivrai pas sur la pente glissante des jeux de mots sur la morue, tu as l’air de te débrouiller très bien tout seul. Quand au foie (mais j’ai aussi la foi en moi), je le requinque à coup de foie gras, ça marche bien.
Là je suis dans ma diète d’après marathon, on ne dira jamais assez le côté contraignant de ce retour à la vie normale (champagne, cassoulet, fromage…)
Turin, apparemment, c’est un marathon d’intello, on commence à avoir passer le cap des années folles des premiers marathons un peu fous et on commence à réfléchir.
Ton régime suédois dissocié, ça a l’air tentant sur le papier, tu vas l’essayer ? (c’est un peu quitte oudouble ton truc tout de même)
De mon côté, sur la diétique, j’ai l’impression qu’il y a autant d’avis que de coureurs. Chaque coureur colporte un gloubi-boulga des croyances de ses collègues coureurs et des conseils de ses médecins .
Etirements après l’effort, régime dissocié, repos d’une semaine vs. séances de crash de glycogènes trois jours avant le marathon, alcool vs. pas alcool, jeunes vs. vieux, compléments alimentaires, écarteurs de narines, auto-collant nike, musique en courrant, cardio-fréquencemètre, vêtements noirs / blancs.
On dirait que tout peut être discuté à l’infini à l’infini pour le plus grand plaisir des joggeurs qui peuvent se donner un air d’expert…
Sur le negative split, pour améliorer son temps, il reste toujours qu’une seule règle: courir vite,voire plus vite… (genre run Forrest, run)
Donc au choix:
1) tu cours tout le temps à la même vitesse (mais plus vite que la vitesse moyenne du précédent marathon, sinon tu vas pas t’améliorer)
2) tu cours tout le temps à la même vitesse en t’adaptant à la topographie : tu cours plus lentement dans les montées, mais tu devras alors courir plus vite dans les descentes, mais ça devient compliqué à gérer dans ta petite tête de coureur en manque de glycogène … c’est un faux plat: je ralentis, j’ai un ravitaillement: je ralentis, c’est une descente: attention pas trop vite, je ralentis, je suis crevé: je ralentis,
3) tu cours vite au début, tu as gagné du temps, du coup, il faut juste ne pas trop ralentir après et c’est chaud, mais ce qui est pris est pris…
4) tu cours lentement au début et tu peux commencer à accélérer dans la 2ème partie -d’après mon resenti, totalement impossible…
Bon après toutes ces lapalissades et pétitions de principe, je te propose une vraie mesure d’amélioration du marathon: passer à 4 entraînements par semaine, avec une vraie séquence de fractionné.
On aura beau retourner le problème dans tous les sens, de toutes les façons, on souffre et on souffle, il faut nécessairement améliorer son endurance, quelque soit l’allure choisie…
Donc on en revient au foncier.
De même que Laurent ne crèvera pas le plafonds des 3h s’il n’augmente pas ses entraînements,
on n’arrivera pas à améliorer nos temps, avec les mêmes fondamentaux…
"Juste fais-le 4 fois par semaine"
Suggestion de noms de projet: tetra, 4×4 (c’est pour la 4ème étoile du marathon), What4, …
Canaillou, j’étais sûr que tu allais aussi poster sur ESCP-EAP Running. Je te retrouve là-bas, plus tard.
Bonjour Docthib,
je suis tombé sur votre blog en faisant une recherche sur ce que j’ai baptisé le business flou.
Marathonien également, je voulais apporter une petite précision sur le négatif split,
l’écart entre le premier et le second 1/2 marathon n’est pas si important, les champions réalisent que quelques dizaines de secondes de moins sur la deuxième moitié du parcours, c’est dire leur maîtrise du sujet et leur régularité.
Personnellement j’ai déjà couru en négatif split mais avec un écart plus important (Sénart 1h35 et 1h33, améliorant ma performance d’Amsterdam, six mois plus tôt, de 6 minutes).
Soit :
21,100 km à 13,326 km/h
21,095 km à 13,609 km/h
mon objectif ou plutôt mes objectifs comme à chaque marathon étant de :
finir le marathon
de prendre plaisir à courir
de battre mon record précédant si possible
6’20" 2h13 au semi
5’40" 1h59 au deuxième
c’est sur le corps il va pas aimer du tout surtout si vous êtes limite pour tenir un 5’40" au kilo.
Encore bravo, pour ce blog très intéressant, moi qui me demandait comment placer ma fortune accumulée au fil de dures années de labeur, j’ai enfin une réponse sensée : les trackers. Comment de fait-il que mon banquier ne m’en ai pas parlé ?
Ca m’apprendra à ne penser qu’à la course à pied, au lieu de gérer mes assets !
Cordialement.
Hello Djdjer, merci pour ces précisions ! En effet, en parlant avec des amis coureurs vétérans (et non vétérans coureurs), j’en ai eu la confirmation : l’idéal est quand même de garder tout le temps la même vitesse. Si negative split il y a, il doit être très faible. Quand au plaisir de courir, j’adhère : j’ai eu trop souvent tendance à l’oublier !
Quant aux trackers, c’est un peu pareil : de la performance sans chercher à tout prix à faire péter un compteur 😉