Finance comportementale reloaded – quelques statistiques

coconut-signHier, en cours, j’illustrais quelques biais de finance comportementale :

  • la confiance excessive (overconfidence)
  • l’ancrage (anchoring)
  • le cadrage (framing)
  • l’heuristique de disponibilité (availability heuristic). À propos de cette dernière, les lecteurs/euses assidu(e)s se souviennent que j’avais écrit un article qui résumait les biais dûs à cette heuristique, avec plusieurs exemples d’erreurs en gestion de portefeuille.

Je souhaite revenir sur l’heuristique de disponibilité, avec l’exemple de mon cours d’hier (NB : vous aurez tout intérêt à (re)lire d’abord l’article sur ce sujet).

La question posée en cours était : Vous êtes en vacances sur une plage tropicale (vous vous baignez, vous achetez des boissons au distributeur, etc.) selon vous, quelle est la cause de mort la plus probable parmi les 4 suivantes ?

  • être tué par un requin qui vous attaque
  • être tué par une noix de coco qui vous tombe sur la tête
  • être tué par la foudre qui vous tombe dessus
  • être tué par le distributeur de boissons qui vous tombe dessus

Les votes ont donné : cause de mort la plus probable :

  1. être tué par une noix de coco qui vous tombe sur la tête (27 votes)
  2. être tué par un requin (8 votes)
  3. être tué par le distributeur de boissons (7 votes)
  4. être tué par la foudre (1 vote)
  5. abstentions, sans opinion, n’ont pas compris le sens des mots « être tué », avaient envie de faire pipi… (42 votes non exprimés)

Cet ordre est très intéressant pour plusieurs raisons, qui illustrent toute l’heuristique de disponibilité (qu’on peut résumer en : « plus nous avons entendu parler d’une chose, plus nous surestimons sa probabilité »).

1. Foudre vs. requins. Selon des statistiques comparées (par exemple compilées par le Florida Museum of Natural History), le rapport entre les morts par la foudre et les morts par attaques de requins est de 125 pour 1, ou 38 pour 1 (oui, les statistiques ne sont pas très précises, car on ne sait pas bien compter les « morts par attaque de requin »). Si l’on prend la statistique la plus basse, vous avez presque 40 fois plus de « chances » d’être tué par la foudre que par un requin (et ceci, en ne retenant que les états côtiers). Mais (heuristique de disponibilité), on entend beaucoup plus parler des requins et des attaques de requins que de la foudre. (Une autre statistique amusante : selon Wikipedia, en une année donnée, il y a 10 fois plus de gens mordus par d’autres gens à New York que de gens mordus par des requins dans le monde entier).

2. Requins vs. distributeurs de boissons. Selon une statistique citée dans cet article (hélas, la source initiale n’est plus disponible, je fais appel à mes lecteurs pour m’indiquer un lien valide), la probabilité d’être tué par un distributeur de boissons est deux fois plus élevée que d’être tué par un requin. Mais encore une fois, les journaux / sites web / films ne parlent quasiment jamais de mort par distributeur de boissons.

3. Requins vs. noix de coco. C’est là où l’heuristique de disponibilité est la plus puissante, selon moi. Il n’y a jamais eu d’étude ni de statistique sérieuse sur les morts par chute de noix de coco, et les quelques études réalisées très localement ont systématiquement été exagérées (cf. wikipedia). C’est une légende urbaine, une phrase (non prouvée) que l’on entend de temps en temps, du genre « on a 100 fois plus de chance d’être tué par une chute de noix de coco que par un requin ». Ainsi, en l’absence même de preuve statistique, il a suffi qu’une rumeur se répande (et ne soit jamais démentie) pour établir une hiérarchie des probabilités.

En attendant un rétablissement des faits (par exemple, des journaux qui afficheront en gros titres « Un distributeur de boissons attaque sauvagement un requin ! Une noix de coco, témoin de cette attaque, ne réagit pas ! »), je vous invite à me communiquer les « légendes urbaines » statistiques que vous avez pu entendre en finance, les ordres de grandeur faux, mais qui persistent à être cités et utilisés…

Et pour ceux qui souhaitent aller plus loin, quelques références :

  • Psychologie de l’investisseur et des marchés financiers, Mickaël Mangot, Dunod, 2005, 300 p.
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