« Picard s’était servi un nouveau verre. Il n’aimait pas parler de lui, surtout pour entendre les mêmes anecdotes, les mêmes sarcasmes sur la typologie du professeur de philosophie. Car c’était toujours la même ritournelle depuis quinze ans. Il suffisait qu’il révélt sa profession pour que ses interlocuteurs se remémorent leurs années-lycée. […] aux yeux d’autrui, il y a des professions qui vampirisent la vie privée, la rendant exsangue de toute autonomie. Le professeur de philosophie fait partie de ces professions-vampires. On n’imagine pas un professeur de philosophie faire autre chose que de la philosophie, même dans des moments intimes de sa vie. On imagine au contraire un homme sans cesse absorbé par ses pensées, grignotant ses tartines beurrées en lisant fiévreusement du Nietzsche et poussant son caddie dans les rayons blafards du supermarché en songeant à l’obscurité de la caverne de Platon. »
Christophe Vergnaud, Riesling Connection, La table ronde, 2003, p. 55.
Outre le fait que ce roman – que je relis avec délectation – est un pur ovni jubilatoire, mêlant philosophie, méditations sur les mouches ou les garagistes, et style mordant, cette citation a aussi le mérite de faire sonner quelques cloches familières.
- On n’est pas loin du bovinage, cette tentative d’étiqueter les personnes à une seule dimension (c’est aussi le début de Transluxion, je sais, je me répète).
- Il y a certaines catégories sociales qui sont étiquetées, avec quantité d’a prioris. « Les journalistes écrivent n’importe quoi », « Les agents de la SNCF sont toujours en grève », « Les employés d’état-civil sont désagréables », « Les routiers sont sympas » (bon, ça date…). Je manque d’exemples, mais il y en a d’autres, probablement. Certains métiers sont des fardeaux, car quand on se présente, on sait qu’on va avoir droit à la même litanie, les mêmes questions (ma première question, à moi, est toujours : « Et tu donnes combien d’heures de cours par semaine ? »).
- Il y a, comme souvent, confusion entre le métier et le domaine. Je suis professeur de finance (mais pas que…), et même chez mes collègues professeurs de marketing, je suis « un financier ». J’ai beau expliquer que dans « professeur de finance », le mot le plus important, c’est professeur, ça n’a pas l’air de rentrer…
(Non, Mamz’elle, ce n’est pas une jérémiade. Et s’il ne fallait retenir qu’une chose : lisez donc cet excellent livre de Christophe Vergnaud – je me rends compte qu’il en a écrit un autre depuis, hop, Amazon, 3 clics, ce sera dans ma boite aux lettres dans une semaine).
euh…quand vous dites " méditation sur les mouches", est -ce une allusion au plurifouillage tout en bluff des forcenés didactiques ou en d’autres termes à la brachycérophilie (enfin l’enculage de mouches quoi!Doc, qu’est ce qu’on perd comme temps à être politiquement incorrecte!)
Pour être complet sur cet aspect de la question , un prof se caractérise t-il par une facheuse propension au pinaillage ,à l’ ergotage , au découpage de cheveux en quatre ou à la masturbation intellectuelle ou de manière moins triviale et plus pédante est-il adepte de la « sodomie diptérophile », ou encore de la tétrapilotomie » ou de la « quadricapillosection »?
( hein quoi qui c’est qu’a dit que j’étais prof ?CQFD :-))
Mamz’elle, c’est trop, reprenez votre souffle, ça n’est point bon de s’épuiser dès le début de l’année scolaire. La réponse est nan, et oui peut-être. Nan, parce que, quand le génial auteur de Riesling Connection parle des mouches, ce n’est absolument pas pour les empapaouter. Et c’est oui, peut-être, parce que les profs, ça pinaille probablement pas mal. Je me soigne : j’essaie désormais de donner une réponse rapide en premier lieu, puis seulement après de pinailler. Mais l’âge n’aide pas, alala.
les informaticiens c’est pareil….pourquoi crois-tu qu’on mange (presque) toujours en groupe…? On a toujours droits aux même questions, ou plutôt aux mêmes début de phrases:
"tu es informaticien? j’ai un problème avec mon pc[…]" ou "tu sais comment on fait sous windows pour[…]"…
un collègue
Chez les Journalistes, c’est toujours :
C’est toi qui signe tes articles ? et après c’est : c’est toi qui choisis tes sujets ?
En plus quand ça écrit dans Capital, ça donne :
Et vous avez un rapport avec l’émission de TV (la réponse est non, si ce n’est que le lancement concomittant a profité à l’un comme à l’autre sans jamais qu’un partenariat ne soit scellé).
Lisez la Chasse à Courre de Clémence Boulouque sur les chasseurs de tête :
Dans les dîners en ville : Ah tu es chasseur de têtes ? justement parce que moi je cherche à changer de boulot…
Du coup pour remédier à cela, la personne disait qu’elle était controleur de gestion, et les questions s’arrêtaient très rapidement…
C’est marrant cette histoire de Capital, j’aurai justement dit l’inverse. Merci Christian, ça m’évitera de passer pour un con la prochaine fois 🙂
@Psyke, informaticien qui mange en groupe, on se connait?!
Quoique nan, je ne connais pas d’informaticiens qui seraient chez wanadoo :p
Comme quoi, ce bleug est le lieu des rencontres mondaines "alors cher ami, vous étiez aussi au repas des informaticiens du 26 courant ?" Je suis content aussi de voir que chaque métier (ou presque) a ses "premières phrases". J’adore voir les yeux des personnes à qui, ingénument, je pose la première question. On y lit "Oh non, pas encore la phrase maudite…"
Voui d’ailleurs je crois que dorénavant dans les diners mondains je vais me présenter en tant que proxénète ou vendeur de bidets, j’aurai certainement plus la paix!
bien vu Ulysse, pour ma part, je tenterai autre chose la prochaine fois….
mais oui, on se connait ! 🙂 , cette page sur wanadoo était mon premier site il y a bien longtemps….d’ailleurs, je n’ai même plus les accès pour mettre les pages à jour !
Je me disais aussi que de la musique électro et du flash ça ne pouvait être que toi!
:p
bon et ta présence ici parlant d’informaticiens mangeant en meute, j’avoue que ça aide…
Je vais ptet t’envoyer un mail plutôt que de papoter ici et spammer le doc, il n’y est pour rien après tout!
Ben si, il y est pour quelque chose. Je suis un rassembleur de souvenirs, les réseaux sociaux peuvent aller se rhabiller, je suis un condensé de LinkedIn et de FaceBook, évidemment, je n’ai que quelques (rajouter ici un indicateur de nombre) de lecteurs, mais quelle qualité ! (?)