Les marchés financiers sont-ils efficients ? (Partie I)

Rien de bien original dans ce billet (début d’une série), pour une personne qui prendrait le temps de lire et réfléchir. Mais notre époque est marquée du syndrome que j’appellerai RTFM. Je veux juste synthétiser en quelques billets un ensemble de faits généraux et d’opinions personnelles.

Un magma d’opinions pteuses

  • « les marchés ne sont pas efficients sinon personne ne jouerait en Bourse »
  • « L’an dernier, j’ai fait +34%, alors que le CAC ne grimpait que de 10%, si c’est pas une preuve… »
  • « J’ai un ami qui a un ami qui vit de ses investissements boursiers »
  • « Les théories ne sont que théoriques, il faut aussi prendre en compte la psychologie des acteurs »
  • « Et la bulle Internet, hein, c’était pas de l’inefficience ?! »

Entendons-nous d’abord sur l’efficience des marchés

Un marché efficient est un marché sur lequel aucun investisseur ne peut durablement réaliser un profit net supérieur à celui du marché. Avec les précisions (importantes) suivantes :

  • durablement signifie « au moins 5 ans »
  • profit net signifie « gains totaux (plus-values des actions + dividendes reçus) moins tous les coûts (frais de gestion, commissions, frais d’accès à l’information) »
  • on doit raisonner à niveau de risque équivalent

En français dans le texte, sur un marché efficient, il ne doit pas y avoir de différence de performance entre Jojo qui s’est abonné à La Tribune, et qui passe 10 heures par jour à sélectionner des actions, et Totor qui a acheté les 40 actions du CAC 40 et puis qui est allé dormir : au bout de 5 ans, en termes de profits (nets des coûts respectifs), Jojo ne devrait pas avoir une meilleure performance que Totor.

Les quidams qui brment « L’an dernier, j’ai fait +34%, alors que le CAC faisait +10% » oublient que

  • c’est sur 5 ans (ou plus) qu’ils devraient raisonner, s’ils veulent être convaincants
  • leur +34% est probablement une performance avant déduction des coûts (commissions, frais de garde, abonnements, anti-dépresseurs)
  • et surtout, ils comparent des choses non comparables : leur propre portefeuille n’est généralement pas correctement diversifié (alors que le CAC 40 est raisonnablement diversifié).

Exemple : si je mise tout sur Volatiles inc., l’action peut s’envoler (+34%) ou avoir du plomb dans l’aile (-100%), je peux donc gagner de l’argent à proportion du risque que j’ai pris. En revanche, l’action Volatiles ne peut pas être comparée à un portefeuille diversifié comme le CAC : elle est beaucoup plus risquée, car elle dépend de risques spécifiques (ouverture de la chasse, grippe aviaire, retour à la mode des oreillers en plume) qui sont complètement dilués (et même annulés) dans un portefeuille diversifié.

Conclusion sur ce point :
surperformer le marché sur une année, et sur une seule valeur (ou une poignée de valeurs) n’est pas spécialement glorieux, même si cela peut être une manière plaisante de passer son temps. En revanche, de là à en déduire que les marchés ne sont pas efficients, il y a de la marge… (à suivre).

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0 réponse à Les marchés financiers sont-ils efficients ? (Partie I)

  1. joséphine dit :

    C’est la fameuse expérience du singe qui lance ses fléchettes sur la page du WSJ pour faire sa sélection de titres et qui coiffe au poteau les grands analystes wall streetiens

  2. Oui, mais ce n’est pas ce singe qui m’intéresse. Mais puisqu’on parle de notre cousin d’amérique, allons-y : les anecdotes varient, et correspondent probablement à plusieurs expériences. J’aimerais rechercher plus de précision, car j’ai souvent « entendu parler » de ces expériences, sans jamais prendre le temps de rechercher la référence précise. Parfois c’est un singe, parfois un enfant de 5 ans, parfois un astrologue. Parfois, c’est le trader qui gagne (mais de peu), parfois c’est le singe ou l’enfant (c’est la même chose de toute façon), mais jamais l’astrologue. Bref, le(s) résultat(s) ne m’étonne(nt) pas forcément, j’aimerais juste connaître le vrai contexte, le protocole expérimental, en clair, ce qui peut donner de la valeur scientifique à la démonstration.

  3. ingenuous dit :

    Grandement merci pour ces explications qui semblaient si compliquées aux dires des professeurs et si mieux
    expliquées et illustrées par vous même ! Cela m’a apporté une meilleure compréhension et espère une réussite
    pour mes examens prochains! 🙂

  4. Jeux de moto dit :

    Pour rebondir sur la Bourse et en particuliers le CAC40, après avoir tenté une initiation, je n’ai pas continué plus loin. Le système de spéculation est attrayant et prenant en soit, mais l’attrait du profit rend la chose malsaine à mes yeux. Je ne serais pas surpris d’apprendre que la bourse entraine une dépendance chez certaine personne. C’est un peu comme le joueur de casino, attiré et pris par le jeu d’argent, ayant du mal à décrocher…

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