Pas de mots pour ça
Plongeon, étincellement de bulles qui remontent crever la surface, Conrad à ma droite, qui a gardé sa casquette (« Plutôt mourir ! » a-t-il grincé quand le moniteur lui a demandé de l’enlever avant de plonger), Aline un peu plus loin dans l’eau bleue, Eileen à ses côtés. Le moniteur nous précède en palmant régulièrement vers le fond, une dizaine de mètres plus bas. Descente ondoyante, ascenseur liquide, palmitude des profondeurs, je touche le fond sablonneux à côté du moniteur. Il me regarde, regarde autour de lui nerveusement, guettant un Saumon ou un Monstre.
Peine perdue, vieux, il faut avoir la Foi.
Aline et Eileen se sont assises sur le fond, un peu plus loin, elles s’allongent et hop, les bras étendus le long du corps elles ferment les yeux. Je vois Conrad qui les regarde aussi, qui se tourne vers moi en grimaçant, derrière son masque on dirait un mérou enfermé par erreur dans un bocal à poissons rouges. Je m’assieds en tailleur sur le sable, ça n’est pas facile avec des palmes, Conrad prend un air de cocker mouillé, et puis il s’assied, s’allonge, et regarde la surface, là-haut, à une vingtaine de mètres. Peu à peu, je le sens, je le sais, il se détend, il regarde les jeux de lumière à la surface, les bulles minuscules qui flottent autour de nous. Il étend les bras derrière sa tête, il fumerait bien une pipe sous-marine, dans ce bar bleuté, à s’écouter respirer. Il ferme les yeux.
Des quatre, je suis le seul qui n’aie pas dormi. Je me suis allongé, j’ai regardé les rayons du soleil qui jouaient avec l’eau, les poissons curieux qui venaient nous regarder, le moniteur montait la garde, à l’affût de Révélations, tandis que nous glissions sous une banquise dorée, environnés de narvals et de baleines blanches.
Roman, publié progressivement, sous un contrat Creative Commons. Et aussi sous licence Touchatougiciel.
Le roman, dans l’ordre, est là.