Mon éditeuse favorite me proposait d’écrire un jour un billet sur les dictionnaires. Je l’avais appelée donzelle, elle en avait retenu la connotation péjorative et de là, elle me conseilla de vérifier dans différents types de dictionnaires. Hélas, je n’ai qu’un type de dictionnaire à la maison, le Littré. Heureusement, il existe le Trésor de la Langue Française Informatisé.
Le premier nous dit :
Donzelle :
- Fille ou femme de distinction (cet emploi est tombé en désuétude) ;
- Fille ou femme dont on parle très familièrement ;
- Fille ou femme dont on parle légèrement, d’un ton de mépris ;
- Nom vulgaire d’un poisson, l’ophidie barbue, dite aussi demoiselle.
Le second parle ainsi :
Donzelle :
- Rare et vieilli
- Sans nuance péj. Jeune fille.
- P. ext. Fille ou femme à l’allure ou à la tenue équivoque, de mœurs légères.
- Usuel, fam. et par dénigrement. Jeune fille ou femme prétentieuse et ridicule.
- En partic., souvent pour indiquer péjorativement un comportement naïf dans le domaine sentimental.
Les deux dictionnaires ne se contredisent pas, ils ont même des sens communs, mais on ne peut parler d’identité de sens. Certes, mon Littré date de 1873, et la langue évolue, mais la différence est notable.
Un autre domaine où l’ancien est battu par le neuf : les ouvrages de grands auteurs. En réaction à un commentaire de l’Obèse ascète, je suis allé chercher dans Les Pensées de Pascal l’origine d’une pensée. Hélas, dans mes deux exemplaires (Firmin-Didot, 1873, et Garnier Frères, sans date, mais après 1844), impossible de la retrouver. Je fais confiance à mon obèse contradicteur, d’autant plus qu’une recherche gougueule me donne le numéro « moderne » de la pensée (593), tel qu’il me l’avait indiqué. J’ai beau me fonder sur différents sites web, indiquant différentes parties de l’ouvrage, je ne trouve pas. J’en déduis que mes deux éditions sont
- incomplètes, ou
- ordonnées différemment.
Ce n’est pas dramatique, c’est juste fastidieux. Par exemple, dans le Garnier Frères, la pensée qui commence par « César étoit trop vieux, ce me semble, pour s’aller amuser à conquérir le monde » est numérotée 29, au chapitre IX, tandis qu’elle porte le numéro 47, chapitre XXV, dans le Firmin-Didot. Vous me direz : qu’importe l’ordre des billes, du moment que le sac est plein. Certes, mais j’intuite grave qu’en sus d’un classement différent, chaque éditeur a aussi sombrement coupé dans son édition.
A qui faire confiance, donc, si des margoulins massicotent à tout-va dans les pensées des auteurs ?
Mise à jour : tous les éditeurs ne sont pas des margoulins. Mon éditeuse est érudite (enfin, elle sait se servir de Glougl…) et me signale que ce problème des éditions des Pensées est récurrent, et connu, tout ça à cause de ce fichu Pascal qui savait pas utiliser une agrapheuse. Plus d’infos ici. Fin de Mise à jour.
Enfin, quelques consolations : cette recherche nocturne et opinitre m’a permis de découvrir quelques pensées, et l’envie de lire l’ouvrage entier pour y glner des trucs que je mettrai en exergue de mes prochains livres (ça fait vendre à mort, le pékin se dit « wahou, il a trouvé sur Goog’l , c’est un techno-beauf »).
J’ai notamment trouvé l’origine d’une expression que j’attribuais à tort à Victorugo :
Condition de l’homme : inconstance, ennui, inquiétude. Qui voudra connaître à plein la vanité de l’homme, n’a qu’à considérer les causes et effets de l’amour. La cause en est un je ne sais quoi (Corneille) ; et les effets en sont effroyables. Ce je ne sais quoi, si peu de choses qu’on ne saurait le reconnaître, remue toute la terre, les princes, les armées, le monde entier. Si le nez de Cléoptre eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé.
Pascal, Pensées, Première partie, article IX, XLVI, Firmin-Didot, 1873, p. 105.
Dans le même style, mais d’un point de vue complètement différent, le dicomoche : http://www.dicomoche.net/
Un répertoire des mots moches utilisés quotidiennement. Mais là au moins, le point de vue est clairement subjectif. Au moins, on s’est pourquoi on est pas d’accord…
Exemples :
Flouter : Rendre flou est trop simple, pas assez professionnel pour les spécialistes de l’image..
Panacée : C’est un remède, certes, mais pour tous les maux. Une panacée universelle est, elle, un magnifique pléonasme.
Bras (de fer) : Quand plusieurs personnes sont en désaccord, il ne faut pas parler d’affrontement, de négociations, de discussions, de pourparlers, de débat, ni même de tractations, de conflit ni de confrontation ; que nenni, un bras de fer est bien plus viril, et tellement plus courant !
Et la dangerosité, hein, Julien ? C’est le caractère dangereux de ce qui pourrait représenter un danger (et non l’inverse). Oui, on pourrait créer une rubrique intitulée Momoches, mais faut-il leur faire tant de pub ? Ne parlons pas de footballeurs qui vont au pressing, je suis sûr que leurs femmes apprécient…