L'attitude au restaurant

Tant qu’on est seul à la table, dans l’attente du deuxième convive, on est entièrement tourné vers l’extérieur. Même si l’on a le nez dans les pages d’un livre, c’est de manière butinante : un bruit vers la porte d’entrée, un mouvement dans le coin de l’oeil, et on lève la tête, pour voir. On en profite pour observer, discrètement. Tiens, le jeune-vieux cadre a commandé un whisky sec d’entrée de jeu. Le couple de retraités-touristes ne se parle pas (enfin, elle, elle parle un peu, lui marmonne des monosyllabes). Et puis elle arrive. Dès qu’elle arrive, nous sommes dans la conversation, tournés complètement vers l’intérieur, dans ses yeux. Un monde se réinvente, et des boules quiès impalpables se posent dans mes oreilles, nous sommes dans une bulle. Mais s’il arrive qu’elle disparaisse un moment au cours du repas pour aller se repoudrer le nez, j’en profite pour replonger un moment dans l’extérieur (tiens, le cadre jeune-vieux déjeune seul, avec une demi-bouteille de blanc, le couple retraité-touriste a filé, il faut dire, ils ont déjeuné tôt…).
Je flirte un moment, un peu infidèle, avec le monde extérieur. Je réajuste mes niveaux.
Ah, elle revient. Replongée dans la bulle.

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0 réponse à L'attitude au restaurant

  1. Lili dit :

    Doc, je vais vous faire un aveu : dans un lieu public je laisse toujours trainer mon oreille et mon regard , mine de rien.Sauf une fois ou deux , mais là j’étais vraiment amoureuse. Mais c’était il y a longtemps…(soupir)
    ça me fait penser à une nouvelle d’Anna Gavalda dans "j’aimerai bien que quelqu’un m’attende quelque part" où lui ne résiste pas , à la fin d’un diner en tête à tête prometteur ( je veux dire quant à la nuit à venir) , à l’envie de consulter ses appels en absence et poum patatrac , elle prend un taxi et le plante là…( bien fait!)
    z’êtes amoureux?:-)

  2. Docthib dit :

    Oui, moi aussi, dans un lieu public, j’ai les yeux qui dérapent. Mais cela gêne l’autre, je le vois, il/elle se retourne de temps en temps, inconsciemment, pour voir ce que je peux bien regarder… J’avais bien aimé cette nouvelle. La narratrice finit quand même par "je hais mon orgueil", non ?

  3. Yves Duel dit :

    Oui, c’est bien d’un homme amoureux, un tel billet. Ou alors qui rêve de l’être ?

  4. Docthib dit :

    Vous ne saurez pas ! Et elle ne lit pas ce blog. Alors…

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