Le Brealey nouveau est arrivé

Voilà, après quelques mois (presque 12) de travail, la nouvelle édition du Brealey, Myers, Allen, Principles of corporate finance, sort en français, sous le titre éminemment original de Principes de gestion financière. C’est la 8ème édition américaine, la 4ème francophone, la deuxième sur laquelle je travaille, et la première sur laquelle j’avais toute responsabilité (relecture et mise en forme, adaptation, suppressions/ajouts, jeux de mots foireux…)
De la même manière que, dans mon ouvrage récent, j’ai réussi à caser « personne ne sait ce qu’il est advenu du petit pot de beurre » (p. 114), ici, j’avais 1 084 pages pour m’exprimer. Je suis assez content du slogan de l’entreprise Guano SA (« il jouait du guano debout »), ou de l’en-tête de l’exercice portant sur le renouvellement d’un bateau de pêche (« encore du bulot ! ») Comme vous le voyez, on s’amuse quand on n’a rien à faire. Pour les 117 852 jeux de mots restants, il faudra acheter le livre (teasing, teasing, buzz, buzz !).

Voici maintenant le petit calcul financier qui s’impose :

  • sachant qu’on a dû vendre 2 000 exemplaires sur l’année 2005
  • sachant que j’ai dû passer, en temps plein, quelque chose comme 3 mois de travail sur cette nouvelle édition
  • sachant que je touche 55 centimes par exemplaire vendu
    1. En supposant un même chiffre de ventes pour cette édition, cela représente combien de droits d’auteurs ?
    2. En supposant que mon coût horaire est au SMIC (8,03 euros bruts de l’heure), et que les jours ouvrés comptent 7 heures de travail effectif (je suis prof, n’exagérons pas), cela fait quel coût pour 3 mois (20 jours travaillés par mois) ?
    3. En faisant 1. – 2. aboutit-on à un chiffre
      • exagérément positif (il s’en met plein les fouilles, ce nanti !)
      • raisonnablement positif (c’est toujours ça de pris…)
      • nul (manquerait plus qu’il y gagne !)
      • raisonnablement négatif (de toute façon, c’est pour la réputation)
      • Abominablement négatif (arrête de nous faire pleurer)

  • Combien d’exemplaires faudrait-il espérer vendre en 2006 pour arriver à un résultat nul ? Est-ce plausible ?
  • Si on suppose qu’une séance de psychanalyse coûte 50 euros, à combien de séances de psychanalyse (thème : pourquoi est-ce que je fais ce genre de choses ?) ce déficit correspond-il ?

Je ramasse les copies dans 3 jours.

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Livre lu : Bernard Mourad – Les actifs corporels

Attention, thibillet assez long, à la dimension de mon enthousiasme.

J’étais dans la lecture du dernier Fred Vargas, Les bois éternels, quand j’ai arrêté pour lire Les actifs corporels, de Bernard Mourad (JC Lattès, 2006, 322 p.)

Cela devrait faire réagir ceux qui me connaissent un peu, ne fut-ce que par thibillets interposés : que j’arrête de lire du Fred Vargas, après tout le bien que j’en ai dit, signifie que j’ai rencontré un Olni.
J’ai donc lu Les actifs corporels, sur le conseil d’une collègue, en moins de 3 jours. Je n’ai à en dire que du bien, et Bernard Mourad est un sacré écrivain. Pour une fois, je vais déroger à ma règle, et livrer un tout petit fragment de l’intrigue, le fondement du roman : une loi passe en France, et des êtres humains (y compris le principal personnage) peuvent s’introduire en bourse et être cotés à titre personnel. Voici, en quelques idées égrenées ci-dessous, pourquoi j’ai énormément apprécié ce roman, et je le recommande chaudement :

  • Bernard Mourad a un vrai style. Incisif, illustré, c’est un style qui manie les mots, tous les mots, avec une très grande précision, une force percutante. Ce gars-là est intelligent, et il sait fichtrement bien écrire. Je vous en donne deux exemples. S’ils ne sont pas à votre goût, le livre en contient des milliers d’autres…

« Un duplex immense décoré dans ce style épuré et polaire, qui fit d’abord fantasmer les yuppies new-yorkais, avant de s’épanouir dans toutes les cantines branchées du globe. »
Bernard Mourad, Les actifs corporels, p. 69.

« Et puis il y avait aussi, bien sûr, de grandes tablées de cadres des cadres supérieurs. Mâles et femelles pour la plupart cotés. Des groupes de bavards instruits, souriants et bien sapés, ravis du bruissement de leur perspicacité. »
Bernard Mourad, Les actifs corporels, p. 209.

Pour cela, en terme d’analogie, cela me fait penser à certaines constructions de style de Jorge-Luis Borges (« des étudiants épuisaient les vastes gradins »), mais on retrouve cela chez beaucoup de bons écrivains contemporains.

    • Bernard Mourad connaît bien la finance, les mécanismes d’évaluation et de fonctionnement des marchés financiers, la vie des institutions financières. Sa force ne tient pas dans la puissance documentaire, mais le côté « analyse d’un système » : la fiction qu’il décrit et développe au fil de ces 300 pages a la puissance évocatrice et réaliste d’une histoire qui pourrait parfaitement être réelle. Cela me rappelle le livre de Romain Gary qui s’appelait Charge d’âme, où le monde moderne apprenait à capter les âmes des mourants pour les transformer en une énergie nouvelle qui venait alimenter les lampes, les automobiles, la société. Le discours était en même temps métaphysique et cruellement humain, avec le style mordant de Romain Gary (mais qui lit encore Gary aujourd’hui ?).

 

  • Enfin, Bernard Mourad a un côté vachard qui est particulièrement réjouissant. C’est le vilain petit canard qui est passé par un système, en a probablement (?) été l’un des pions, voire un cavalier ou un fou brillant, et là, c’est l’heure de l’addition, fort salée, qu’il présente. Cela me rappelle cet autre livre mordant, beaucoup plus court, moins abouti, mais qui a l’avantage d’être téléchargeable gratuitement : Devenez beau, riche et intelligent grâce à Word, PowerPoint et Excel, de Rafi Haladjian.

Vous le devinez, c’est un roman que j’aurais aimé écrire et signer, mais je sais honnêtement que je n’aurais pas « articulé le quart de la moitié du commencement » (Cyrano de Bergerac, tirade du nez) des idées de Bernard Mourad :

« Décidément, le marché n’appréciait ni les surprises ni les communiqués intempestifs… Le marché, au fond, était un petit être hypersensible ; vite perturbé par le plus infime des changements dans ses habitudes immuables, dans son petit train-train minuté, dans ses anticipations. On pouvait sans doute le rendre fou, ce marché, en changeant l’emplacement d’un vase, ou la place du pot de beurre dans la porte du frigo… »
Bernard Mourad, Les actifs corporels, p. 205.

Si je devais formuler quelques critiques, elles seraient de ce type :

  • Le style est riche, mais peut créer un effet de lassitude vers la fin du roman, qui ne va toutefois pas jusqu’à l’overdose. Et je n’ai pas de solution.
  • La fin ne m’a pas franchement déçu, contrairement à ce que disait ma collègue, mais il est vrai que j’aurais des idées d’autres fins, ou de raffinements d’intrigue. M’enfin, je ne suis que le critique de service, pas le scénariste.
  • Le roman ne distille pas la joie de vivre. Mais Il faut sauver le soldat Ryan non plus, il n’empêche, c’est un superbe film.

Enfin, si je me suis permis de citer à outrance ce qui n’est pas conforme au pur droit d’auteur, malgré mon adoption du style « citation » dans ma feuille de style c’est pour vous donner envie de lire ce livre, et idéalement de l’acheter pour rendre sous forme de droits d’auteur à Bernard Mourad ce qui lui revient. Allez, pour me faire pardonner, une dernière citation 😉

A propos d’une salle de réunion dans une banque d’affaires :
« Tout cela relevait largement du fantasme, Guyot en avait conscience. Cette pièce destinée à impressionner les visiteurs de prestige constituait surtout un espace de convivialité appréciable pour le petit personnel de Golley Dean. Une salle à manger luxueuse et austère où les salariés pouvaient, le soir venu, partager avec alacrité leurs repas remboursables. Alex se figurait l’attente fébrile qui devait sans doute précéder les livraisons de victuailles. Puis la liesse des jeunes analystes financiers, tapant des mains et des pieds à l’arrivée d’une kyrielle de sacs plastique, bourrés de sushis et de brochettes, de pizzas et de homos, de lasagnes et de viandes en barquettes dont le jus, rafraîchi par le trajet à l’arrière d’une mobylette, commençait à se mélanger aux molécules de polyéthylène. On était sans doute bien entre soi, à mastiquer mollement. A déglutir ensemble en comparant la noirceur des cernes, entassés dans un coin de cette table colossale, désertée par une famille fictive indigne ou délaissée. »
Bernard Mourad, Les actifs corporels, p. 43-44.

En conclusion, et pour reprendre Cyrano, je ne connais pas personnellement Bernard Mourad « mais je lui serrerais bien volontiers la main ». (Je radote, j’ai déjà dit ça à propos d’Ayroles et Masbou…)

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Ballast – Télémessagerie

Elle avait tout pour me prendre et me garder,
Sur le quai d’en face, elle me fixait intensément, effrontément, sans ciller.
Je n’allais pas rater cette chance, je me suis dirigé vers la sortie pour aller la retrouver.
Mon oeil a été attiré par une tache de couleur, derrière moi.
Je me suis arrêté, le coeur vidé.
Elle, sans avoir rien remarqué,
continuait à fixer
l’affiche vantant la sortie d’un nouveau téléphone portable.

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Ballast – 22h40 en semaine

Une qui monte l’escalier de la gare,
elle porte un sac lourd et on voit sa culotte.

Une autre qui sort du train avec son portable,
elle marche dans la nuit en parlant trop fort.

Une qui est dans une cabine téléphonique,
elle essuie les pleurs de ses yeux, tout en tenant le combiné,
et le fil de la conversation mourante.

J’y étais,
fatigué.

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Livre lu : Haruki Murakami – Kafka sur le rivage

De Haruki Murakami, j’avais lu Après le tremblement de terre (de Kobé), une série de nouvelles que j’avais trouvées très bien écrites, mais j’avoue que je n’en avais pas gardé tellement de souvenirs, à part le fait que, selon mon libraire, l’auteur « était le futur prix Nobel de littérature ».
Il y a quelques semaines, on m’a offert, pour mes 35 ans, Kafka sur le rivage (Belfond, 2006, 619 p.), que j’ai lu depuis. C’est donc un long roman, qui a nécessité plusieurs semaines de trajets pour être consommé. J’en ressors avec des difficultés à classer, voire à décrire, l’ambiance. Les termes « fantasmagorique » ou bildungsroman me viennent à l’esprit. Je vais expliciter bildungsroman, non pas pour les incultes, mais pour dire ce que j’entends par là : c’est un roman où l’on voit l’évolution d’un jeune, qui se construit à la faveur d’événements qui lui arrivent.
Bon, on raye et on recommence.
C’est un roman très poétique, qui mélange du fantastique et du réaliste, avec des personnages tour à tour énigmatiques et attachants. Le vieux Nakata est probablement le summum de la perfection bouddhiste. Oshima-san et Mademoiselle Saeki sont en même temps très humains, et désespérément lointains. Avec ses histoires imbriquées, ce roman m’a fait penser aux Paul Auster que j’ai lus (quasiment tous), où plusieurs histoires sont imbriquées. Mais il y a ici une irruption du fantastique qu’il n’y a quasiment jamais chez Auster. Cela flirte avec la science-fiction, voire avec des écrits psychédéliques. Mais tout cela est extrêmement bien écrit, précisé, on est loin d’un flux de paroles sans ponctuation ni linéarité.
J’ai beaucoup aimé de pouvoir rentrer un peu dans « l’âme japonaise », même si j’ai cru comprendre que Murakami est à la littérature ce que Kurosawa est au cinéma : un artiste essentiellement apprécié en dehors de son pays.
Je laisse la parole à Oshima-san, qui est parfois un peu trop intellectuel à mon goût, mais toujours intéressant :

Ce qu’on nomme l’univers du surnaturel n’est autre que les ténèbres de notre propre esprit. Bien avant que Freud ou Jung fassent au XIXème siècle la lumière sur le fonctionnement de l’inconscient, les gens avaient déjà établi une corrélation entre l’inconscient et le surnaturel, ces deux mondes obscurs. Ce n’était pas une métaphore. D’ailleurs, si on remonte encore plus loin, ce n’était même pas une corrélation. Jusqu’à ce qu’Edison découvre la lumière électrique, la majeure partie de la planète était plongée dans un noir d’encre. Aucune frontière ne séparait l’obscurité physique, extérieure, de l’obscurité intérieure de l’âme. Elles étaient mêlées sans qu’il soit possible de les distinguer. […] Aujourd’hui, il en va autrement. Les ténèbres extérieures se sont dissipées, mais les ténèbres intérieures demeurent. Ce que nous appelons ego ou conscience est la partie émergée de l’iceberg : la partie la plus importante reste plongée dans le royaume des ténèbres et c’est là que gît la source des contradictions et des confusions profondes qui nous tourmentent.
Haruki Murakami, Kafka sur le rivage, p. 299.

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Comment être vraiment, vraiment branché, ou Idée d’un nouveau business

Je compte monter une startup (ça ne doit pas être bien français tout ça, monter et up, ça fait redite. Est-ce qu’on descendrait une startdown ?)

Il s’agirait d’un club d’exception, qui permettrait de se distinguer de son voisin, d’épater son patron et d’augmenter le volume de son CV. Voilà le business model : vous m’envoyez 1 000 € (pour créer l’exception, il faut créer des tarifs dissuasifs) et je vous transmets un listing réputé vrai qui établit que vous avez un compte chez Clearstream. Vous cotoierez des gens connus, des qui disent qu’ils y sont pas, des qui aimeraient y être. Pour une prestation plus personnalisée, il y a plusieurs formules :

  • La super VIP : c’est la formule de base. 1 000 €, votre nom, un listing.
  • La Top of the Parveniou : formule enrichie. 2 500 €, un pseudo à consonance cryptée (PokerDAs, Albert2M, DSK-DST etc.), un listing sur parchemin du XVIIIème siècle.
  • La Incredible List of Exception : 10 000 €. Garantie que dans les 3 lignes au-dessus ou en-dessous, il y a au moins un(e) présidentiable, un évêque papable, un président ou un ministre.
  • La Total Package of Jet-Set : 50 000 €. Lancement commercial (lettres de dénonciation à amis et collègues, pigiste de La Voix du Nord qui fait un article), location d’un juge d’instruction pour une demi-journée.
  • La President of The United States : réservée uniquement aux 100 000 premiers abonné(e)s. 100 000 €. Descente de police, enlèvement par un contre-commando « à l’accent étranger prononcé », fausse exécution avec balles à blanc et ketchup rouge, photo, enterrement, résurrection le troisième jour. Listing gravé sur une pierre tombale en sucre glace, pour la manger avec les amis à la fin de ce calvaire.

SA au capital intellectuel solide, Siret : inscription en cours, règlement par chèques accepté.

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La valeur temps

Discussion avec le Président après mon cours de MBA. Le seul que j’appelle Président, parce qu’il est président d’une institution qui a instauré la Romain Millet (à ne pas confondre avec le Romain Millet, que j’ai connu, et qui est le créateur génial de la Romain Millet).
J’avoue au Président que j’essaie de publier un thibillet chaque jour. Il me dit « wahou, il faut avoir des choses à dire ». Non, ce n’est pas mon problème. Il faut plutôt le temps pour les dire. Mon problème – chronique, et historique – n’est pas d’avoir des idées déconnantes, mais de prendre le temps de les retranscrire. Mais c’est vital pour moi, et c’est un des objectifs de ce blog, tel que je l’expliquais au Président hier soir :

  • servir de soupape à idées : j’ai trop d’idées dans la tête, paf, un thibillet, ça va mieux, ça allège la pression (15 bars dans le cerveau, en période prolifique)
  • servir de base de données : l’autre jour, en rentrant la poubelle, je voyais le gazon que j’ai planté, et je me souvenais d’une obscure phrase sur les chinois, le taoïsme, et le fait que les paysans entendent l’herbe pousser. Et tout à coup, souvenir : j’avais écris un thibillet là-dessus ! Voilà, c’est une base de données en ligne, que je peux consulter (cf. lien « recherche ») et qui m’aide à ne pas réinventer la roue.

Si l’on m’en donne le temps…

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H5N1 (bis)

Et comme il faudra bien que nous rechargions notre batteries, rien de tel qu’une prise USB.
PS : et aucun risque de dégagement d’H2S…

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H5N1

H5N1

A force de manger du E330 dans des emballages PVC
Des OGM enrichis en vitamines et regazéifiés au H2S
Nous développerons un exosquelette de couleur vive
et nous emprunterons les canaux de la Seine
pour rejoindre notre travail.

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Armes de destruction massive

C’est la guerre. The ultimate war, my friend. Nerik, un jeune escroc, formé dans une école d’escrocs, par un escroc, a publié un article diffamant.

Sachant que le ridicule ne tue pas, dans cette escalade de la violence (b)logique, je réponds :

Parmi les quatre personnes suivantes, qui ressemble le plus à Albert de Monaco ? Et je donne quelques indices. Sur ces 4 personnes :

  • 3 vivent en couple
  • 2 sont très riches
  • 3 vivent en France
  • 1 a joué dans l’armée des 12 singes
  • 1 doit écrire un billet sur les singes
  • 2 ont écrit des romans
  • 2 sont mariés
  • 1 est divorcé
  • 2 enseignent la finance
  • 4 sont adulés par les foules

Voila, Nerik et ses âmes damnées, ça c’est de l’étude scientifique…

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Une araignée dans le bocal

Quand je travaille chez moi, j’ai faim très tôt. Donc je fais bouillir de l’eau vers 11h30, et j’avise les bocaux à riz : y a pus de riz dedans. Rusé comme l’indien comanche francilien, j’ouvre en sifflotant le-grand-tiroir-coulissant-bordélique-du-bas et pêche dans ses profondeurs obscures un paquet de riz basmati équitable, du genre « comme on fait dans l’équitable, on va faire un emballage pourri ». J’ouvre, j’extirpe le sachet, et je pare au plus pressé : verser le riz (équitable) en pluie fine dans mon eau (communale) bouillante. Et là, comme je suis débonnaire et de belle humeur, je me dis « allez, un bon geste, je vais remplir le bokalari (le bokalari basmati, car il y aussi un bokalari complet et un bokalari thaï. Tous trois sont vides).
Dévissage du petit couvercle, et surprise : une petite tache blanche qui bouge. Une araignée commune, mais blanche comme un navet, a son petit cœur qui bat la chamade, au fond de mon bokalari. Je m’en vais la colloquer dehors, avec son teint d’albinos, elle file sous une marche pour éviter le soleil, voilà ça c’est fait.
Maintenant, les deux questions cruciales, et la sous-question qui va avec :

  • Comment a-t-elle fait pour rentrer dans le bokalari vide, et fermé ? Je sais qu’il était fermé, puisque je l’ai ouvert. Bon, je passe cette question, on va dire que l’araignée était un petit œuf qui a éclos dans le bocal, et ne me demandez comment le petit œuf est arrivé là, ça va devenir torride. Comme le dit Guy Bedos « quand Papa a mis la petite graine dans le ventre de maman, Papa était loin de se douter que quelques années plus tard, la petite graine chausserait du 46 et mangerait un bâtard pour son goûter ».
  • Combien de temps ça vit, une araignée ? Vous allez me dire, « va voir sur Wikipedia, toi qui n’as que ce mot à la bouche ». Je répondrai « j’en ai d’autres en l’occurrence, là, tout de suite, lecteur éméralope (repentir : on écrit héméralope, merci Nerik et Julien T) », mais je précise ma question avec une sous-question :
    • Combien de temps ça peut vivre, une araignée, sans manger ?

Parce que le bokalari, ça doit bien faire 1 mois qu’il est vide, et fermé. (entendons-nous : ça fait un mois qu’il est fermé. Vide, non, puisque qu’il y avait l’araignée, ou l’œuf. m’enfin, y avait pas de riz qu’elle aurait pu bâfrer).
Ou alors, il y avait aussi quelques œufs de mouches, moustiques et autre provende dans le bocal, et l’œuf éclos d’araignée s’est boulotté les œufs éclos de mouche, moustique et autre provende. Mais il n’y avait aucune coquille au fond du bocal. Si c’est pas une preuve…
Bon, donc voilà, au turbin. Je sais que la tique peut vivre des années sans manger, mais c’est-y possible qu’une araignée basique (arachnea domestica albinosa) vive et croisse pendant un mois sans boulotter ?
M’étonne, quand même.

Repentir : autre hypothèse qui me traverse l’esprit, en attendant que la température du riz basmati baisse : peut-être qu’il a des œufs d’araignée dans le liquide vaisselle qui m’a servi à nettoyer le bocal il y a… quelques années ? Ne riez, bande d’ineptes : si une tarentule peut se loger dans une oreille (et c’est TF1 qui le dit, donc c’est forcément vrai), tout est possible. (lisez notamment les commentaires…)

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BDs lues – Jacamon et Matz – Le tueur (5 tomes)

Je me suis lu d’une traite les 5 BD de la série Le Tueur (Long feu, L’engrenage, La dette, Les liens du sang, La mort dans l’me), série qui hélas m’a l’air d’avoir été mise en sommeil (dernier tome paru en 2003).

J’ai beaucoup aimé, avec des points positifs et (quelques) points plus discutables :

Points positifs :

  • C’est très bien dessiné, en tout cas, le type de dessin que j’aime : de la ligne claire, sans bavures ni à peu près pour se la jouer branchouille. Ce qui n’exclut pas de l’inventivité : il y a des effets très graphiques, des découpages d’images très cinématographiques. Et puis les couleurs, riches, et les surimpressions, les effets de transparence, donnent beaucoup de qualité à l’ensemble. Pour prendre une analogie cinématographique, je dirais que c’est le fruit d’un travail entre un metteur en scène, un directeur de la photographie, et un chef-op pour la lumière. Ce que j’aime par exemple dans les films de Steven Soderbergh.
  • Le personnage central, le tueur, est très plausible, et malgré son amoralité (au sens littéral du terme, il choisit de ne pas avoir de jugement moral), il est… non pas attachant, mais plausible, compréhensible. Je trouve son itinéraire pas si délirant que cela, il aurait pu devenir cadre-sup, avocat, non, il est devenu tueur à gages, cela s’est joué – comme cela arrive plus souvent qu’on ne le pense dans la vie – à être dans un certain endroit, à un certain moment.
  • La plupart des personnages sont bien esquissés, on n’en sait pas trop sur eux, mais le dessin de leurs visages, avant même les mots qu’ils disent, donnent le sentiment de bien les connaître. On n’est pas loin de la morphopsychologie (mais ça, c’est mon délire), je veux dire que quand Jacamon dessine un personage, on se dit par exemple « Tiens, voilà un vieux beau dangereux ». Dans ce travail, cela n’égale probablement pas les animaux humanisés de Blacksad (superbe série), mais il y a une vraie recherche de « gueules ».

Points plus discutables :

  • Je n’apprécie pas forcément cette BD centrée sur un personnage amoral. Quoiqu’on en dise (oeuvre de fiction, distanciation) rappelons-le : tuer, c’est pas bien. Même si je peux entendre les circonstances vaguement atténuantes du « héros » (en gros, il nettoie la planète de quelques salauds), je suis mal à l’aise. D’abord parce qu’il y a une opposition entre deux leitmotivs du héros (« je ne cherche pas à savoir pourquoi je dois tuer telle personne » / « Je (ne) supprime (que) des salauds »). Ensuite, parce que son cynisme sur notre monde (que je partage, pour partie) est assorti d’un choix, qui est de se défendre seul et de se désintéresser du reste. Il y a un côté « je m’en lave les mains », que je ne condamne pas (après tout, chacun sa vie), mais que je trouve incompatible avec des discours du type « j’ai des valeurs (amitié, liens) ». Enfin, parce que c’est trop facile, et idéologiquement dangereux, de faire un mélange des genres, du type « je suis payé, mais en même temps, j’ai une mission d’utilité publique, je suis un nettoyeur de la lie de l’humanité ». Non, coco, tu es un tueur sans valeurs. Je peux comprendre tes motivations, mais ne me demande pas de t’admirer.
  • Les BDs se lisent vite. Je pense que c’est parce qu’elles sont fluides, bien dessinées, mais il y a aussi, peut-être, une trame un poil trop simplifiée. C’est difficile à mesurer, parce que c’est un vrai travail graphique, et c’est toujours frustrant d’imaginer que le dessinateur a passé des mois à construire un volume que l’on s’est avalé en 20 minutes…

En conclusion, une bonne série, qui m’a bien plu. Mes bémols pourraient de toute façon être appliqués à d’autres séries, où ce que j’ai reproché ici est d’autant plus pernicieux, que dans ces autres BDs, il n’y a pas le discours assumé du héros comme ici.

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Ballast – Le matin dans la rame

le matin dans la rame
Tous ces gens avec des walkmans
qui font des bruits de machines à coudre

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Magnolia

La semaine dernière, discussion arrosée autour d’Ernest Hemingway (c’est parti de la mention du Hemingway Bar, un lieu que j’affectionne), et j’apprends à cette occasion que Papa Ernest aurait inventé plusieurs cocktails, dont le « Ernest » (ou Daïquiri amer ?), qui se décrit comme suit : « c’est un daïquiri avec double dose de rhum ». Pour qui ne sait pas ce qu’est un daïquiri, passez votre chemin, mon propos n’est pas là.
J’étais déçu qu’un grand écrivain, créateur de cocktails, donne son nom à une variante. C’est comme si je disais « j’ai inventé le Bloody Chris, c’est comme un Bloody Mary, mais au lieu de mettre de la vodka, on met du gin… » Bonjour l’originalité.

Et donc, la semaine dernière, dans le feu de l’action, j’ai composé la recette (théorique, je n’ai pas encore testé) de mon premier cocktail, que j’appellerai Magnolia.

  • Pilez du gingembre confit
  • Délayez du jus de citron vert
  • Touillez avec élégance, ou furie barbare, suivant l’humeur et vos convives
  • Ajoutez trois glaçons
  • Versez doucement du Gin, jusqu’à recouvrir le glaçon le plus haut (ou arrêtez-vous 1 cm avant le haut du verre)
  • ajoutez deux feuilles de menthe fraiche

Prévoyez un dip (ex : crudités à tremper dans un bol de fromage blanc aux fines herbes) pour rafraichir tout cela, ou bien un méchant vieux Chorizo pour attaquer les papilles. Et demandez à Firmin de mettre en marche le ventilateur au plafond.

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Polissons

Depuis quelque temps, j’ai l’impression de perdre du sens, et des auditeurs, dans mes cours. Un sentiment de redite – classique chez un prof – m’étreint. Ayant l’impression d’être moins intéressant, je suis moins motivé, donc moins intéressant, etc. Alors je me dis, tel le Phénix moyen : réinventons-nous. Si en 13 ans, je n’ai pas réussi à avoir le même support de cours pendant plus de 6 mois, ça veut dire qu’il y a toujours quelque chose à améliorer, changer, supprimer. Surtout supprimer. Je me souviens d’un manuel américain qui, dans sa 2ème ou 3ème édition, se vantait d’avoir réduit son nombre de pages. Il avait entièrement raison (et pas seulement parce que c’était un manuel de compta).
Je liste donc ici quelques points, quelques pistes de réflexion :

  • plus le temps passe, plus je deviens adepte du learning by doing (l’apprentissage par le faisage, ou l’apprentissure par la facture. plus celle-ci est salée, plus on apprend). Maintenant, le teaching by doing (l’enseignance par faisance) est difficile à développer, car il présuppose une certaine liberté (celle de laisser l’étudiant se tromper, ou errer) tout en gardant à l’esprit un fil, non, pas bon, un ensemble de concepts qu’on veut faire passer. C’est ça, il n’y a pas de chemin absolu, mais clairement, des points de passage.
  • mes séances d’intro à la finance, autrefois unanimement (c’est-à-dire, par ma seule voix) considérées comme des modèles de clarté et de synthèse, deviennent, à mes yeux au moins, une suite de sentences assénées et d’exemples desséchés usés jusqu’à la corde. De plus, et c’est là où le couteau virevolte dans la plaie, cela m’a l’air complètement déconnecté de la séance 2, où l’on se mange direct des Mathématiques Financières.
  • Hier soir en live, j’ai été défié sur l’efficience des marchés, et – probablement parce que j’en ai beaucoup parlé, en cours et ailleurs – je n’ai pas été très bon à la réponse. Je veux dire, bien sûr que j’ai été incroyablement bon, excellent, et tout et tout, mais en me mettant à la place du questionneur, je me dis « ce n’était pas convaincant ». Ce matin aux lieux d’aisance, j’ai mis le doigt sur le problème : plutôt que de partir bille en tête sur la création de valeur, on devrait commencer par l’être humain, la rationalité (supposée, et de toute façon limitée) et l’efficience. Si j’arrive à montrer que l’efficience des marchés est une conséquence logique de ce que l’on sait sur la manière de raisonner de l’être humain, je pense que je retrouverai mon état de Phénix aux ailes dorées.

Donc je commence à glaner des articles sur les singes (les vrais, pas certains de mes collègues) pour appuyer ma réflexion future.

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Caillou – Café

Mousse dorée sur un flot brun
Grains torréfiés, concassés, filtrés sous pression,
breuvage substrat, concentré, entier.
Remuer son café, pour le plaisir de casser le reflet en une multitude de miroirs
Un tissu de soie sous la pluie.

Café en bouche, liqueur de bois acidulé,
cigare doux humidifié.

J’aime boire du café, car cela me rappelle tous les cafés que j’ai bus.

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